Herbert Spencer et Charles Renouvier - article ; n°1 ; vol.10, pg 142-160
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Description

L'année psychologique - Année 1903 - Volume 10 - Numéro 1 - Pages 142-160
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1903
Nombre de lectures 5
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Henry Michel
Herbert Spencer et Charles Renouvier
In: L'année psychologique. 1903 vol. 10. pp. 142-160.
Citer ce document / Cite this document :
Michel Henry. Herbert Spencer et Charles Renouvier. In: L'année psychologique. 1903 vol. 10. pp. 142-160.
doi : 10.3406/psy.1903.3545
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1903_num_10_1_3545VII
HERBERT SPENCER ET CHARLES RENOUVIER
I
HERBERT SPENCER
Depuis la mort de Darwin, Herbert Spencer était le nom le
plus universellement connu de l'Angleterre contemporaine, et
sa disparition aura un retentissement européen. Les hommes
de pensée, dans tous les pays, lui doivent leur hommage. Ils
saluent en lui un travailleur infatigable, un vigoureux manieur
de faits et d'idées, l'ouvrier d'une œuvre qui, si elle n'a peut-
être ni l'originalité ni la solidité que lui attribuent les disciples
enthousiastes ou les panégyristes ignorants, n'en est pas moins
riche en détails heureux, en vues suggestives, et imposante
par les proportions.
Il faut ajouter que Spencer a fait preuve, pour s'instruire et
pour écrire tant de livres, de la plus rare et de la plus méri
toire énergie. Son initiation à la philosophie et aux sciences a
été une première victoire de la volonté sur les circonstances
ingrates d'une jeunesse difficile. Son application à la tâche
quotidienne — qui lui a permis de laisser un nombre énorme
d'ouvrages — a été le triomphe de la force morale sur la
faiblesse du tempérament. Il fut, dans l'ordre des idées, ce
que tant de ses concitoyens sont, dans des choses
pratiques, a self made man. Et il a montré, à son tour, qu'une
âme vaillante est maîtresse du corps qu'elle anime. Sa vie
présente, enfin, un bel exemple de droiture, de désintéresse
ment, de simplicité. Dans le modeste logement des faubourgs
de Londres, où il a composé ses principaux livres, comme dans
sa retraite de Brighton, où il devait trouver plus tard la
société reposante et amie de la grève et du flot, il a vécu en
philosophe. Non qu'il fût indifférent aux événements : plus
d'une fois, il a élevé la voix pour défendre la cause de l'huma- MICHEL. — HERBERT SPENCER ET CHARLES RENOUVIER 145 H.
nité dans le monde, pour la défendre, au besoin, contre l'Angle
terre, et le dernier de ses ouvrages, Faits et Commentaires,
contient des pages sur l'impérialisme, qui lui font honneur.
Mais il savait se garder de toutes les distractions vaines, de
toutes les préoccupations étrangères à son labeur. Au temps
de sa grande enquête sociologique, alors qu'il s'appliquait à
dresser ses fameux atlas de faits, il dirigeait son atelier de
collaborateurs en chef d'usine, jaloux de produire le plus
possible. Il appartenait tout entier à sa tâche.
L'œuvre de Spencer s'étend sur une longue période d'années,
plus d'un demi-siècle, et c'est une raison de se défendre contre
la tentation d'en parler en bloc, comme si elle était strictement
homogène. En réalité, Spencer, bien qu'il ait possédé de très
bonne heure quelques-unes des données essentielles de son
système, a été conduit à se corriger sur des questions de
grave importance. Ouvrez la Statique sociale, qui date de 1850.
C'est une Providence, c'est un Vouloir divin qui atout organisé
pour le mieux dans l'Univers. Les Premiers principes paraissent
en 1863. Il n'y est plus question de Vouloir divin, de Provi
dence. Dieu a été relégué dans l'Inconnaissable. Spencer a,
pour le moins, laïcisé sa métaphysique. On pourrait citer ais
ément d'autres exemples, qui attestent (et ce n'est pas là un
reproche, si c'est une constatation désagréable à certains
admirateurs du maître) l'apparition successive d'éléments
nouveaux dans une pensée qui s'efforce, d'ailleurs, de demeurer
fidèle à elle-même quant aux lignes générales, et au dessin
primitif.
Spencer est le philosophe de l'Évolution. Il s'est emparé de
cette formule, qui n'est que la traduction scientifique et
moderne de l'idée de progrès ou de perfectibilité, mise en
honneur par le xvnie siècle. Mais la ajoute quelque
chose au texte, car, tandis que le xvme siècle ne se flattait pas
d'indiquer de façon nette les voies du progrès, l'évolution
s'accomplit mécaniquement. Pour nous faire assister, en
quelque sorte, au travail de l'Évolution, Spencer a su tirer un
parti prestigieux des résultats acquis ou des indications four
nies par la science de son temps, en particulier par les sciences
de la nature. L'hérédité, la sélection naturelle sont devenues,
entre ses mains, des instruments d'explication universelle. La
pensée, comme les choses, relève de cette explication, et aussi
le rapport de la pensée aux choses, l'ajustement de l'esprit à
la matière. La possession de la vérité est le couronnement 14.4 MÉMOIRES ORIGINAUX
d'une lente adaptation. L'erreur correspond, dans l'ordre de
l'esprit, aux formes imparfaites et destinées à disparaître,
dans l'ordre de la matière. Spencer est ainsi sur la voie du
monisme; mais il ne va pas jusqu'au bout de cette voie. Iî
refuse de se. prononcer sur l'inconnaissable. Il est agnostique.
Et son agnosticisme — qu'il a su exprimer en belles sentences
— a été l'une de ses prises les plus fortes sur l'esprit d'un bon
nombre de ses lecteurs. En revanche, il l'a desservi auprès
de la portion bien pensante de ses concitoyens, et a été dans
une certaine mesure, cause de la ridicule sévérité des Reçues
anglaises pour ses travaux.
Mieux, d'ailleurs, que tout dogmatisme métaphysique,
l'agnosticisme de Spencer servait la fin qu'il s'était assignée.
Sa philosophie est essentiellement pacificatrice. Elle cherche à
réconcilier l'expérience avec l'a priori, la science avec la rel
igion. Il a voulu terminer le « conflit » tragique et éternel du
cœur et de la raison. Et s'il n'y a pas réussi de façon à décou
rager l'esprit humain d'un nouvel effort, il lui reste, du moins,
l'honneur d'avoir tenté cette difficile et haute entreprise.
C'est surtout par sa Cosmologie et par sa Psychologie que
Spencer a été d'abord connu en France. Quelques pages de
Littré dans son volume Auguste Comte et la Philosophie positive
(1863), un article de M. Laugel dans la Revue des Deux Mondes
(1864), voilà tout ce que le lecteur français avait à sa disposition
pour se faire une idée de la philosophie de Spencer, quand paru
rent, à intervalle assez rapproché, la traduction des Premiers
Principes (1871) et celle des Principes de Psychologie (1875). A
cette date, la Cosmologie de Spencer venait à point pour
fournir un aliment à la curiosité des esprits philosophiques en
France. Les événements de 1870 les ramenaient à une préoccu
pation de synthèse que ne pouvaient satisfaire les travaux très
analytiques des dernières années du second Empire. Les esprits
philosophiques étaient attirés aussi, plus que jamais, vers lés
questions dernières, et déjà commençait à se faire sentir
obscurément ce besoin de solutions, qui les a travaillés depuis
trente ans, et qui explique, en grande partie, l'état d'âme de
notre temps. La doctrine de Spencer se présentait avec des
qualités de gravité, de sérieux, de compréhension intelligente
et bienveillante, qui ne pouvaient manquer de lui attirer des
adeptes. Ce n'était ni la vieille métaphysique, ni tout à fait,
semblait-il, le positivisme. Le sentiment religieux, réduit à
une sorte de minimum, mais non entièrement absent de l'œuvre, MICHEL. — HERBERT SPENCER ET CHARLES RENOUVIER 145 H.
la recommandait aux uns; les connaissances scientifiques, et
surtout le rôle assigné à la science, satisfaisaient les autres.
On oublia qu'en Angleterre, l'ouvrage n'avait eu aucun succès
auprès de la critique, ou bien on l'ignora, et l'on se mit à le
lire chez nous. On le lut beaucoup, et les éditions se succé
dèrent rapidement.
Quant aux Principes de Psychologie, outre qu'ils bénificièrent
de l'intérêt excité par les Premiers Principes, ils frappèrent
très vivement l'attenti

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