Histoire pénale, histoire sociale : même débat ?  ; n°2 ; vol.5, pg 187-203
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Déviance et société - Année 1981 - Volume 5 - Numéro 2 - Pages 187-203
17 pages

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Publié le 01 janvier 1981
Nombre de lectures 10
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Robert Roth
Histoire pénale, histoire sociale : même débat ?
In: Déviance et société. 1981 - Vol. 5 - N°2. pp. 187-203.
Citer ce document / Cite this document :
Roth Robert. Histoire pénale, histoire sociale : même débat ?. In: Déviance et société. 1981 - Vol. 5 - N°2. pp. 187-203.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ds_0378-7931_1981_num_5_2_1762Déviance et Société. Genève, 1981, vol. 5, No 2, pp. 187-203
Actualités bibliographiques:
HISTOIRE PENALE, HISTOIRE SOCIALE :
MEME DEBAT ?
R. ROTH*
I. Introduction
Dans un article célèbre, quoique peu diffusé jusqu'à ces dernières
années1, Georg Rusche en appelait à un élargissement de l'histoire
pénale, à une collaboration étroite des juristes et des sociologues autour
de l'histoire de la déviance, à une formation interdisciplinaire^
nécessaire pour aborder la démarche historique aussi bien que
sociologique dans ce champ de recherche. Près d'un demi siècle plus
tard, les vœux de ce théoricien précurseur sont-ils exhaucés ? Si tel
n'est pas encore le cas, ils semblent en passe de l'être. Dans cette
analyse bibliographique, nous voudrions présenter quelques uns des
travaux qui permettent d'avérer deux postulats de Rusche :
a) le pénal n'est qu'une des excroissances du social : aussi bien
historiquement que conceptuellement, le pénal prend souche
dans le creuset des idées et des pratiques que l'histoire
sociale, au sens que nous allons définir plus bas, a pour
vocation d'étudier;
b) la réaction sociale, présente, quels que soient les sujets qu'elle
atteint, une morphologie comparable, ou du moins quelques
traits identiques. De l'approfondissement de ces traits dans
un secteur donné, le chercheur retire un profit qui transcende
les frontières de ce secteur.
Nous aborderons ces thèmes du point de vue de l'histoire pénale.
Nous nous limiterons pour l'essentiel aux études portant sur le moyen
* Centre d'étude de technique et d'évaluation législative (CETEL), Genève.
187 âge et sur l'époque moderne, qui nous paraissent les plus instructives, ne
serait-ce qu'en raison d'un problème de sources : alors que l'historien de
l'époque contemporaine se trouve confronté à une profusion de
matériel documentaire, le choix qui s'offre au spécialiste du moyen âge
ou de l'époque moderne est bien entendu moins fourni : d'où la
tentation, fructueuse, de pallier cette pauvreté relative en faisant appel
à la diversité de provenance des matériaux. A cette raison utilitaire
s'ajoute une raison "historique" : les frontières entre diverses facettes
de la réaction sociale, que l'on peut déjà considérer comme arbitraires
pour l'époque contemporaine, prennent un caractère de pure
artificialité pour la société d'Ancien Régime.
Mais à quelle histoire sociale allons-nous faire appel ? Et celle-ci
a-t-elle véritablement connu, au cours de la décennie qui s'achève, un
développement qui justifie l'établissement d'un bilan ?
Les pauvres ont-ils une histoire ?
"Les honnêtes gens n'ont pas d'histoire; les pauvres n'ont pas
davantage écrit la leur"3 , constatait M. Mollat, principal inspirateur,
dans les pays francophones, des recherches dont nous allons rendre
compte. Un vide, un silence, sont donc à peupler. Ils semblent en passe
de l'être : "Les 'malaimés' de l'histoire suscitent partout et pour des
raisons diverses l'intérêt"4. Les tentatives de faire parler "les marginaux
et les exclus" deviennent courantes** . On notera d'emblée que les clients
du "pénal" ont droit à un traitement de faveur : "Exhumés les
premiers, les délinquants sont sans nul doute mieux connus de leurs
historiens d'aujourd'hui que de leurs juges d'antan"6. Des renverse
ments cocasses peuvent même s'opérer : de même que certaines régions
sont avant tout connues par les "brigands" qui les ont fréquentées, on
verra peut-être certaines périodes historiques être symbolisées par
l'activité et les malheurs de ceux que la société a voulu rejeter. Les
alchimistes, parias de la société médiévale, ne deviennent-ils pas parfois
le symbole même de celle-ci7 ?
Cet apparent paradoxe, sur lequel nous ne pouvons nous attarder
ici, peut déboucher sur des interrogations heuristiques : par exemple,
quelle valeur d'indice de la stabilité sociale peut-on accorder à l'étude
des institutions d'assistance ? 8
Terminologies
Le lecteur abordant le présent article n'aura pas manqué d'être
arrêté, à la vue du titre, par la question : à quel sens "histoire sociale"
doit-elle être prise ici ? On peut se demander légitimement si
l'expression même ne devrait pas être bannie, sinon des travaux du
188 moins de leur titre qui est censé en indiquer le sommaire, tant elle prête
à interprétation, à discussion, à contestation. L'on permettra toutefois
qu'ici seules deux acceptions9 soient retenues pour illustrer,
positivement et a contrario, ce que nous entendons mettre en relation
avec l'histoire pénale. D'une part, l'histoire sociale peut se vouloir
globale10, aspirer à la synthèse historique11, se ressentir comme
Geselîschaftgeschichte 1 2 . Choisir cette acceptation, qui était courante
en Allemagne où tendait à perdurer l'opposition classique du XIXe
siècle entre Geistesgeschichte (histoire intellectuelle) et Sozialge-
schichte1*, rendrait le présent article démesuré dans son ambition.
Aussi, nous préférerons définir "notre" histoire sociale comme
"l'histoire des cas sociaux"14, l'histoire de la "marge"15. Marge
économique ou marge sociale ? Les deux mondes sont indissociables,
ainsi que le constate une étude approfondie d'une société en apparence
bien éloignée de la nôtre : partie à la recherche de la pauvreté
économique dans la société byzantine, elle a découvert la
sociale16.
11. Les termes d'un dialogue
1. Des besoins mutuels — une incompréhension mutuelle ? De la
criminologie et de l'histoire sociale
Deux des sciences auxiliaires, annexes ou accessoires du droit
pénal entretiennent avec l'histoire sociale un dialogue continu. Le but
de notre article est de montrer ce qui alimente ce dialogue avec
l'histoire pénale. Mais l'histoire sociale entre également nécessairement
en relations fréquentes avec la criminologie. Qu'elle soit classique ou
d'inspiration révisionniste, cette dernière se nourrit en partie de la
générosité de l'histoire sociale. Voilà ce qui assure à l'historien une
position de force dans le débat sur les structures sociales et les faits
sociaux contemporains: il dispose des armes de l'arbitre17. Cette
position incontestable ne dit encore rien du rôle de cet arbitre. A-t-il un
caractère, comme le prétend l'historiographie sociale classique,
"explicatif et prédictif"1 * ? Si tel était le cas, l'histoire pourrait
servir à renforcer les possibilités et à affermir les certitudes du pouvoir
répressif contemporain. Il est sans doute plus judicieux et plus réaliste
de plaider pour un apport, de l'histoire et de l'historien, destiné à
alimenter le scepticisme qui devrait animer toute démarche scientifique.
Ainsi, présenter les fluctuations réelles ou supposées de la criminalité,
les apparentes modifications des modes d'expression de la déviance,
comme des "moments" de "toute une évolution"19.
189 approche à tonalité négative — l'histoire sociale pouvant Cette
instiller des doutes dans l'esprit du chercheur et de l'acteur
contemporains — se justifie d'autant plus si l'histoire sociale
contemporaine obéit à une injonction formulée par un de ses
théoriciens les plus marquants : ne pas se contenter de projeter des
concepts forgés par les sciences auxiliaires pour illuminer le passé, mais
chercher à formuler, à partir de recherches entreprises sans le bagage de
notions anachroniques, des concepts autonomes et authentiques issus
de ces recherches20.
Une telle déclaration d'indépendance est la seule assurance contre
d

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