Hirasawa Keishichi et le théâtre ouvrier - article ; n°1 ; vol.28, pg 173-183
13 pages
Français

Hirasawa Keishichi et le théâtre ouvrier - article ; n°1 ; vol.28, pg 173-183

-

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
13 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

Ebisu - Année 2002 - Volume 28 - Numéro 1 - Pages 173-183
Surtout connu pour avoir été sauvagement assasiné par la police dans le chaos qui suivit le Grand tremblement de terre du Kantô en septembre 1923, Hirasawa Keishichi (1889-1923) était un important activiste de la cause ouvrière ainsi qu'un très prometteur écrivain. Ouvrier aualifïé dans une fonderie, il avait déjà une longue experience de la vie d'usine lorsqu il s'impliqua dans le mouvement ouvrier d'abord dans le cadre de la Yûaikai, et ensuite en tant que meneur d'un rassemblement anarcho-syndicaliste autonome. Il était également un très dynamique et intéressant auteur de théâtre profondément dévoué à la création de troupes de théâtre ouvrier. Après une rapide présentation de sa vie, cette article entend s'intéresser surtout à son œuvre théâtrale en tant que fondateur du Rôdô gekidan, dont les œuvres furent l'objet d'un grand enthousiasme de la part de la classe ouvrière qui peuplait la zone industrielle de Nankatsu, à Tôkyô, où était cise la troupe. Traqué par la police, la portée des activités du Rôdô gekidan demeura très limitée. Ce dernier laisse néanmoins une grosse impression sur les intellectuels et artistes de gauche qui pourvoyaient à ses représentations, et demeure vivant dans les mémoires en tant que pionnier du mouvement du théâtre prolétarien et en tant que l'un des rares exemples d'un théâtre écrit et joué par et autant que pour la classe ouvrière.
Mostly remembered for his brutal slaying by the police on the aftermath of the great Kantô earthquake of September 1925, Hirasawa Keishichi (1889-1923) was a proéminent labour activist as well as a promising writer. Trained as a qualified smith, he had already a long experience of factory life when he became involved in the labour movement, first with the Yûaikai, later as the leader of an autonomous anarcho-syndicalist union. But he was also a dynamic and interesting playwright deeply concerned with the establishment of workers'drama groups. Thus, after a short outline of his life, this article focuses on his theatrical work, mostly as the founder and leader of the Rôdô gekidan, a workers'group based at the Nankatsu industrial zone of Tokyo, which productions were enthusiastically received by its working class audience. Hounded by the police, the Rôdô gekidan had only a very short span of activities, but it left a profound impression on the leftwing intellectuals and artists who attended its performances, and it is still vividly remembered as a pioneer of the proletarian theatre movement, and as one of the few instances of a theatre written and acted by and for the working class.
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 22
Langue Français

Extrait

Jean-Jacques Tschudin
Hirasawa Keishichi et le théâtre ouvrier
In: Ebisu, N. 28, 2002. pp. 173-183.
Citer ce document / Cite this document :
Tschudin Jean-Jacques. Hirasawa Keishichi et le théâtre ouvrier. In: Ebisu, N. 28, 2002. pp. 173-183.
doi : 10.3406/ebisu.2002.1272
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ebisu_1340-3656_2002_num_28_1_1272Résumé
Surtout connu pour avoir été sauvagement assasiné par la police dans le chaos qui suivit le Grand
tremblement de terre du Kantô en septembre 1923, Hirasawa Keishichi (1889-1923) était un important
activiste de la cause ouvrière ainsi qu'un très prometteur écrivain. Ouvrier aualifïé dans une fonderie, il
avait déjà une longue experience de la vie d'usine lorsqu il s'impliqua dans le mouvement ouvrier
d'abord dans le cadre de la Yûaikai, et ensuite en tant que meneur d'un rassemblement anarcho-
syndicaliste autonome. Il était également un très dynamique et intéressant auteur de théâtre
profondément dévoué à la création de troupes de théâtre ouvrier. Après une rapide présentation de sa
vie, cette article entend s'intéresser surtout à son œuvre théâtrale en tant que fondateur du Rôdô
gekidan, dont les œuvres furent l'objet d'un grand enthousiasme de la part de la classe ouvrière qui
peuplait la zone industrielle de Nankatsu, à Tôkyô, où était cise la troupe. Traqué par la police, la portée
des activités du Rôdô gekidan demeura très limitée. Ce dernier laisse néanmoins une grosse
impression sur les intellectuels et artistes de gauche qui pourvoyaient à ses représentations, et
demeure vivant dans les mémoires en tant que pionnier du mouvement du théâtre prolétarien et en tant
que l'un des rares exemples d'un théâtre écrit et joué par et autant que pour la classe ouvrière.
Abstract
Mostly remembered for his brutal slaying by the police on the aftermath of the great Kantô earthquake
of September 1925, Hirasawa Keishichi (1889-1923) was a proéminent labour activist as well as a
promising writer. Trained as a qualified smith, he had already a long experience of factory life when he
became involved in the labour movement, first with the Yûaikai, later as the leader of an autonomous
anarcho-syndicalist union. But he was also a dynamic and interesting playwright deeply concerned with
the establishment of workers'drama groups. Thus, after a short outline of his life, this article focuses on
his theatrical work, mostly as the founder and leader of the Rôdô gekidan, a workers'group based at the
Nankatsu industrial zone of Tokyo, which productions were enthusiastically received by its working
class audience. Hounded by the police, the Rôdô gekidan had only a very short span of activities, but it
left a profound impression on the leftwing intellectuals and artists who attended its performances, and it
is still vividly remembered as a pioneer of the proletarian theatre movement, and as one of the few
instances of a theatre written and acted by and for the working class.Ebisu 28, Printemps-été 2002, Maison Franco-Japonaise, Tokyo, p. 173-183-
HIRASAWA KEISHICHI ET LE THÉÂTRE OUVRIER
Jean-Jacques TSCHUDIN
Université Paris 7
Dans le bouillonnement des idées radicales, voire révolutionnaires, qui travaille
les milieux intellectuels et artistiques japonais au début du XXème siècle, le théâtre
se taille peu à peu une place importante. En effet, les penseurs se réclamant du
socialisme et les pionniers d'un art scénique s'appuyant sur les modèles européens
pour mieux se démarquer des formes dominantes ne peuvent que se rejoindre, car
chacun y trouve son compte. Les premiers (re)découvrent le potentiel didactique du
théâtre, les seconds une cause garante d'un regard neuf au service de laquelle mettre
l'outil scénique qu'ils sont en train de forger. Le nouveau théâtre — le shingeki — leur
permet de faire apparaître les figures modernes d'hommes et de femmes progressistes,
tentant de se libérer des idées « féodales », des pesanteurs de la société, des carcans
familiaux et de l'exploitation capitaliste, de créer des héros luttant pour leur
épanouissement personnel, mais aussi pour l'instauration d'une société ouverte et
juste. D'ailleurs, dans le monde du spectacle, le champ leur est ouvert : après quelques
réformes, le kabuki s'est installé dans ce nouveau statut de « classique national » qui
lui assure sans risque de larges audiences . Quant au shinpa, il a rapidement oublié
ses origines militantes et s'est transformé en mélodrame populaire, séduisant le
public par ses stars et ses onnagata ttffc5. Le shingeki se retrouve donc souvent proche
des courants socialisants et le premier quart du XXème siècle est jalonné de spectacles
tentant de satisfaire à cette double exigence de modernité artistique et de progressisme
politique. Certes, la plupart de ces expériences se déroulent dans les cénacles intellectuels
ou sont le fait de groupes ad hoc montés par de jeunes acteurs brièvement tentés par
1 Le shingeki frS5 (nouveau théâtre) désigne le théâtre moderne, d'inspiration occidentale tant
par sa dramaturgie que par sa scénographie, qui se développe au début du XXème siècle. Pour une p g q p gp q pp
histoire détaillée du genre, voir ÔÔzasa Yoshio ^cEntll, Nihon gendai d engeki k shi h 0$JSf^£!l5fc (Histoire
du théâtre moderne japonais), Hakusuisha â^Ktt, surtout le premier volume (Meiji-Taishô), 1985, et
le volume 2 (Taishô-début Shôwa), 1986.
2 Pour une étude du kabuki pendant les ères Meiji-Taishô, voir J-J. Tschudin, Le Kabuki
devant la modernité, L'Age d'Homme, 1995.
3 Le shinpa Wïffi. (nouvelle vague) est un genre nouveau, mais encore proche par bien des
aspects du kabuki, qui s'est développé dans les années 1890, issu en partie des spectacles dits sôshi shibai
tt±2£/g (Théâtre des trublions) organisés dans le cadre du Mouvement pour la liberté et les droits
civils. Voir Yanagi Eijirô Pi^zK^ÉB, Shinpa no rokujûnen fnfitOA+^P (Soixante ans de shinpa), Kawade
shobô MîijtfS, 1948. 1 74 Hirasawa Keishichi et le théâtre ouvrier
l'aventure. Dans la mouvance anarchiste, on retiendra la brève existence d'une équipe
d'artistes libertaires qui, en 1919, produit à Asakusa ^^ un petit opéra intitulé
Tosukina (a) h X 3r -f rTj - verlan deAnakisuto (anarchiste) ! - dont le héros est
le meilleur pickpocket du pays, recompensé par l'octroi d'une licence officielle pour
exercer son art. En fait, l'ensemble du programme, proche de la provocation dada,
semble plus soucieux de choquer le bourgeois que de faire avancer la cause du
peuple .
Néanmoins, quelques militants essaient d'aller plus loin et d'inscrire leurs
activités théâtrales au cœur même des quartiers ouvriers. De cette préhistoire du
théâtre prolétarien, dans laquelle les militants anarcho-syndicalistes ont tenu leur
part, les historiens du théâtre japonais retiennent deux moments forts, presque
contemporains, le travail du Nihon Rôdô gekidan B^^iSlllllEifl (Troupe de théâtre
ouvrier japonais) à Kobe #P, et celui du Rôdô gekidan %%% !IH de
ouvrier) à Kameido HkP, dans la zone industrielle de Tokyo. Pour ce court dossier,
j'ai choisi de privilégier le second et de présenter le travail de son fondateur, Hirasawa
Keishichi ¥îRn\-fc (1889-1923), cheville ouvrière d'un des très rares projets de
théâtre « par et pour le peuple » à avoir vu le jour.
Hirasawa Keishichi
II est pratiquement impossible d'aborder cette aventure théâtrale autrement
qu'à travers la personnalité et l'œuvre de son fondateur, acteur principal et dramaturge,
Hirasawa Keishichi. Sans entrer dans les détails d'une vie placée sous le double signe
du militantisme syndical et de l'écriture, il faut retracer à grands traits le parcours
qui le mena à créer le Rôdô gekidan.
Né à Ojiya '\^'& (département de Niigata frij) en 1889, dans une famille
de forgerons, Keishichi, alors âgé de dix ans, suit son père lorsqu'il va travailler à
Ômiya ^^ (département de Saitama if 3£) dans les nouveaux ateliers d'une compagnie
de chemins de fer. C'est d'ailleurs dans le centre d'apprentissage attenant que, sa
scolarité accomplie, le jeune garçon ira apprendre son métier. Bientôt, il décou

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents