Entre Afrique noire et monde arabe : nouvelles tendances des échanges informels tchadiens - article ; n°152 ; vol.38, pg 879-896
19 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Entre Afrique noire et monde arabe : nouvelles tendances des échanges informels tchadiens - article ; n°152 ; vol.38, pg 879-896

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
19 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Tiers-Monde - Année 1997 - Volume 38 - Numéro 152 - Pages 879-896
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 36
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Karine Bennafla
Entre Afrique noire et monde arabe : nouvelles tendances des
échanges "informels" tchadiens
In: Tiers-Monde. 1997, tome 38 n°152. pp. 879-896.
Citer ce document / Cite this document :
Bennafla Karine. Entre Afrique noire et monde arabe : nouvelles tendances des échanges "informels" tchadiens. In: Tiers-
Monde. 1997, tome 38 n°152. pp. 879-896.
doi : 10.3406/tiers.1997.5201
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_1997_num_38_152_5201ENTRE AFRIQUE NOIRE
ET MONDE ARABE
NOUVELLES TENDANCES
DES ÉCHANGES «INFORMELS»
TCHADIENS1
par Karine Bennafla*
Depuis dix ans, le Tchad connaît des flux d'importation de plus en plus
intenses en provenance d'Arabie Saoudite qui aujourd'hui concurrencent,
en partie, l'emprise commerciale du Nigeria. Ces marchandises d'Arabie
Saoudite sont essentiellement des produits asiatiques, à haute valeur ajout
ée, dont le prix est très modéré grâce à des droits de douane anormale
ment bas. Organisé par Air Tchad, ce trafic avec l'Arabie s'est accentué
sous l'effet de la dévaluation du franc CFA. Il atteste la polarisation crois
sante du Tchad par le monde arabe, phénomène que confortent également
les importations récentes venant d'Abu Dhabi et la reprise des échanges
tchado-libyens depuis le règlement du conflit d'Aozou. Dans un tel
contexte, l'intégration du Tchad à un espace communautaire centré sur
l'Afrique noire, I'udeac, est-elle durable ?
La fin de la rivalité Est-Ouest liée à l'effondrement du bloc communi
ste, le début des négociations de paix en Israël et le regain d'intérêt
suscité par d'autres régions aux yeux des Européens et des Américains
(comme par exemple l'Europe centrale et orientale, la Chine ou le
Proche-Orient) ont largement contribué depuis la fin des années 80 au
déclassement géopolitique de l'Afrique. A l'exception notable des sec
teurs miniers et pétroliers qui restent investis par les opérateurs améri-
♦ Attachée temporaire d'enseignement et de recherche, Université de Cergy-Pontoise.
1. Les données de cet article ont été recueillies à la suite d'enquêtes menées au Tchad d'avril à
juillet 1995. Cet article est extrait d'un rapport général sur les échanges transfrontaliers informels au Tchad,
rédigé pour le compte du ministère de la Coopération.
Revue Tiers Monde, t. XXXVIII, n° 152, octobre-décembre 1997 880 Karine Bennafla
cains et européens, le sous-continent intéresse de moins en moins les
principaux acteurs de la scène internationale qui tendent à y réduire leur
aide publique au développement. Le Tchad n'échappe pas à cette évolu
tion générale. Symbole des temps nouveaux : le chassé-croisé, au début
des années 90, entre les pétroliers d'Exxon1 arrivés dans la région de
Doba (fig. 1) et I'usaid, organisme de développement américain qui a
quitté définitivement le Tchad en mai 1995 pour cause d'insécurité. Pro
fitant du désengagement progressif des protagonistes occidentaux en
Afrique noire, d'autres acteurs, principalement issus du Proche-Orient,
d'Asie ou d'Europe orientale s'efforcent de prendre le relais. Cette
« recomposition de la sous-région autour de nouvelles influences étran
gères »2 est ainsi perceptible au Tchad où des opérateurs sud-coréens3 et
surtout arabes sont de plus en plus actifs dans les domaines économique
et commercial. Ce changement de situation affecte au premier chef l'h
égémonie commerciale du Nigeria qui a été largement étudiée4. Si le
géant nigérian reste aujourd'hui le premier partenaire du Tchad pour les
échanges « informels » ou non déclarés (en tonnage comme en valeur),
son emprise s'atténue pourtant. C'est qu'un autre partenaire vient
ébranler sa position: l'Arabie Saoudite. La croissance au Tchad des
importations en provenance du royaume wahhabite, et secondairement
d'Abu Dhabi et de la Libye, est lourde de sens aux plans politique et
géostratégique. D'une part, elle n'est pas sans lien avec le jeu d'alliances
politiques déployé par le régime du président Idriss Déby, arrivé au
pouvoir par la force, en 1990, avec l'appui soudanais5, avant d'être lég
itimé par les élections présidentielles d'avril 1996. D'autre part, la réo
rientation des flux commerciaux vers le monde arabe est à mettre en
rapport avec l'accentuation de la présence islamique décelable dans le
pays, depuis les années 90, à travers la multiplication d'ONG musul
manes non tchadiennes (koweïtiennes, saoudiennes ou soudanaises) et
l'apparition de mouvements missionnaires, qui organisent des campag
nes d'islamisation menées par des prédicateurs soudanais, pakistanais
ou des Tchadiens formés à la va-vite6. L'influence des pétromonarchies
1 . Le gisement de Doba, découvert récemment, se situe dans le Logone Oriental et devrait être exploité
d'ici 2001 par un consortium pétrolier réunissant Exxon et Elf.
2. J.-F. Bayart, in La criminalisation de l'Etat en Afrique, p. 24.
3. En 1997, des opérateurs sud-coréens ont proposé la construction d'une cimenterie dans le Mayo-
Kebbi (jusqu'à aujourd'hui, le Tchad est principalement approvisionné en ciment par l'usine Cimencam de
Figuil, au Cameroun, contrôlée par le groupe Lafarge).
4. Cf. Arditi et al, 1990 ; Egg et Igue, 1993 ; Herrera, 1992.
5 . L'accession au pouvoir d'Idriss Déby s'est effectuée grâce aux Zaghawas, un groupe tchado-souda-
nais auquel le clan du président (les Bideyats) est apparenté. Les Zaghawas composent aujourd'hui en major
ité la Garde républicaine et occupent un certain nombre de postes clés (politico-administratifs, militaires et
économiques).
6. Lire à ce sujet l'article d'H. Coudray, 1992. Entre Afrique noire et monde arabe 881
LIBYE
Kufra
Djeddah
SOUDAN
Océan
Atlantique
Fig. 1. — Le Tchad, entre Afrique noire et monde arabe
du Golfe au Tchad s'exerce ainsi par l'intermédiaire de réseaux aussi
bien économiques que religieux.
Semblant faire peu de cas de la position originale du Tchad, situé au
carrefour de l'Afrique noire et du monde arabe et à la limite des zones
d'influence francophone et anglophone1, les responsables français et
européens de la coopération tiennent comme un fait établi l'ancrage de
1 . Depuis la défaite française de Fachoda au Soudan, en 1898. 882 Karine Bennafla
ce pays à l'Afrique noire francophone. Pour preuve, son incorporation à
I'udeac, l'Union douanière des États de l'Afrique centrale, née en 1964
et relancée à la fin des années 80 dans le cadre de la politique d'intégra
tion régionale. Cet ensemble supranational regroupe six pays (Gabon,
Cameroun, Tchad, Congo, Centrafrique et Guinée équatoriale) et cor
respond à une réminiscence de l'Afrique équatoriale française (aef),
hormis le cas de la Guinée équatoriale, ancienne colonie espagnole
(fig. 1). Centrée sur l'Afrique noire proprement dite, I'udeac est une
construction artificielle qui tourne ostensiblement le dos au monde
arabe, duquel le Tchad ne peut pourtant être dissocié, ne serait-ce que
sur les plans historique, culturel et politique.
Dans un contexte géopolitique en cours d'évolution, l'objet de cet
article est de montrer l'importance des liens entre le Tchad et le Mach-
rek via l'étude des flux commerciaux. La tendance actuelle au renforce
ment de ces derniers va à rencontre des velléités extérieures d'arrimer le
pays, depuis l'époque coloniale, à des circuits commerciaux atlantiques.
Les échanges commerciaux «informels» tchadiens avec quelques pays
arabes, plus ou moins éloignés, apportent un éclairage significatif à cet
égard, tout en fournissant quelques informations sur le niveau de dél
iquescence atteint par l'État tchadien ainsi que sur l'imbrication de la
religion et du commerce.
I - L'AMPLEUR CROISSANTE DU COMMERCE
AVEC L'ARABIE SAOUDITE
Les études ayant trait aux échanges « informels » tchadiens mettent
en exergue les exportations camerounaises et nigérianes à destination du
Tchad dont l'appareil de production, affecté par vingt ans de g

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents