Du vieillissement démographique à l intégration des âges : la révolution de la géritude - article ; n°6 ; vol.50, pg 1611-1625
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Description

Population - Année 1995 - Volume 50 - Numéro 6 - Pages 1611-1625
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Michel Loriaux
Du vieillissement démographique à l'intégration des âges : la
révolution de la géritude
In: Population, 50e année, n°6, 1995 pp. 1611-1625.
Citer ce document / Cite this document :
Loriaux Michel. Du vieillissement démographique à l'intégration des âges : la révolution de la géritude. In: Population, 50e
année, n°6, 1995 pp. 1611-1625.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pop_0032-4663_1995_num_50_6_5889•> г
Du vieillissement démographique
à Г intégration des âges :
la révolution de la géritude
Michel LORIAUX
I. - En guise d'introduction :
vieillissement, choix idéologiques et thèses minoritaires
Admettons-le, défendre une thèse minoritaire n'est jamais chose aisée.
Tout s'y oppose, souvent avec force : le prestige scientifique ou acadé
mique des chercheurs qui défendent la thèse dominante, la réputation
des institutions qui la propagent, le sectarisme des commissions att
achées aux fonds de financement de la recherche, elles-mêmes souvent
composées, en bonne partie, de ces mêmes hommes, et soucieuses de
ne pas sélectionner des projets qui ne respecteraient pas l'orthodoxie
scientifique du moment, etc.
Au total, bien intrépide est le chercheur atypique qui oserait braver
ces interdits, puisqu'il sait qu'il y a peu de chances d'obtenir les crédits
escomptés pour poursuivre ses travaux, d'être publié dans les revues sous
le contrôle de ses « contradicteurs » scientifiques ou privé de parole dans
les congrès dits scientifiques. Car la façon la plus efficace de défendre
une thèse dominante, c'est encore de ne pas permettre aux tenants des thè
ses minoritaires de s'exprimer et de refuser d'engager le débat avec eux,
pour ne laisser aucune chance à leurs arguments de convaincre quelques
penseurs libres.
Les silences du monde scientifique sont souvent plus révélateurs
que ses cris. Et le fait de savoir que le barrage exercé à l'encontre de
certaines idées dérangeantes s'affaiblira avec «la disparition progressive
des tenants de l'ancienne thèse et leur remplacement dans les postes
influents par la nouvelle génération des chercheurs» n'est souvent
qu'une piètre consolation, même si Albert Einstein lui-même était, pa
raît-il, convaincu que le progrès scientifique ne s'opérait qu'à travers
le renouvellement des générations de savants qui s'accrochaient à dé- LE VIEILLISSEMENT DÉMOGRAPHIQUE 1612
fendre par vents et marées les thèses qui leur ont valu leur carrière, leur
notoriété ou leur prestige, en ajoutant toutefois que :
« Quel que soit le poids des faiblesses humaines, de la vanité des hommes,
des rivalités et des intérêts, de la cécité intellectuelle même, (...) ce sont
au bout du compte des critères objectifs et l'authenticité qui tranchent le
débat.» (J.-F. Revel, 1988)
Point n'est cependant nécessaire, toutefois, de se référer à la théorie
de la relativité pour illustrer cette thèse. Dans le domaine des sciences
sociales, la courte histoire des théories sur le vieillissement démographique
peut parfaitement convenir aussi bien. Pendant des décennies, le vieilli
ssement a été considéré, par la plupart des scientifiques, comme une catas
trophe collective. On savait déjà que vieillir n'est pas forcément une
sinécure sur le plan individuel, mais le processus consistant pour une po
pulation à subir une modification progressive et profonde de ses structures
par âge, dans le sens d'une diminution des classes d'âge jeune et d'une
augmentation corrélative des classes d'âge âgé, a été à son tour décrit en
des termes qui ne laissaient aucun doute sur le jugement péjoratif porté
par les contempteurs du vieillissement sur ce phénomène pratiquement i
nconnu avant la révolution démographique occidentale : «cancer social»,
«mal anesthésiant», «peste blanche», etc.
Passons sur le choix du terme même, destiné à décrire ce processus
de modification des structures par âges et sur le glissement insidieux du
concept biologique de vieillissement individuel au concept collectif de
vieillissement démographique, alors que tout le monde, ou presque, recon
naît qu'il y a eu peu de relation, sinon aucune, entre ces deux phénomènes,
du moins au cours de la phase initiale de l'évolution, où les personnes
âgées ne sont même pas activement impliquées dans le processus (puisque
ce sont les jeunes, qui, par leur diminution, sont à l'origine de l'accroi
ssement relatif des personnes âgées). Déjà, à ce simple stade terminologique,
un effet sournois d'idéologie s'est donc introduit, qui a pendant très long-'
temps contribué à maintenir au phénomène du vieillissement sa connotation
profondément péjorative, en rendant plus difficile son remplacement par
une expression plus positive. Parce qu'ils font partie du langage courant,
des termes comme «vieux» ou «vieillissement» sont trop chargés de s
ignifications étrangères au phénomène de vieillissement démographique
pour être considérés a priori comme objectifs ou neutres. Dans certains
pays européens, les instituts de statistiques continuent parfois à faire ré
férence, dans leurs publications, à des «coefficients de sénilité» pour dé
signer le rapport des personnes âgées aux personnes jeunes et de tels excès
de langage ne sont, probablement, pas innocents, mais révélateurs du pro
fond désaveu dans lequel le vieillissement démographique est officiell
ement tenu par les responsables ou les décideurs politiques.
Pour échapper à cette forme d'assujettissement linguistique, certains
auteurs ont bien proposé d'utiliser des expressions plus neutres, relevant
d'un vocabulaire davantage exclusivement scientifique, plutôt que des te
rminologies du sens commun, mais il faut reconnaître que leurs propositions VIEILLISSEMENT DÉMOGRAPHIQUE 1613 LE
n'ont guère rencontré de succès parmi les démographes qui préfèrent s'en
tenir aux vocables couramment employés. C'est ainsi que Paul Clerc a pro
posé de substituer au terme de vieillissement celui de «gérescence» pour
désigner «le processus du qui se traduit par l'augmentation
de la proportion des personnes âgées au sein d'une population» (Diction
naire multilingue des Nations Unies) et de le distinguer de la «gérité»
qui se rapporterait au vieillissement-état, c'est-à-dire au résultat de ce pro
cessus. De son côté, un autre auteur comme Gérard-François Dumont
(1993), propose de réserver l'expression de «gérité» pour mesurer la pro
portion des personnes âgées dans la population totale et de consacrer celui
de « gérocroissance » à l'augmentation du nombre de personnes âgées liée
à l'allongement de la durée de vie.
Mais, quoi qu'il en soit, ces exemples montrent à quel point le dis
cours scientifique des sciences sociales peut être contaminé par le recours
à un vocabulaire qui n'a pas fait l'objet d'une critique systématique de
signification et comment les démographes qui veulent...
«faire l'économie d'une critique de leurs concepts, de leurs outils d'analyse
et de leurs représentations, [courent] le risque d'être victimes d'idéologies
non avouées ou purement et simplement dissimulées.» (H. Le Bras, 1991)
Non point, certes, que le discours des sciences sociales puisse avoir
la prétention de se dégager de toute contrainte idéologique ou normative,
car il perdrait alors l'essentiel de sa portée et de son contenu, dans la
mesure où la plupart des questions essentielles pour le gouvernement des
hommes et la gestion des cités sont très probablement insolubles, sans un
certain nombre de postulats idéologiques ou de choix normatifs préalables.
L'important n'est pas de faire table rase des idéologies, ce qui est virtue
llement impossible et pratiquement peu souhaitable, mais de les mettre so
igneusement à plat, pour éviter de confondre démonstrations scientifiques
et options normatives (A. Caillé, 1993).
Or, il est clair qu'une gran

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