Du Roman au mythe Lecture de John Irving - article ; n°111 ; vol.29, pg 87-105
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Description

L'Homme - Année 1989 - Volume 29 - Numéro 111 - Pages 87-105
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Pierre Albert
Du Roman au mythe Lecture de John Irving
In: L'Homme, 1989, tome 29 n°111-112. Littérature et anthropologie. pp. 87-105.
Citer ce document / Cite this document :
Albert Jean-Pierre. Du Roman au mythe Lecture de John Irving. In: L'Homme, 1989, tome 29 n°111-112. Littérature et
anthropologie. pp. 87-105.
doi : 10.3406/hom.1989.369152
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1989_num_29_111_369152f-
Jean-Pierre Albert
Du Roman au mythe
Lecture de John Irving
mythe l'ordre séquences à Jean-Pierre des principes ? vient-il De qui Albert, façon se au de répondent roman cohésion sans Du ? Roman doute Ne et sémantique peut-on se volontaire, transforment au mythe. penser analogues J. que Lecture comme Irving l'univers à ceux agence de des John qui créé mythes ses organisent par Irving. romans un à l'intérieur romancier — l'univers autour Comment d'une obéit du de
mythologie, dessinant un monde saturé de sens. Au lieu de chercher à réduire la matière
narrative à des formes déjà connues, on peut analyser ces romans comme on étudierait
un ensemble de mythes, et reconnaître dans les relations découvertes l'ordre qui leur
donne cohérence et unité. L'intérêt pris à la lecture aurait ainsi pour origine
l'expérience vécue d'un ordre dans le sensible : telle pourrait être l'une des
significations anthropologiques du roman dans notre culture.
Dans un texte de 19321, J. L. Borges compare l'univers créé par une œuvre
narrative à celui que postule la magie. « Le problème central de l'art du roman,
écrit-il, est la causalité. » Une causalité « frénétique et précise » le gouverne,
celle-là même que la conception frazérienne de la magie, explicitement
invoquée, découvre dans les procédés de l'intervention « sympathique » ou
« contagieuse » sur le réel. « La magie est le couronnement ou le cauchemar de
la causalité, non sa contradiction », écrit encore Borges, paraphrasant sans
doute la célèbre formule de Mauss. De même, un roman « doit être un jeu
précis d'attentions, d'échos, d'affinités. Tout épisode, dans un récit soigné, a
une projection ultérieure ». Pour illustrer cette idée, Borges cite un récit de
Chesterton « où ' la maquette ' initiale — la seule mention d'un Indien qui
lance son couteau à un autre et le tue — est strictement l'inverse de
l'argument : un homme poignardé par son ami avec une flèche, sur le haut
d'une tour. Couteau volant, flèche qui se laisse empoigner. Les mots ont une
longue répercussion ». Cet exemple nous fait déjà sortir de la magie selon
Frazer. Borges ébauche une analyse de la transformation d'un scheme narratif
que Claude Lévi-Strauss pourrait fort bien reprendre à son compte. Et c'est
précisément de sa démarche que l'on voudrait ici s'inspirer.
L'Homme 111-112, juillet-décembre 1989, XXIX (3-4), pp. 87-105. JEAN-PIERRE ALBERT
« L'analyse des procédés du roman n'a guère connu de publicité. La cause
historique de cette réserve prolongée est la priorité d'autres genres. La
fondamentale, la complexité presque inextricable des artifices du roman. » Ce
que Borges écrivait en 1932 reste, d'une certaine manière, toujours vrai. On
connaît d'innombrables essais d'analyse structurale du récit ou du texte
poétique. Le roman offre une résistance plus grande. On veut aller vers lui en
prenant appui sur des méthodes adaptées à l'analyse de formes plus simples,
plus répétitives. Les travaux de Propp sur le conte merveilleux ont offert un
modèle permettant de repérer des fonctions narratives et de dégager la nécessité
interne de leur succession. La littérature policière semble de même pouvoir se
ramener à une combinatoire2. Mais il reste que « la complexité presque inextri
cable des artifices du roman » se laisse difficilement réduire à des modèles
préétablis, puisque le est le lieu d'une création de formes qui, loin de
répéter des modèles, pose ses propres règles et ouvre au créateur un espace de
liberté en droit illimité.
Les « procédés du roman » seraient-ils donc soumis à l'arbitraire d'une
subjectivité toute-puissante, réduisant tout effort d'analyse à la seule descrip
tion des modalités imprévisibles d'une narration ignorant toute contrainte ?
Arbitraire de programmes formels analogues à ceux que Raymond Roussel
disait avoir placés à l'origine de ses œuvres ? Contingence de la réalité même,
dont le romancier réaliste se ferait le greffier ? Les deux hypothèses découra
gent également l'analyse, réduisant la critique à la paraphrase ou limitant son
objet au seul domaine d'une écriture cause d'elle-même, trouvant dans le lan
gage son aliment, ses ressources generatives et ses contraintes. Mais en se réfu
giant dans l'analyse stylistique, la critique littéraire ne manque-t-elle pas
l'essentiel de son objet ?
Le problème que l'on voudrait poser, dans le prolongement des intuitions de
Borges, peut se formuler en des termes très simples : si l'univers du roman re
ssemble plus à celui de la magie qu'à celui dont la science éprouve toujours
davantage la troublante contingence, c'est qu'il comporte plus d'ordre que le
monde de notre expérience quotidienne. L'existence de cet ordre pourrait expli
quer la satisfaction que procure une œuvre littéraire. Il faut donc déterminer sa
nature. Mais nous savons aussi que ce « supplément d'ordre » n'est pas néces
sairement réductible à des formules préétablies. On postulera donc qu'il est un
produit de l'œuvre elle-même, qu'il est immanent à l'agencement de ses maté
riaux et comporte, en droit, autant de réalisations possibles qu'il y a de romans.
Cette hypothèse recouvre et esquive à la fois le problème déjà posé par Aris-
tote de ce qu'on appelle un récit complet, un « récit soigné », dans le vocabul
aire de Borges. « Nous avons admis », écrit Aristote dans la Poétique, « que
la tragédie est l'imitation d'une action complète et entière, ayant une certaine
étendue ; car une chose peut être entière et n'avoir guère d'étendue. Est entier
ce qui a commencement, milieu et fin » (1450b, 24-29). A défaut d'être résolu,
le problème est bien posé. Il est à la fois logique et anthropologique : problème
de forme et d'écho affectif ou psychologique3 ; de syntaxe et de vocabulaire Du Roman au mythe 89
porteur d'un sens. Cette dernière formulation, empruntée à l'article de Lévi-
Strauss sur la Morphologie du conte de Propp, permet de préciser notre
hypothèse : pourquoi la nécessité interne et la complétude du roman, comme
celles du mythe, ne seraient-elles pas immanentes au déploiement des matériaux
eux-mêmes, le « vocabulaire » étant inséparable de la « syntaxe »4 ? Pour
recourir à une métaphore empruntée à la théorie musicale, on pourrait sup
poser que l'ordre du roman est un principe de clôture ou plus exactement de
résolution. La résolution d'une dissonance est en effet fonction de sa nature
(septième ou neuvième, etc.), elle impose un point d'arrivée (retour à une for
mule harmonique), mais autorise plusieurs parcours également admissibles. On
remarque aussi une évolution historique dans la définition même des termes,
qui rend leur opposition relative. Peut-être l'acceptation de cette exigence de
résolution implique-t-elle un choix esthétique que des écoles littéraires contem
poraines ont voulu dépasser. C'est du moins dans une œuvre de notre temps
que l'on cherchera à manifester sa présence : l'œuvre romanesque de John
Irving5.
Il s'agit donc de chercher un ordre dans des récits où il n'apparaît pas
immédiatement, un ordre a priori imprévisible (sinon dans les termes généraux
de la résolution) et immanent aux matériaux eux-mêmes. On a pu voir en outre,
en suivant l'hypothèse de Borges, que cet ordre est celui d'un univers su
rordonné, mettant chaque élément d'un « récit soign&

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