Deux clés du mot « village » en russe : son suffixe et la culture par le feu - article ; n°3 ; vol.57, pg 491-512
23 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Deux clés du mot « village » en russe : son suffixe et la culture par le feu - article ; n°3 ; vol.57, pg 491-512

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
23 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Revue des études slaves - Année 1985 - Volume 57 - Numéro 3 - Pages 491-512
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 105
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Marcel Ferrand
Deux clés du mot « village » en russe : son suffixe et la culture
par le feu
In: Revue des études slaves, Tome 57, fascicule 3, 1985. pp. 491-512.
Citer ce document / Cite this document :
Ferrand Marcel. Deux clés du mot « village » en russe : son suffixe et la culture par le feu. In: Revue des études slaves, Tome
57, fascicule 3, 1985. pp. 491-512.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1985_num_57_3_5510DEUX CLES DU MOT « VILLAGE » EN RUSSE :
SON SUFFIXE ET LA CULTURE PAR LE FEU
PAR
MARCEL FERRAND
« Валить суки ... валки жечь ...
говорят и сеять на суках ... »
(V. I. Daľ)
ÉTAT ACTUEL DE L'ÉTYMOLOGIE DE ДЕРЕВНЯ
1. L'étymologie la plus connue de деревня est de Potebnja. Il voyait dans
деревня un dérivé en -ня dont la base perpétuerait en russe un mot balto-slave :
*à'ïrva, ancêtre du lituanien dirvà « champ ». Le nom russe par excellence du
village a en effet signifié « champ » autrefois, et ce sens était connu des dialectes
du Nord encore récemment. Potebnja apparentait *d'ïrva à драть « déchirer,
etc. », mais aussi « пахать лесную новину » (russe du Nord). Деревня « village »
contiendrait ainsi à l'origine l'idée d'un champ conquis шг la forêt par
l'arrachage des arbres et des broussailles1 .
2 . Šanskij comme Potebnja rattache деревня à драть, en remaniant ainsi son
etymologie : деревня ne viendrait pas de *d'ïrva mais de дерево ; c'est celui -ci
qui remonterait à драть, et il aurait dans деревня, non son sens moderne ď «arbre»,
mais un sens plus proche de драть : « chose arrachée » («то, что выдирается ») 2 .
1. Voir en complément de cet article : M. Ferrand, le Suffixe -nja en russe moderne,
Paris, I.E.S., 1985, 84 p. (Bibliothèque russe de l'Institut d'études slaves, LXXIV). Par « suf
fixe -ня » on entend « suffixe -ня derrière consonne ».
A. A. Potebnja, « Этимологические заметки », Русский филологический вестник,
Varsovie, 1881, t. 5, p. 127 ; К истории звуков русского языка, I, Voronež, 1883. Lit. dir
và « champ » est rattaché à dirti « (zer)-reissen » , correspondant de драть, cf. E. Fraenkel.Z,/«
tauisches etymologisches Wôrterbuch, Heidelberg, 1962-1965.
2. N. M. Šanskij, V. V. Ivanov, T. V. Sanskaja, Краткий этимологический словарь рус
ского языка, M., 1961 ; également N. M. Sanskŕj, Этимологический словарь русского язык
а, М., 1964, 1. 1, fasc. 5, aux mots « Деревня » et « Дерево ». Sous le mot « Дерево » Šans
kij définit ainsi деревки : <г ... дерево ... первоначальное значение ... 'то, что выдирается'...
ср. диал. деревки 'росчисть, подсека', т.е. 'расчищенное место от деревьев, выдранное
Rev. Étud. slaves, Paris, LVII/3, 1985, p. 491-512. 492 M. FERRAND
3. L'étymologie de Potebnja soulève au moins deux difficultés majeures.
En premier lieu, on a de fortes raisons de douter que *d'ïrva ait jamais existé.
Cette conjecture balto-slave n'aurait de prolongement dans aucune langue slave
moderne sauf le russe. En russe même elle ne se survivrait que dans un dérivé. En
second lieu, les dérivés de драть désignant un « champ défriché » -дор, роздерть,
etc. -, produits à l'appui de hypothèse de Potebnja, sont formés sur un post
verbal -дор- ou -дер- ; un mot en -ня : обдирня « moulin » présente une troisième
variante de la même racine : -dup-. Si le russe avait tiré de драть un dérivé en -ня
synonyme de дор, etc., il serait à l'évidence du type *( ) -дорня/ дерня /дирня ou,
avec adjonction de l'élément -ое- comme dans de nombreux mots en -ня ; * ( ) -до-
дировня1 . ровня/ деровня /
4. Šanskij, loc.cit., reproche à l'étymologie de Potebnja de ne pas être « con
forme aux processus de la dérivation » ; la base de деревня ne peut être selon lui
que дерево, sans intermédiaire. Mais sa suggestion pèche du côté du sens, car rien
ne prouve que дерево a bien signifié à un moment donné « chose arrachée » . Ou
alors il faudra accepter comme certaine une donnée préhistorique attestée une seule
fois et de manière indirecte en russe moderne, car en effet aucune autre trace que
celle qui nous est proposée dans деревня n'en est décelable, ni ailleurs en slave,
toutes périodes confondues, ni en indo-européen : des correspondants i.-e. possi
bles de дерево, aucun n'apporte une quelconque confirmation de ce sens sup
posé2. Mais il y a plus grave encore sans doute, c'est qu'une dérivation ne peut
fonctionner que si ľaffixe et la base sont contemporains (plus exactement : ľaffixe
et le sens dans lequel la base est prise par ľaffixe). Étant donné que le suffixe i
nvoqué est, implicitement mais clairement, désigné comme russe moderne ; que le
stade auquel on se réfère pour justifier le sens de la base, « то, что выдирается », ne
от растений' ... ». Cette définition de деревки est erronée, comme du reste celle qu'elle im
plique de подсека. Nous donnons plus loin l'interprétation correcte, où intervient la notion de
culture par le feu.
1. ( )- : sans ou avec préverbe. Jagić est à peu près de cet avis : « Man wtirde nämlich
*dervnja oder gar *dernja [erwarten. - M.F.] » Dans la suite de son article cependant Jagić
(Archiv fůr slavische Philologie, 7, p. 484) raisonne comme s'il acceptait l'étymologie de Potebn
ja. Vasmer rend compte assez inexactement de la position de Jagić, Этимологический сло
варь русского языка, M., 1964-1969. L'adjonction dans un mot en cons. + -ня de l'élément
-oef-ee-est conditionnée par la nature dure ou molle de la consonne finale de la base, cf.
липовня, берёзовня, колотовня, etc., mais кожевня, мошевня, роёвня, харчевня, etc. En
outre, après une base d'origine verbale -ее- n'apparaît jamais dans les mots russes en cons.
+ -пя, cf. infra § § 8 sq. et M.Ferrand, op. cit., p. 3 1-32. Le rapprochement entre деревня et les
dérivés de драть désignant également un champ comme дор, etc. se fait sans doute plus précis
chez les commentateurs de Potebnja que chez Potebnja lui-même (cf. Endzelin, Живая старин
а, juil. 1910, p. 201). C'est que pour Potebnja дор, etc., dont il donne l'étymologie à la suite
et à part, sont de vrais dérivés de драть, non деревня. Mais dès lors que selon lui dans деревня
et драть il y a la même racine (« По корню сродны с деревня ... дор ... дорище... »), le pré
sent argument est opposable à son etymologie ; à plus forte raison la difficulté posée par la
présence de l'élément -ее-. Sur драть « пахать... » v. infra Appendice 3.
2. Cf. ce que dit Bulaxovskij de l'étymologie de Potebnja dans « Деэтимологизация в
русском языке », Вибрані праці, t. III, Kyïv, 1978, p. 353 ; mais cela vaut aussi bien pour la
version de Šanskij : « Не отвергаю толкование Потебни категорически, хотя вижу значи
тельную трудность в подобной этимологии по отношению к слову, представленному в
таком значении только русским языком. » Sens des correspondants i.-e. (supposés) de
дерево d'après Vasmer, op. cit. : « Сосна, смола, дерево, брус, корьё, дуб, дерево-матер
иал-, жёлудь, дубовый лес, лиственница ». Sens des i.-e. de
дрова, ibid. : « дерево, древесина, дерево - материал -, дуб, жердь, борть ». « VILLAGE » EN RUSSE 493
peut être, quant à lui, que très éloigné de nous, on voit que cette condition él
émentaire du processus de dérivation n'a pas la moindre chance d'être remplie.
5. Деревня, de дерево : tel est le problème à résoudre. Šanskij n'énonce pas
les choses autrement, a priori du moins, car en attribuant à la base un sens qui la
rend méconnaissable, il change du tout au tout l'une des données du problème.
Les termes de la dérivation — base et suffixe — sont à prendre comme nous les
connaissons, ni plus ni moins, et à cet égard Potebnja et Šanskij ont demandé en
quelque sorte trop à la base et pas assez au suffixe. D'une part en effet дерево a un
sémantisme étroit en slave d'une façon générale, mais particulièrement en russe, où
l'on ne peut que s'en tenir aux deux sens qu'on lui connaît : « arbre ; bois comme
matière »* . D'autre part, en cherchant la solution uniquement dans la base, au-
delà des données lexicales dont nous venons d'indiquer les limites, les auteurs
qui ont pr

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents