La cliométrie du brevet Cest sous limpulsion des travaux de Schumpeter (1911, 1939, 1947) que linnovation se positionne au cœur de lanalyse économique. Depuis ces travaux fondateurs, trop peu dinnovation studies sesont toutefois consacrées aux usages du brevet (Hall, 2006) dans la longue durée (Fagerberg, Mowery, Nelson, 2005). Notons néanmoins les réflexions liminaires de Machlup & Penrose (1950), celles de Pavitt (1985), Basberg (1987) et Dernis & Guellec (2001), les travaux statistiques de Federico (1964) et les recherches remarquées dhistoire économique de Sokoloff (1988), de MacLeod (1988), et ceux beaucoup plus contemporains de Lerner (2002), de Metz & Watteler (2002) et de Khan (2005). Depuis les années 1960, pour nombre déconomistes, le brevet est dabord perçu comme une unité de mesure pour évaluer les capacités dinnovations, pour interroger les liens entre inventions et croissance (Kuznets, 1962, Schmookler, 1966, Griliches, 1990) et, plus généralement, pour étudier les droits de propriétés (Demsetz, 1967, Alchan & Demsetz, 1973, North, 1990, Aghion & Howitt, 1998, Hall, 2007) dans une perspective à lévidence plus statique que dynamique. Partant de ce constat, notre projet de recherche a pour ambition première, dans la philosophie des rapports de lOCDE et de lOMPI, de participer à combler cette relative myopie historique, cest-à-dire de fournir, outre des renseignements empiriques novateurs et de bonne qualité, de nouvelles séries statistiques et une lecture renouvelée dinspiration cliométrique, des brevets dans leurs dimensions structurelles et spatiales. A linterface entre lhistoire, léconomie et la statistique, nous souhaitons démontrer, quoutre sa fonction première dassurer à la fois la protection et la publicité de linvention, le brevet exerce une autre fonction, souvent négligée, voire même oubliée, celle de représenter un indicateur potentiel de la croissance économique. Le nombre de brevets exprimerait, à sa manière, léconomie des idées, cest-à-dire la quantité de création technique et intellectuelle susceptible de constituer une mesure efficace du progrès économique des nations. La validation de cette hypothèse nous conduira à la prise en considération des relations susceptibles dexister entre, dune part le nombre de brevets délivrés et dautre part les indicateurs traditionnels de la croissance économique, avec le produit intérieur brut (PIB) plus particulièrement, mais aussi les dépenses de recherche et développement, le nombre de chercheurs, etc. Ce faisant, nous sommes bien évidemment conscient du caractère contestable des statistiques de brevets constituées par simple comptage. Les inventions quils protègent sont, à lévidence, dimportance très inégale. Seule la pondération de chaque brevet permettrait sans doute dobtenir une statistique plus significative. Mais, à notre connaissance, aucun office de brevets ne sest, à ce jour et sur la longue durée, engagé dans cette voie. En dépit donc de cette fâcheuse situation et sans croyance naïve, nous estimons quil sagit daccorder aux statistiques de brevets une valeur très significative, notamment dans le cadre dune analyse cliométrique de très long terme. En effet, ces statistiques peuvent fournir une masse de renseignements quil convient dappréhender pour livrer des éléments originaux afin de comprendre, dhier à aujourdhui, la politique industrielle et économique dun pays. Nous souhaitons doncentrer dansces statistiques pour tenter den dégager de nouvelles pistes de recherche qui sappuient sur un postulat théorique majeur : le progrès technique, par lintermédiaire du brevet, est au centre de la croissance économique. Pour ce faire, nous chercherons à produire des séries statistiques inédites permettant la mise en lumière quantitative des étapes successives de lévolution de longue période des