Delphes et la pensée religieuse en Grèce - article ; n°4 ; vol.10, pg 526-542
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1955 - Volume 10 - Numéro 4 - Pages 526-542
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1955
Nombre de lectures 21
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Louis Gernet
Delphes et la pensée religieuse en Grèce
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 10e année, N. 4, 1955. pp. 526-542.
Citer ce document / Cite this document :
Gernet Louis. Delphes et la pensée religieuse en Grèce. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 10e année, N. 4, 1955.
pp. 526-542.
doi : 10.3406/ahess.1955.2488
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1955_num_10_4_2488DELPHES ET LA PENSEE RELIGIEUSE EN GRECE
II y a beaucoup à retenir de l'ouvrage érudit et pénétrant que M. J. Defra-
das intitule les Thèmes de la propagande delphique1. Le sujet est assez inté
ressant, et assez valable, pour qu'on en considère ici certains aspects : il
s'agit des conditions où se définit une pensée religieuse, des modes de cette
pensée, de ce qu'elle a pu signifier pour une humanité particulière.
Le sanctuaire d'Apollon à Delphes, siège d'un oracle fameux, a joui
d'une autorité, variable sans doute suivant les États ou les milieux, mais
somme toute assez générale en Grèce. En quoi consiste-t-elle et quel en est
l'organe? A quels domaines s'applique-t-elle, quelle en est la portée? Et
d'abord, à quel moment s'est-elle exercée?
Cette question de date conditionne à certains égards l'opinion que nous
pouvons nous faire de l'action de Delphes. L'enquête est bien menée, et
les résultats auxquels elle aboutit sont de conséquence. Les « données archéo
logiques » — chapitre qu'on souhaiterait un peu plus développé — attestent
que le site a été siège religieux depuis l'époque mycénienne, laquelle se
clôt par une catastrophe ; le lieu reste néanmoins lieu de culte, mais d'un
culte renouvelé, et dont les fouilles révèlent surtout l'activité à partir de
l'époque archaïque des vuie-viie siècles. .Quant aux « données littéraires »
les plus anciennes, elles ne font pas présumer, pour le rayonnement et la
célébrité du sanctuaire, une très haute date. C'est du moins l'opinion de
M. Defradas, mais la discussion n'a peut-être qu'une portée assez restreinte.
Homère ne parle que rarement de Delphes, c'est vrai ; mais il y a bien d'autres
choses dont il parle peu ou point, et qui existaient de son temps. Expressé
ment, il ne mentionne l'oracle qu'une fois, mais du reste, pour sa plus grande
gloire (Od., VIII, 79 et suiv.) : faudra-t-il éliminer le texte comme « adjonc
tion récente »? Comme si « Homère » ne consistait pas, pour une bonne part,
en « interpolations » I Mettons que nous soyons au vne siècle : il ne s'agit
que de s'entendre, le débat risque d'être vain. Il y a un texte un peu plus
récent que les poèmes d'Homère et d'Hésiode, et celui-là spécialement
consacré au dieu : c'est la seconde partie de Y Hymne homérique à Apollon,
couramment dénommée Suite pythique, et à laquelle l'auteur consacre une
étude diligente et fructueuse. D'évidence, il est pour l'époque archaïque le
texte capital. A-t-il précédé de peu ou suivi de peu la première guerre sacrée ?
1. Paris, Klincksieck, 1954 ; in-8°, 297 pages. ET LA PENSÉE RELIGIEUSE EN GRÈCE 527 DELPHES
C'est du moins aux alentours de cette guerre, tout au début du vie siècle,
qu'on s'accorde à le situer. Or c'est de ce temps-là que date ce qu'on pourrait
appeler le droit panhellénique de Delphes : c'est à partir de ce moment que
le sanctuaire est plus ou moins géré par l'amphictyonie qui associe un assez
grand nombre de cités, ou plus exactement de « peuples » grecs. Il est clair
que l'oracle devait déjà être assez achalandé et assez prestigieux pour que
l'amphictyonie, qui ne siégeait auparavant qu'aux Thermopyles, se soit déc
idément installée à Delphes. Mais il n'est pas moins clair que Delphes, réc
iproquement, a dû beaucoup à cette espèce de promotion. Il y aurait lieu,
à ce propos, de considérer le statut juridique des sanctuaires en général, et
de ce genre de sanctuaires en particulier1. On constaterait du moins que la
nature internationale — pour employer un terme impropre, mais commode
— s'accuse particulièrement à Delphes : il y a intérêt à marquer un certain
niveau d'organisation religieuse. On observe aussi une espèce de délégation,
qui s'est faite le plus souvent — qui paraît être de principe — à la cité
delphique ; en tout cas, le personnel du sanctuaire, qui se recrute en général
à Delphes même, mériterait un examen ou tout au moins un rappel : car
la question ne peut pas être esquivée dans l'étude qui intéresse surtout
l'auteur et à laquelle nous en venons.
Л
La thèse de M. Defradas, c'est qu'il y a eu une pensée proprement del
phique, émanant du clergé du lieu, et qui aurait exercé une action réfor
matrice dans différents domaines de la religion. Ce n'est pas l'opinion géné
rale : peu nous importe, et peu m'importe personnellement que j'en aie
exprimé une autre, il y a déjà pas mal de temps ; pour le dire familièrement,
je ne demanderais pas mieux que d'en changer : il serait très intéressant de
voir démontrer l'existence d'un organisme religieux qui aurait informé et
influencé la pensée grecque suivant des vues théoriques plus ou moins
définies et plus ou moins continues. Seulement, il faut s'entendre ; et il y
a ici deux notions au moins à définir. Cette action de Delphes, comment la
concevoir ? « Propagande » n'implique pas nécessairement des partis pris
d'ordre religieux ; il est question assez souvent, chez M. Defradas, de « doc
trine », sinon de « dogme », il est question aussi d'un « enseignement » ; mais
quelquefois aussi d'un «esprit». Ces termes ne s'équivalent pas : personne ne
songe à nier le rôle de Delphes ; mais quant à la « propagande » et même
pour ce qui est de l'« esprit », il pourrait relever de la politique — disons, si
l'on veut, d'un certain pragmatisme. Un enseignement, une doctrine, c'est
autre chose. Mais il faudrait les situer ; il y a une lacune et, chose bizarre,
1. La question n'a pas été étudiée systématiquement (il y a des indications pertinentes, sur
ce qu'on pourrait appeler le droit commun, dans E. Weiss, Gneck. Pnvatrecht, p. 154 et suiv.).
Il n'est pas sûr d'ailleurs qu'elle puisse se poser en termes de droit positif. Y a-t-il, et en quel
sens, « propriété » du dieu, ou de corporation religieuse, ou de la cité, ou, comme en l'espèce,
d'un système de cités? Il est certain que les membres de la communauté amphictyonique
possèdent dans le sanctuaire, ipso jure, ce qu'on appellerait en grec Vengktèsis, le droit de disposer
du sol pour leurs offrandes ou « trésors ». — Rappelons du moins qu'on ne peut juger d'une
organisation religieuse sans tenir compte de ses éléments, ou de ses aspects, juridiques. 528 ANNALES
une lacune voulue (p. 13), dans le travail de M. Defradas : ce « clergé del-
phique » dont il postule sans cesse l'action, il ne le considère pas, il le met
entre parenthèse. Sans doute nous le connaissons mal ; mais il est bien
curieux que, précisément pour l'œuvre théorique qu'on lui impute, il ne se
signale jamais à nous.
Il est vrai qu'il y a des clergés très discrets. Il y en a aussi d'éclectiques :
on peut constater que celui de Delphes n'a pas réussi, d'abord, à constituer
une doctrine bien définie quant aux origines de l'oracle : parmi les histoires
que nous offrent l'hymne homérique, Alcée, Eschyle, Euripide, Aristonoos,
il est somme toute arbitraire de choisir la version authentique, et plus
encore de la reconstituer par hypothèse. En général, ce ne sont pas les mythes
qui manquent à Delphes, mais plutôt l'ordonnance de la matière et just
ement cet « esprit » du lieu qui l'aurait informée. Beaucoup de traditions,
beaucoup de souvenirs qui se sont conservés plus ou moins tels quels, plus
ou moins incompris aussi — c'est le destin des mythologies : je crois qu'il
faudrait de la bonne volonté pour y découvrir quelque chose comme une
doctrine religieuse.

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