De la statistique criminelle apparente à la statistique judiciaire cachée - article ; n°2 ; vol.22, pg 155-180

Bruno Aubussondecavarlay

Description

Déviance et société - Année 1998 - Volume 22 - Numéro 2 - Pages 155-180
Criminal statistics are related to judicial activity. Their development in France during the nineteenth century focused primarily on providing a better description of the internal flows through the criminal justice system. Judging them using a theoretical criminological model which focuses on individual characteristics ignores these constraints. This ignorance brought in its train the collapse of the production of such statistics after 1932.
De criminele statistiek is uit beginsel de statistiek van de gerechtelijke activiteiten. In Frankrijk is de ontwikkeling in de negetiende eeuw van deze statistiek hoofdzakelijk ge- axeerd op de interne gegevensflux van de strafrechtsbedeling. De criminologische valori- sering van de (individuele) persoonlijke kenmerken van veroordeelen leidde de ontken- ning van de invloed van de werking van het strafsbedelingssysteem. Deze ingeslagen weg leidde, na 1932, tot een verwaarlozing van de produktie van statistieken.
Kriminalstatistiken sind grundsätzlich Statistiken iiber gerichtliche Aktivitäten. Im franzosischen Fall bezieht sich ihre Entwicklung im 19. Jahrhundert besonders auf die Bewegungen innerhalb des Justizsystems. Die besondere Betonung individueller Eigenschaften der Verurteilten in der Kriminologie ignoriert diese Beschränkungen. Diese Ignoranz führte nach 1932 zu einem zusammenbruch der statistischen Produktion.
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: DEVIANCE_ET_SOCIETE
• Publié le: 01 janvier 1998
• Nombre de lectures: 20
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Bruno Aubusson de Cavarlay
De la statistique criminelle apparente à la statistique judiciaire
cachée
In: Déviance et société. 1998 - Vol. 22 - N°2. pp. 155-180.
Abstract
Criminal statistics are related to judicial activity. Their development in France during the nineteenth century focused primarily on
providing a better description of the internal flows through the criminal justice system. Judging them using a theoretical
criminological model which focuses on individual characteristics ignores these constraints. This ignorance brought in its train the
collapse of the production of such statistics after 1932.
De criminele statistiek is uit beginsel de statistiek van de gerechtelijke activiteiten. In Frankrijk is de ontwikkeling in de negetiende
eeuw van deze statistiek hoofdzakelijk ge- axeerd op de interne gegevensflux van de strafrechtsbedeling. De criminologische
valori- sering van de (individuele) persoonlijke kenmerken van veroordeelen leidde de ontken- ning van de invloed van de
werking van het strafsbedelingssysteem. Deze ingeslagen weg leidde, na 1932, tot een verwaarlozing van de produktie van
statistieken.
Zusammenfassung
Kriminalstatistiken sind grundsätzlich Statistiken iiber gerichtliche Aktivitäten. Im franzosischen Fall bezieht sich ihre Entwicklung
im 19. Jahrhundert besonders auf die Bewegungen innerhalb des Justizsystems. Die besondere Betonung individueller
Eigenschaften der Verurteilten in der Kriminologie ignoriert diese Beschränkungen. Diese Ignoranz führte nach 1932 zu einem
zusammenbruch der statistischen Produktion.
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Aubusson de Cavarlay Bruno. De la statistique criminelle apparente à la statistique judiciaire cachée. In: Déviance et société.
1998 - Vol. 22 - N°2. pp. 155-180.
doi : 10.3406/ds.1998.1659
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ds_0378-7931_1998_num_22_2_1659Déviance et Société, 1998, Vol. 22, No 2, pp. 155-180
DE LA STATISTIQUE CRIMINELLE APPARENTE
À LA JUDICIAIRE CACHÉE
B. AUBUSSON DE CAVARLAY*
La statistique criminelle est par principe une statistique de l'activité judiciaire. Dans le
cas français, son développement au XIXe siècle concerne surtout les flux internes du système
pénal. La valorisation par la criminologie des caractéristiques des condamnés conduit à
l'ignorance de cette contrainte. Une ignorance qui entraîne l'effondrement de la production
statistique après 1932.
Mots-clés : Statistiques criminelles - Justice pénale - Criminalité - Méthodolog
ie STATISTIQUE
Un certain nombre de textes d'origines diverses retracent la naissance des statistiques
criminelles. On les rencontre dans les travaux de criminologie, d'histoire de la justice ou
d'histoire sociale ou encore, plus rarement, d'histoire des sciences ou de la statistique1.
Leur étude minutieuse conduit plutôt à les lire comme des hagiographies qu'à en faire une
source fiable pour comprendre la généalogie des appareils statistiques. On y trouve des
renvois manifestes entre les traditions, des reconstructions assez évidentes en fonction
d'un message, d'une morale à faire passer et exemplifier, des personnages clefs dont la
pensée et l'influence voyagent à travers le temps et l'espace sans difficulté. Le recoupe
ment de ces références ne donnant finalement que peu de sources originales, il en résulte
une compréhension tout entière bâtie autour de la fin de l'histoire.
L'une des affirmations les plus fréquentes rencontrées dans cet ensemble de textes est
celle de l'antériorité de la statistique française, qualifiée de plus ancienne statistique cr
iminelle au monde, elle est représentée comme étant dès l'origine le modèle que chaque
pays cherchera à imiter. Les travaux récents en matière d'histoire de la statistique et prin
cipalement ceux d'Alain Desrosières (1992; 1993) peuvent nous conduire à revisiter ces
récits avant d'entreprendre un travail d'archives plus conséquent.
La rivalité entre l'Angleterre et la France dans cette affaire pourrait avoir joué un rôle.
Encore faudrait-il préciser exactement les sphères où cette concurrence se développe et le
contexte général. Ce contexte devrait inclure notamment les oppositions d'approche des
promoteurs de statistique selon la tradition anglaise et selon la tradition continentale dont
Alain Desrosières montre la pertinence et l'influence. Mais il devrait inclure aussi les
effets de concurrence possibles dans la promotion de deux modèles d'organisation de la
Centre de Recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales, Guyancourt (France).
L'une des sources aujourd'hui les plus citées est la contribution de Michèle Perrot à l'ouvrage collectif
sur l'histoire de la statistique en France publié par l'INSEE (Perrot, 1977). Ce texte lui-même s'appuie
sur quelques circulaires conservées aux archives nationales, sur le Compte général et sur les
travaux des auteurs fondateurs (Quetelet, Guerry). Auparavant André Davidovitch citait les mêmes
sources en dehors des circulaires (Davidovitch, Lévy-Bruhl, 1957-1958). C'était déjà le cas des ouvrages
de la fin du XIXe siècle (Bertillon, 1895). 156 Déviance et Société
justice pénale bien différents (le modèle accusatoire anglais et le modèle inquisitoire fran
çais).
Dans la reprise de cette histoire de la statistique, il y aurait lieu de distinguer ce qui
concerne la production des statistiques et ce qui concerne leur publication. Le succès de la
statistique française est d'abord le succès du Compte général de l'administration de la Jus
tice criminelle {Compte général dans la suite) qui est en 1827 une opération de publication2.
Certes, cette publication suit d'un an la mise en place d'un dispositif de production sta
tistique enrichi (voir infra) ; mais ce dispositif est alors loin d'être complet et l'essai n'est
pas transformé. La suite de l'histoire de la statistique et les comparaisons internationales
ne manquent pas d'exemples de débuts de réalisation qui tournent court. Or le Compte
général de 1825 est tout à fait insuffisant par rapport à son projet affiché. En matière cr
iminelle, les renseignements individuels concernant les accusés sont absents et en matière
correctionnelle, l'absence du département de la Seine retire au tableau global une bonne
part de sa validité. On devra attendre la publication du volume de 1831 (en décembre
1832) pour que l'essai soit transformé. Il faut donc dans cette histoire prendre la précau
tion minimale de ne pas attribuer aux quatre volumes utilisés par Quetelet dans ses pre
miers travaux (ceux de 1826 à 1829) des vertus qui n'appartiennent à la statistique fran
çaise que lorsqu'elle atteint sa maturité complète et une longévité certaine3. Ceci ne doit
pas du tout conduire à faire abstraction des commentaires de l'époque sur la parution du
Compte général ni à minimiser l'impact de cette publication.
Le Compte général de 1825, c'est un programme pour une statistique nationale et
publique sur la justice pénale. Reste alors à cerner le contenu de ce programme et son
enjeu.
L'état provisoire de mes réflexions sur le sujet me conduit à remettre en question un cer
tain nombre de jugements relatifs au développement de la statistique criminelle et à son uti
lisation. L'argument récurrent de ces critiques consiste à relever dans les présentations
habituelles, l'influence du point de vue de l'utilisateur contemporain venant bien après les
événements qu'il décrit et retraçant une généalogie dont il se désigne bien souvent comme
le point d'aboutissement. Or il est évident que je ne saurais moi-même échapper à ce
défaut. La seule façon d'y remédier est peut-être d'expliciter dès le début mon «point de
vue»: je peux moi-même le définir doublement comme celui d'une personne engagée dans
la production statistique pénale contemporaine au sens large4 et comme celui d'un utilis
ateur-producteur de séries rétrospectives de longue durée dans une perspective systémique.
I. Le programme statistique du Compte général de l'administration
la Justice criminelle
Mettre à jour le programme que tente de réaliser le Compte général implique un travail
d'archives qui reste à faire. Quelques éléments entrevus me conduisent à avancer que l'as-
C'est bien dans ce sens que semblent aller les commentaires de l