Histoire des séismes et histoire économique. Le tremblement de terre de Pompéi (62 ap. J.-C.) - article ; n°2 ; vol.28, pg 369-395
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Histoire des séismes et histoire économique. Le tremblement de terre de Pompéi (62 ap. J.-C.) - article ; n°2 ; vol.28, pg 369-395

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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1973 - Volume 28 - Numéro 2 - Pages 369-395
27 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1973
Nombre de lectures 60
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Monsieur Jean Andreau
Histoire des séismes et histoire économique. Le tremblement de
terre de Pompéi (62 ap. J.-C.)
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 28e année, N. 2, 1973. pp. 369-395.
Citer ce document / Cite this document :
Andreau Jean. Histoire des séismes et histoire économique. Le tremblement de terre de Pompéi (62 ap. J.-C.). In: Annales.
Économies, Sociétés, Civilisations. 28e année, N. 2, 1973. pp. 369-395.
doi : 10.3406/ahess.1973.293352
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1973_num_28_2_293352LES DOMAINES DE L'HISTOIRE
Histoire des séismes
et histoire économique
Le tremblement de terre de Pompéi (62 ap. J.-C.)1
Sénèque et Tacite nous apprennent que, dix-sept ans avant d'être enseveli
par la fameuse éruption du Vésuve, Pompéi fut, en 62 ap. J.-C, partiellement
détruit par un tremblement de terre 2. Herculanum, Nuceria, Naples et toute
la région eurent à en souffrir, mais c'est Pompéi et ses environs immédiats qui
furent le plus touchés par le séisme. L'archéologie a confirmé l'étendue des
dégâts. Il est possible, en effet, de distinguer les bâtiments et les murs construits
avant 62 de ceux qui sont postérieurs à cette date et ainsi de faire le bilan des
reconstructions menées à terme entre 62 et 79 ap. J.-C, et des énormes travaux
qui restaient à exécuter lorsque se produisit la seconde catastrophe.
Pendant les dix-sept dernières années de son histoire, — celles sur lesquelles
nous possédons, par la force des choses, les documents les plus nombreux, —
Pompéi s'est ressenti des conséquences du tremblement de terre. Les Pompéiens
vivaient au milieu de ruines et de chantiers de construction ; une bonne partie
des édifices publics n'était pas utilisable. L'activité économique de la cité avait
certainement été très perturbée par les morts d'hommes, par les destructions
d'immeubles, par le manque d'argent de la Colonie et des citoyens. Il n'est pas
imaginable que cette situation exceptionnelle n'ait pas eu de conséquences
profondes sur tous les aspects de la vie pompéienne : sur les usages quotidiens,
mais aussi sur les structures sociales, et sur la vie politique de la colonie. Est-il
possible d'étudier l'influence exercée par le tremblement de terre sur l'histoire
1. Ce titre et ce sous-titre — si conformes à la tradition des Annales E. S. C. — - m'ont
été proposés par le professeur E. Lepore, de l'Université de Naples. Je suis heureux de le
remercier pour cette suggestion, et pour les passionnantes conversations que j'ai pu avoir
avec lui, — de longs entretiens sur Pompéi, sur l'économie et la société romaine, sur les
méthodes de l'histoire économique et sociale qui ont été pour moi si stimulants et enri
chissants.
2. Voir Sén., Quaest. not., VI, 1, 1-2 ; et Tac, Ann., XV, 22. Les deux passages sont
analysés par A. Maiuri, dans L 'ultima fase edilizia di Pompéi, Rome, Istit. studi romani,
1942, pp. 7-9. Sur le déroulement du tremblement de terre et sa date exacte, voir par
exemple R. Etienne, La vie quotidienne à Pompéi, Paris, Hachette, 1966, pp. 11-13.
369 DOMAINES DE L'HISTOIRE LES
de Pompéi ? C'est ce qu'a tenté de faire le grand archéologue pompéianiste,
A. Maiuri 3.
Il voulait, par l'étude des reconstructions survenues après 62, parvenir
à une « valutazione délie [...] possibilità economiche [délia città], délia sua
capacità di recupero, délia reazione diversa che privati ed enti pubblici ebbero
di fronte alla gravita situazione » 4. Outre l'étendue des dégâts et l'impor
tance des restaurations et des travaux en cours, il observa l'apparition de
nouvelles boutiques et de nouveaux ateliers, par exemples relatifs au secteur
textile (fouleries pour la préparation et le lavage de la laine, fouleries pour la
finition des étoffes et le lavage des vêtements, teintureries, fabriques de
feutre, etc.) 5. De plus, plusieurs domus appartenant à des membres des couches
les plus aisées de la ville ont été transformées après 62, soit pour abriter ces
nouveaux locaux à usage professionnel, soit pour servir d'habitations à des
familles certainement moins fortunées 6. De façon générale, les locaux profes
sionnels ont été restaurés plus vite que les bâtiments publics et même que les
maisons d'habitation 7.
A. Maiuri en déduit que le tremblement de terre a accentué l'évolution
sociale qu'il discernait déjà à Pompéi avant l'année 62. Le tremblement de terre
a, selon lui, fait baisser le prix des immeubles et du terrain 8. A cause de cet
effondrement des prix et des dégâts infligés à leurs demeures et à leurs maisons
de rapport, les « nobles » (c'est-à-dire les familles qui constituaient, plus ou
moins traditionnellement, l'oligarchie foncière dominant la cité) n'ont pas
toujours eu l'argent nécessaire aux restaurations. Les marchands, les affranchis
et les citoyens pratiquant le commerce maritime, certains artisans aussi, ont
profité du coup de fouet donné par la catastrophe aux activités économiques.
Dans ce mouvement intense « di contrattazioni, di prestiti, di usure, di locazioni
e di trapassi di proprietà » qui, à Pompéi, a dû caractériser les années 62-79,
ils se montrèrent capables de faire fortune et de profiter de la crise qui frappait
le milieu « patricien ». Il a donc fallu leur vendre ou leur louer des locaux, qui
furent utilisés, non plus comme des habitations agréables ou même luxueuses,
mais comme des bâtiments à caractère professionnel, boutiques et ateliers 9.
Cette thèse est apparemment rendue très solide par la précision archéo
logique d'A. Maiuri, et, comme il se permet de l'écrire lui-même 10, par la pro
fonde connaissance qu'il avait de Pompéi. On en trouve un bref exposé dans
le livre de R. Etienne u.
3. Voir A. Maiuri, « Contributi allô studio dell' ultima fase edilizia pompeiana », dans
L' Atti ultima 1° Congresso fase..., op. nazionale cit. di Studi romani, Rome, 1929, I, pp. 161-172 ; et A. Maiuri,
4. Ibid., p. 4. Rappelons que le gouvernement impérial ne paraît pas avoir substan
tiellement aidé les villes sinistrées, tout au moins avant l'avènement de Vespasien ; voir
R. Etienne, op. cit., p. 14.
5. A. Maiuri, L' ultima fase..., op. cit., pp. 163, 164 ss., 216-217.
6. Ibid., pp. 98-99, 162-163 et 217.
7.p. 161. Cependant beaucoup d'entre eux n'étaient pas encore entièrement
restaurés en 79 (ibid., pp. 163-164).
8. Ibid., p. 217.
9.pp. 162-163 et 216-217.
10. Ibid^, p. 5.
11. R. Etienne, op. cit., p. 20 : « Très peu de maisons furent complètement restau
rées et [...] très nombreuses au contraire étaient celles où, au moment de l'éruption, les
travaux étaient encore en cours. Parmi les premières, nous comptons les demeures les
plus riches du milieu patricien mercantile [...] et parmi les secondes, aussi bien les maisons
370 J. ANDREAU LE TREMBLEMENT DE TERRE DE POMPÉI
Elle s'est heurtée, cependant, au sceptisme d'E. Lepore, qui, dans un article
très dense 12, a montré comment les thèses d'A. Maiuri étaient liées aux idées
de M. Rostovtseff sur l'évolution économico-sociale de l'Empire romain au
au Ier siècle ap. J.-C, c'est-à-dire à ce que Rostovtseff a nommé Г « industriali
sation » de l'Italie. Tous deux en arrivent à poser l'existence, à l'époque fla-
vienne, d'un groupe social de commerçants, artisans et « industriels », indépen
dants de l'oligarchie terrienne dont ils remettent en question la domination.
Le point de vue d'E. Lepore est d'autant plus intéressant qu'il touche à la
manière dont l'histoire économique et sociale doit, en fonction de ses propres
catégories et des résultats déjà acquis, interpréter et utiliser les documents
fournis par l'archéologie. A. Maiuri était frappé par la transformation de
maisons en boutiques et ateliers, et il en concluait à un changement de propriét
aire. D'autre part, avec M. Rostovtseff, il voyait, dans l'apparition de files
de boutiques architecturalement indépendantes des domus, le signe patent de
l'indépendance conquise par les marchands. A cela, E. Lepore répond que de
ces

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