En Angleterre : révolution industrielle et vie matérielle des classes populaires - article ; n°6 ; vol.17, pg 1047-1061
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1962 - Volume 17 - Numéro 6 - Pages 1047-1061
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1962
Nombre de lectures 62
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Eric J. Hobsbawm
En Angleterre : révolution industrielle et vie matérielle des
classes populaires
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 17e année, N. 6, 1962. pp. 1047-1061.
Citer ce document / Cite this document :
Hobsbawm Eric J. En Angleterre : révolution industrielle et vie matérielle des classes populaires. In: Annales. Économies,
Sociétés, Civilisations. 17e année, N. 6, 1962. pp. 1047-1061.
doi : 10.3406/ahess.1962.420915
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1962_num_17_6_420915ÉTUDES
En Angleterre :
Révolution industrielle
et vie matérielle
des classes populaires
Quels changements la Révolution industrielle a-t-elle apportés à la
vie matérielle du peuple anglais ? Plus précisément — car c'est le problème
qui préoccupe l'érudition anglaise — quels changements se sont-ils produits
dans le premier stade du développement de l'industrialisation, lors du
grand saut en avant accompli de l'essor de l'industrie cotonnière à la
construction des chemins de fer, de 1780 aux années 1840 ? Voilà le
sujet de la présente mise au point1.
Pour en préciser les limites, disons aussitôt que seront laissés de côté
les changements survenus dans la vie matérielle des classes riches ou
aisées, bien que celles-ci soient un sujet aussi légitime d'histoire sociale
que celle des pauvres. Mais c'est toujours la majorité qui l'emporte, et
dans la Grande Bretagne de la première moitié du xixe siècle, les classes
dites laborieuses sont la grosse majorité. Avant tout, c'est leur condition
qu'il y a avantage à aborder de cette façon nouvelle, sur le plan de la vie
matérielle.
Actuellement, en effet, le chercheur qui négligerait les change
ments matériels, ceux qui se traduisent mal aisément en statistiques,
ne fausserait- t-il pas l'histoire ? La situation de la population agricole ne se
déduit pas de la seule analyse, exclusive, du salaire réel et des effets pure
ment économiques des « enclosures ». Ce que la révolution de l'économie
a fait du loisir du paysan ou de l'ouvrier par exemple, est aussi important
aux yeux du sociologue, que de l'historien. Ecoutons tel bon pasteur
du Suffolk : « Ils ne possèdent ni pré ni village, ni autres communaux pour
y pratiquer les sports actifs. Il y a trente ans, on me dit qu'ils avaient le
droit d'utiliser un champ particulier pour leurs jeux à certaines saisons de
1. Texte, légèrement modifié, d'une conférence faite à la VIe Section de l'Ecole
Pratique des Hautes Etudes, le 22 mars 1962.
1047
Annales (17e année, novembre-décembre 1962, n° 6) 1 ANNALES
l'année, et à cette époque le village était célèbre pour le football. Mais
depuis, d'une façon ou d'autre, ils ont perdu ce droit et le terrain des
sports est maintenant labouré 1 ». Je signale ce problème, pour que l'on ne
tombe pas dans l'erreur (commise par tant d'écrivains) de confondre vie
matérielle et vie tout court.
1
Vue d'ensemble
Quelques considérations générales pour commencer. Une révolution
industrielle à la fois industrialisation et urbanisation peut exercer son
influence sur la vie des classes laborieuses de deux façons : l'une écono
mique, l'autre sociale. En premier lieu, toute industrialisation implique
un déplacement relatif dans le revenu national du secteur consommations
au secteur investissements. Cela n'implique pas forcément une baisse du
niveau de vie, bien que toute élévation de celui-ci se fasse à un rythme
nettement au-dessous du taux de croissance de la consommation que
l'économie pourrait, théoriquement, se permettre. Dans un régime capi
taliste, les mécanismes, qui assurent ce transfert, accumulent le capital
entre les mains d'un nombre restreint d'individus, qui, on le suppose,
placent leurs épargnes et bénéfices dans les entreprises productives. Or,
pour l'historien de l'Angleterre, il est important de se rendre compte qu'à
l'époque qui nous intéresse, ces mécanismes sont plutôt inefficaces. La
redistribution du revenu national favorise les riches (au sens le plus large
du mot), mais il n'est nullement garanti que ces riches écoulent ce qu'ils
possèdent dans les systèmes appelés à fertiliser l'économie industrielle.
L'aristocratie peut fort bien les gaspiller, sans plus; et, bien que la noblesse
foncière ne joue plus un rôle prépondérant, il demeure que 4000 grands
propriétaires — je cite des chiffres approximatifs d'après le premier recen
sement foncier de 1873 — détiennent environ 50 % du sol anglais dont
ils ont accumulé les revenus, approximativement depuis la fin du xvne
siècle, sans, pour autant, faire d'investissements productifs d'envergure
en dehors de l'agriculture, de certaines industries minérales, des transports,
du bâtiment. Ceux qui puisent leurs richesses dans les opérations commerci
ales, coloniales ou financières, typiques de l'économie mercantile du
xvine siècle, ont évidemment l'habitude du réinvestissement productif de
leurs bénéfices. Or, eux aussi, ont souvent tendance à négliger l'industrie
pour leurs activités habituelles. Ils se lancent plus aisément dans les opé
rations d'outre-mer, l'exportation des capitaux, les emprunts publics, ces
1. Rev. J. S. Henslow, M.A., Suggestions towards an enquiry into the present
condition of the labouring population of Suffolk, Hadleigh, 1844, p. 24-25.
1048 RÉVOLUTION INDUSTRIELLE
derniers étant un puissant moyen de concentration du revenu national.
Pour chaque livre sterling qui sert l'industrialisation du pays, il a donc
fallu en accumuler plusieurs autres.
La masse relativement énorme des capitaux disponibles dans l'Angle
terre du xvine siècle suffirait en théorie, et au-delà du nécessaire, pour les
investissements modestes qu'exigent les industries de l'époque, et sans
qu'il en résulte une pression quelconque sur le niveau de vie populaire.
En fait, l'inefficacité du processus d'investissement a néanmoins pour
conséquence que les entrepreneurs eux-mêmes, surtout les industriels,
la plupart gens d'origine et de ressources initialement modestes, vivent
dans un climat de pénurie de capital. Cela se traduit dans l'idéalisation
puritaine de l'épargne, dans la haine des dépenses improductives, dans cet
aveuglement presque total contre tout ce qui ne produit pas d'argent \
enfin dans une dureté toujours efficace à l'égard de la main d'oeuvre
ouvrière.
En conséquence le marché intérieur, plus particulièrement celui des
classes populaires, joue un rôle restreint dans l'industrialisation anglaise,
au moins après la Révolution française. Le coton, industrie-clef de la
première époque (1780-1850), se vend, pour 60 % de sa production totale,
à l'extérieur. Les industries des biens de consommation — vêtement,
chaussure, ameublement etc. — avant 1850, ne subissent qu'exception
nellement les transformations de la machine et de la production en série.
Jusqu'à cette époque, comme le constate la maison Elias Moses qui lance
la confection des vêtements pour hommes vers 1846, le pauvre a recours
au fripier s'il n'a pas l'argent nécessaire pour le tailleur sur mesure; ou
bien il achète l'étoffe quitte à confectionner à la maison a. A cette époque
le calcul des bénéfices conduit rarement l'entrepreneur à multiplier ces
biens de consommation dont la quantité et la variété toujours croissante,
les prix toujours plus bas, contribueront tant au relèvement du niveau de
la vie matérielle durant les époques ultérieures.
Autre facteur économique, le chômage structurel et cyclique. Bien que
nous ne possédions, pour cette période, aucune statistique globale, sauf
pour le paupérisme lui-même, nos sources permettent de constater que le
chômage était beaucoup plus important que durant la seconde moitié du
siècle. A certains moments (ainsi lors de la grande crise de 1841-1842),
60 °0 des ouvriers d'usine sont privés de travail, 50 % des tailleurs et
cordonniers, 80 à 90 % des gens du bâtiment dans la ville industrielle de
1. F. Engels, Situation de la Classe laborieuse en Angleterre, chap. xii.
2. P. G. Hall, The industries of London since 1861, p. 53-54.
1049 ANNALES
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