Entre tragédie et Comedia : le crime familial dans la Silva de Romances (1550-1551) - article ; n°2 ; vol.31, pg 7-20
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Entre tragédie et Comedia : le crime familial dans la Silva de Romances (1550-1551) - article ; n°2 ; vol.31, pg 7-20

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Mélanges de la Casa de Velázquez - Année 1995 - Volume 31 - Numéro 2 - Pages 7-20
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1995
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Langue Français
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Extrait

Mme Virginie Dumanoir
Entre tragédie et Comedia : le crime familial dans la Silva de
Romances (1550-1551)
In: Mélanges de la Casa de Velázquez. Tome 31-2, 1995. pp. 7-20.
Citer ce document / Cite this document :
Dumanoir Virginie. Entre tragédie et Comedia : le crime familial dans la Silva de Romances (1550-1551). In: Mélanges de la
Casa de Velázquez. Tome 31-2, 1995. pp. 7-20.
doi : 10.3406/casa.1995.2736
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/casa_0076-230X_1995_num_31_2_2736ENTRE TRAGÉDIE ET COMEDIA : LE CRIME FAMILIAL DANS LA
SILVA DE ROMANCES (1550-1551)
Virginie DUMANOIR
Membre de l'École des hautes études hispaniques
Obra nuevamente sucedida en el castillo de Salças en el Reyno de Cataluna. La
quai trata de un maravilloso milagro que obro nuestra senora del Carmen. Trata
de como una Mesonera dio la muerte a su marido y a quatro hijos suyos poryrse
con un hariero...1.
Un meurtrier de son propre sang, un châtiment divin : le meurtre familial
respecte dans ce romance un schéma simple et exemplaire2. Cette thématique si
appuyée est-elle déjà présente dans les chansonniers antérieurs, comme la Silva de
romances 3 ? D'un dépouillement digne des grands tragiques, le crime familial
décline dans les romances de ce recueil toute la gamme complexe et ambiguë du
pouvoir, du droit et même du devoir de tuer, thématique de l'honneur si présente
dans le théâtre du Siècle d'or.
1. Maria Cruz GARCÎA de ENTERRÎA (éd.), Pliegos poéticos espanoles de la Biblioteca Universi-
taria de Gotinga (Joyas Bibliogrâficas, Série Conmemorativa, n° XVII), Madrid, Gredos, 1974,
pliego XK, p. 145. Le romance qui figure dans cepliego est daté de 1595, et est par là représent
atif de la vogue des romances vulgaires, qui s'inspiraient essentiellement des faits divers les
plus sanglants.
2. Ce schéma correspond à une logique de châtiment du crime, reproduite par les différentes
cultures selon des modalités diverses. « Dans l'Antiquité, deux raisons prévalent : la loi du
talion [...] et la nécessité d'apaiser les dieux offensés [...]. Avec le christianisme, la peine
capitale devient avant tout un moyen d'expiation pour le supplicié » (Louis- Vincent THOMAS,
Anthropologie de la mort, Paris, Payot, 1975, p. 116). Nous verrons comment le traitement du
crime familial dans les romances oscille entre ces deux schémas, présents dans les tragédies
grecques et dans les comedias espagnoles du Siècle d'or, manifestant ainsi la richesse du genre
romanceril, à la croisée des autres genres. Je prépare actuellement une thèse sur cette originalité
des romances écrits ou transcrits entre 1421 et 1551, considérés comme genre à part entière.
3. J'utilise pour cette étude l'édition d'Antonio RODRiGUEZ-MoSlNO, Silva de romances
(Zaragoza, 1550-1551), Saragosse, Câtedra Zaragoza, 1970. Lors des citations, je désignerai les
trois parties de cet ouvrage par les titres Silva I, Silva II, Silva III, suivis d'un numéro indiquant
l'ordre d'apparition du romance considéré dans la partie concernée.
Mélanges de la Casa de Velazquez, XXXI-2, 1995, p. 7-20. VIRGINIE DUMANOIR
Le théâtre grec antique est riche de meurtres commis au sein du groupe
familial, qui sont souvent un moteur de la tragédie qui se noue. Cependant,
jamais le déchaînement de violence qu'ils impliquent n'est représenté sur scène,
même si le corps meurtri peut être exhibé : le récit est donc le lieu du meurtre.
Les romances, poésies narratives, semblent reprendre cette tradition des grands
classiques. La thématique du meurtre et de l'assassinat4 familial est aussi import
ante et aussi brièvement développée dans la Silva de Romances que dans les tr
agédies antiques.
Parmi les deux cent quatre-vingt-quatorze romances de ce recueil, cinq
comprennent une allusion ou un développement sur la gravité du crime familial,
sept décrivent un crime prévu, mais qui n'a finalement pas lieu, et vingt-et-un
comportent un crime réalisé. Cinquante-huit textes offrent donc une description
ou mention de meurtre ou d'assassinat familial, ce qui représente un romance
sur cinq. La répartition de ces textes entre les trois parties de la Silva est
régulière 5 : nous n'y voyons pas s'amorcer la multiplication des romances con
sacrés au crime familial, effective dans le dernier tiers du XVIe siècle, avec la
mode des romances dits « vulgaires ». Il est cependant incontestable que la
place réservée au meurtre familial dans l'ensemble des textes est quantitativ
ement importante.
Elle l'est aussi qualitativement, car la gravité du crime familial est soulignée
dans le corps même des romances. Certains expriment nettement la conviction que
ce type de meurtre et d'assassinat mérite le plus grand châtiment, la mort, car il va
contre les lois divines et humaines :
Que segùn la ley divina
quien mata ha de ser matado6.
Certains romances vont plus loin encore, et laissent entendre que ce type
de crimes est inconcevable, car les membres d'une même famille sont dans
l'impossibilité physique de se combattre à mort. C'est le cas en particulier du
4. Le meurtre est un homicide commis volontairement, mais sans préméditation, contrairement à
l'assassinat. Le crime est l'infraction commise contre une loi morale ou civile, et permet de
désigner aussi bien le meurtre que l'assassinat.
5. En ce qui concerne la présence de crimes familiaux, six romances sont concernés dans la Silva I,
onze dans la Silva II et onze dans la Silva III.
6. Silva II, romance n° 60, v. 5 1 -52. Ces vers de la Sentencia dada a don Carloto, suite du Romance
del marques de mantua, font directement écho aux paroles de Jésus, dans Matthieu XXVI, 52 :
« ceux qui prendront l'épée périront par l'épée ». Le meurtre est condamné très clairement, et
l'annonce du châtiment doit dissuader ceux qui voudraient s'y livrer. Le châtiment peut d'ailleurs
se situer dans l'au-delà : dans le Romance del Palmero, c'est de malédiction que le fils du roi
menace son père lorsque celui-ci s'apprête à le faire pendre sans l'avoir reconnu (Silva II, n° 67,
v. 1 19-120 : « mal hoviesses el rey carlos/dios te quiera hazer mal. »). LE CRIME FAMILIAL DANS LA SILVA DE ROMANCES 9
Romance de don Roldan de como el emperador Carlos lo desterro de Francia
porque bolbiapor la honrra de su primo Reynaldos. Lorsque Reynaldos est sur
le point de se battre avec son cousin Roland, déguisé en Maure, le texte dit
clairement :
[...] quandoyvan a encontrarse
las lanças desviado harO .
L'ensemble de ces romances semble manifester la gravité du crime familial,
condamné dans la société par un châtiment, dans l'au-delà par une malédiction,
et empêché par un instinct qui doit faire dévier l'arme levée pour frapper un
parent. Le meurtre familial joue donc le même rôle important dans l'économie des
romances que dans celle des tragédies antiques, où la malédiction qui frappe le
meurtrier d'un proche poursuit sa famille entière, comme c'est le cas pour Œdipe
et les Labdacides.
De la même façon, la présence de ces crimes familiaux au sein de chacun des
textes est souvent bien discrète. Les titres des romances vulgaires, dont j'ai donné
un exemple au début de cet article, annoncent de façon détaillée le crime familial.
Ceux des romances de la Silva ne leur ressemblent en rien. Parmi les vingt-et-un
romances comportant une scène de meurtre ou d'assassinat familial effectifs, seuls
quatre annoncent dans leur titre la mort d'un personnage, et un seul précise
réellement qu'il s'agit d'un assassinat8. Il est possible d'y ajouter deux romances
qui annoncent l'assassinat de façon indirecte, en évoquant une vengeance au centre
du récit9. Les titres qui désignent de façon claire un crime familial comme thème
central du romance sont donc très minoritaires. Parmi les vingt-et-un romances qui
nous intéressent, quinze ne comportent aucun élément permettant de savoir dès
l'entrée qu'il s'agit d'un crime familial 10. Pour quatre d'entre eux, le titre, du type
otro romance 1 ^ ou Siguese el segundo romance 12, reste très général et ne donne
aucun renseignement sur le contenu du texte. Les titres restent donc pour nous très
7. Silva II, n° 67, v. 239-248, et cités ici, v. 243-244.
8. Le titre de romance le plus com

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