Débats autour des fouilles archéologiques à Osaka, 1917-1920 - article ; n°1 ; vol.32, pg 25-63
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Ebisu - Année 2004 - Volume 32 - Numéro 1 - Pages 25-63
Modern anthropology and archaeology appear in Japan at the end of the xixth century, in the context of state modernization. Centered on the Imperial university of Tokyo and on the Imperial Museum, the scholars of this scientific field consider the Japanese settlement as the result of an invasion of the archipelago : the Japanese would have repulsed the Ainos to the north, putting an end to the prehistoric times.
After the chair of Archaeology has been created, at the Imperial university of Kyoto, a new group of scholars centered on Hamada Kôsaku, maintain on the contrary that the Japanese settlement does possess some continuity with that of the prehistoric times, and imagine « Japanese prehistoric times » upon the archipelago. In 1917-1919, this new group of anthropologists and archaeologists rally other scholars of the provinces, like the Imperial university of Tôhoku, and oppose the capital's academism about the interpretation of the excavations in the site of Ko, in the suburbs of Osaka. The « Kyoto School » try to re-think the accepted paradigm of the alternance of the settlement, and substitute for a continuist interpretation of the Japanese people on the archipelago. This new discourse, opposed to the predominant one of the capital, does not have large echoes. In fact, at the same time, the annexionnism does maintain the idea of the common origins of Japanese and Korean, according to which the Japanese's origins are on the continent.
L'anthropologie et l'archéologie modernes apparaissent au Japon à la fin du xixe siècle, dans le cadre de la modernisation de l'Etat. Centré sur l'Université impériale de Tokyo et sur le Muséum impérial, ce champ du savoir scientifique pense le peuplement japonais comme le résultat de la conquête de l'archipel, les Japonais ayant repoussé les Aïnous au nord, mettant ainsi fin à la Préhistoire.
Suite à la création, en 1916, d'une chaire d'archéologie à la nouvelle Université impériale de Kyoto, un nouveau groupe de chercheurs, autour de Hamada Kôsaku, va estimer, inversement, que le peuplement japonais possède quelque continuité avec celui de la Préhistoire, imaginant une « Préhistoire japonaise » de l'archipel. Ce nouveau groupe d'archéologues et d'anthropologues rallie à lui les chercheurs de province, tels ceux de l'Université impériale du Tôhoku, pour se dresser contre le monde académique de la capitale au sujet de l'interprétation des fouilles du site de Ko, dans la banlieue d'Osaka, réalisées en 1917 et en 1919. L'« École de Kyoto » tente de repenser le paradigme admis de l'alternance des peuples sur l'archipel, pour y substituer une interprétation en continuité du peuplement. Ce nouveau discours ne bénéficie alors que d'échos restreints, tandis que le monde académique dominant soutient les thèses annexionnistes de la filiation commune nippo-coréenne, selon lesquelles les Japonais viendraient du continent.
39 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2004
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Arnaud Nanta
Débats autour des fouilles archéologiques à Osaka, 1917-1920
In: Ebisu, N. 32, 2004. pp. 25-63.
Citer ce document / Cite this document :
Nanta Arnaud. Débats autour des fouilles archéologiques à Osaka, 1917-1920. In: Ebisu, N. 32, 2004. pp. 25-63.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ebisu_1340-3656_2004_num_32_1_1378Abstract
Modern anthropology and archaeology appear in Japan at the end of the xixth century, in the context of
state modernization. Centered on the Imperial university of Tokyo and on the Imperial Museum, the
scholars of this scientific field consider the Japanese settlement as the result of an invasion of the
archipelago : the Japanese would have repulsed the Ainos to the north, putting an end to the prehistoric
times.
After the chair of Archaeology has been created, at the Imperial university of Kyoto, a new group of
scholars centered on Hamada Kôsaku, maintain on the contrary that the Japanese settlement does
possess some continuity with that of the prehistoric times, and imagine « prehistoric times »
upon the archipelago. In 1917-1919, this new group of anthropologists and archaeologists rally other
scholars of the provinces, like the Imperial university of Tôhoku, and oppose the capital's academism
about the interpretation of the excavations in the site of Ko, in the suburbs of Osaka. The « Kyoto
School » try to re-think the accepted paradigm of the alternance of the settlement, and substitute for a
continuist of the Japanese people on the archipelago. This new discourse, opposed to the
predominant one of the capital, does not have large echoes. In fact, at the same time, the annexionnism
does maintain the idea of the common origins of Japanese and Korean, according to which the
Japanese's origins are on the continent.
Résumé
L'anthropologie et l'archéologie modernes apparaissent au Japon à la fin du xixe siècle, dans le cadre
de la modernisation de l'Etat. Centré sur l'Université impériale de Tokyo et sur le Muséum impérial, ce
champ du savoir scientifique pense le peuplement japonais comme le résultat de la conquête de
l'archipel, les Japonais ayant repoussé les Aïnous au nord, mettant ainsi fin à la Préhistoire.
Suite à la création, en 1916, d'une chaire d'archéologie à la nouvelle Université impériale de Kyoto, un
nouveau groupe de chercheurs, autour de Hamada Kôsaku, va estimer, inversement, que le
peuplement japonais possède quelque continuité avec celui de la Préhistoire, imaginant une «
Préhistoire japonaise » de l'archipel. Ce nouveau groupe d'archéologues et d'anthropologues rallie à lui
les chercheurs de province, tels ceux de l'Université impériale du Tôhoku, pour se dresser contre le
monde académique de la capitale au sujet de l'interprétation des fouilles du site de Ko, dans la banlieue
d'Osaka, réalisées en 1917 et en 1919. L'« École de Kyoto » tente de repenser le paradigme admis de
l'alternance des peuples sur l'archipel, pour y substituer une interprétation en continuité du peuplement.
Ce nouveau discours ne bénéficie alors que d'échos restreints, tandis que le monde académique
dominant soutient les thèses annexionnistes de la filiation commune nippo-coréenne, selon lesquelles
les Japonais viendraient du continent.n° 32, Printemps-Été 2004 Ebisu
D, 'EBATS AUTOUR DES FOUILLES ARCHEOLOGIQUES
À OSAKA, 1917-1920
Arnaud NANTA
Université Paris 7 - Denis Diderot
L'anthropologie et l'archéologie modernes apparaissent au Japon à la
fin du xixe siècle, dans le contexte de la modernisation de l'État et de la
mise en place du système universitaire, avec les réformes de l'ère Meiji
(1868-1912). Ces deux savoirs participent du processus de construction
de l'identité japonaise moderne, dans son rapport à l'altérité et dans sa
relation au passé. Ils fonctionnent tous deux selon des thématiques proches
de leurs homologues en Europe à la même époque. Opérant au sein d'un
même champ scientifique, qui associe géologie et sciences de la nature,
l'anthropologie et l'archéologie questionnent d'une part les populations
limitrophes de l'Etat-nation japonais, et s'efTorcent, d'autre part, de mettre
en lumière la filiation de la nation moderne.
La première société d'anthropologie et d'archéologie est créée en 1884,
au sein de l'Université de Tôkyô (fondée en 1877 ; l'université impériale).
Les principaux responsables de cette société, tels TsUBOl Shôgorô if #
îESÊR (1863-1913) ou Koganei Yoshikiyo 'b&#&m (1858-1944)1,
sont préoccupés par trois questions majeures : l'altérité des îles du nord (les
Aïnous), l'étude des « tertres impériaux » (les kofun ~^M)2 et la question
préhistorique, dont l'enjeu est de déterminer la nature des peuplements
pendant l'actuelle période Jômon de l'archipel. Ces questions sont associées
tout comme elles s'opposent au sein des discours de l'anthropologie et
de l'archéologie. En effet, tandis que la protohistoire (périodes Yayoi et
Kofun) est pensée par ces chercheurs comme l'origine par excellence de
la Culture japonaise, la Préhistoire est associée à l'idée de barbarie et à
celle d'un peuplement autochtone aïnou : les Japonais succéderaient ainsi
aux « Aïnous préhistoriques » par le fait d'une conquête. Autrement dit, le
peuplement préhistorique est alors saisi en tant qu'altérité, c'est-à-dire en
opposition aux Japonais. Ce discours de la capitale est dominant à partir
de la fin du xixe siècle, relayé tant par la Société d'anthropologie que par le
Muséum impérial de Tôkyô. L'identité japonaise est clairement pensée en
rapport avec le continent asiatique, comme le résultat d'une conquête de
1 Arnaud Nanta, « Koropokgru, Aïnous, Japonais, aux origines du peuplement de
l'archipel », Ebisu n"30, Maison Franco-Japonaise, 2003, p. 123-154.
1 Nous renvoyons à l'article de Laurent Nespoulous, dans le présent numéro à Ebisu,
p. 3-24. 26 Arnaud NANTA
l'archipel durant l'Âge des métaux. Cette filiation continentale est d'autant
plus revendiquée que le Japon assoit son expansion coloniale en Corée
en 1905. Cette conception continentale des « origines » des Japonais est
accompagnée d'une exclusion progressive des populations aïnoues du
corps national.
Un second monde académique anthropologique et archéologique
voit le jour au milieu des années 1910, au sein de la nouvelle Université
impériale de Kyoto (fondée en 1897). Ces nouveaux archéologues de la
province vont se constituer en opposition par rapport à la recherche de la
capitale3, alors affaiblie par la disparition d'un de ses chefs de file, Tsuboi,
en 19 134. La première chaire d'« archéologie » (kôkogaku kôza ^l^^MJM)
au Japon est inaugurée en 1916, à l'Université impériale de Kyoto. Dès
lors, cette chaire, située au cœur du Japon historique et protohistorique,
dans l'« ancienne capitale » (koto ËÊftilS), devient le lieu et le moyen d'une
revendication identitaire différente de celle du paradigme établi. Face à
l'idée de substitution raciale et de filiation continentale, constituant alors
la conception admise des « origines » nationales, Hamada Kôsaku îftffl
UffË (1881-1938), qui occupe la chaire d'archéologie et sera président de
l'Université impériale de Kyoto, met en avant une possible continuité du
peuplement entre la Préhistoire et la protohistoire, et fait des « autochtones »
de l'archipel (jusque-là les Aïnous) les « ancêtres des Japonais »\ Dès lors,
tandis que deux universités s'affrontent, ce sont deux conceptions différentes
de la discipline — l'une fondée sur l'idée de la rupture et l'autre sur celle
de la continuité — qui s'opposent. Les enjeux de ces débats universitaires
sont liés à des conceptions différentes de l'identité japonaise : asiatique et
métissée, ou bien insulaire et constituée d'une « race unique ». Au-delà de
l'opposition de modèles, lorsque les chercheurs de Kyoto soutiennent que
les Japonais posséderaient une « filiation préhistorique » sur le sol même
de l'archipel, c'est la spécificité du &#

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