Il n y a jamais eu besoin d - Jacques Rancière : « Il n y  a jamais ...
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Il n'y a jamais eu besoin d - Jacques Rancière : « Il n'y a jamais ...

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Jacques Rancière : « Il n'y a jamais eu besoin
d'expliquer à un travailleur ce qu'est
l'exploitation »
Littéraire et cinéphile, Jacques Rancière élabore une philosophie de l'émancipation, celle de la
participation de tous à l'exercice de la pensée, et donc au gouvernement de la cité. Contre les
nouveaux ennemis de la démocratie, ces intellectuels qui prétendent détenir la Vérité, il se bat pour
l'abandon de la traditionnelle distinction entre savants et ignorants.
Propos recueillis par Nicolas Truong / Photographies de Frédéric
Poletti
Qu'il suive les nuits libérées des ouvriers émancipés des années 1830, la
politique d'Emma Bovary, la chute des corps dans le cinéma de Roberto
Rossellini ou le scandale de la démocratie, Jacques Rancière ne cesse
d'articuler poétique et politique au sein d'une exigeante philosophie de
l'émancipation. Depuis sa rupture avec la science marxiste qu'il avait épousée
lors de sa rencontre avec Louis Althusser (1918-1990), il s'attache à dissoudre
les hiérarchies habituelles de sa discipline. En montrant l'égalité intellectuelle
des citoyens devant le pouvoir et le savoir, il s'attaque à la posture du
philosophe-roi ou de l'intellectuel qui prétend dire le vrai sur la société, au nom
de la toute-puissance de la science. Tous les hommes sont à même de
philosopher, de penser, de faire émerger d'autres mondes possibles. La
politique commence même lorsque « l'égalité de n'importe qui s'inscrit en
liberté du peuple », écrit-il dans La Mésentente. D'où la nouvelle « haine de la
démocratie » chez nombre d'intellectuels, masquant leur mépris pour la
société des égaux derrière la critique convenue du consumérisme de «
l'individu démocratique ». L'oeuvre de Jacques Rancière dessine également
une « poétique du savoir » où l'argumentation laisse place au déplacement,
au dépaysement, à la chair des mots, à l'histoire des corps.
Philosophie magazine : Comment s'est fait le choix de la philosophie ?
Jacques Rancière : C'est un choix assez tordu. J'ai d'abord identifié les problèmes philosophiques à travers la littérature.
Quand j'avais 16 ans, je la rencontrais dans les débats sur la liberté des romans et des pièces de Jean-Paul Sartre,
puis je suis tombé à la radio sur le cours de Jean Wahl dans lequel celui-ci élargissait la philosophie par le recours aux
poètes, c'est-à-dire alors à Rainer Maria Rilke et à sa pensée de l'« ouvert ». J'ai rencontré la philosophie proprement
dite à travers le cours d'hypokhâgne d'Étienne Borne et je me suis tout d'un coup passionné pour Descartes. Plus tard à
l'École normale supérieure (ENS), le prestige de Louis Althusser a décidé de mon choix pour la philosophie. Mais celui-ci
était encore équivoque puisqu'il s'est traduit par un diplôme d'études supérieures sur le jeune Karl Marx, dont les textes
proclamaient la nécessité de supprimer la philosophie pour la réaliser. Et ce à quoi Althusser nous introduisait, c'était à
un éclatement des frontières de la philosophie, dans La Pensée sauvage de Claude Lévi-Strauss, l'Histoire de la folie de
Michel Foucault ou la psychanalyse de Jacques Lacan. Donc je suis entré dans la philosophie par le biais de la sortie de
la philosophie, et si je m'y suis intéressé, c'est toujours du point de vue qui supprime ses frontières et, plus
généralement, les frontières entre les disciplines.
À l'ENS, vous rencontrez la personne, les cours et la pensée de Louis Althusser. Que vous reste-t-il de la « leçon
d'Althusser » ?
La rencontre avec Althusser a eu un double aspect : la rigueur marxiste qu'il voulait restaurer était une rupture avec la
lecture humaniste et sartrienne de Marx qui m'avait d'abord nourri. Mais la rupture à laquelle il obligeait était compensée
par le fait qu'il nous engageait dans une grande aventure intellectuelle collective : il fallait nous saisir de la nouveauté
structuraliste pour réinventer la théorie et la politique marxistes. La réinvention a tourné court, mais Althusser m'a
arraché à mon enthousiasme juvénile pour la philosophie « concrète », afin de m'introduire aux territoires de la pensée
en acte dans les formes sociales.
Comment les événements de Mai 68 ont-ils ébranlé votre croyance dans les certitudes du marxisme scientifique ?
Dans l'althussérisme, il y avait l'ouverture, l'intégration des inventions opérées sur d'autres territoires comme
l'ethnologie, l'histoire ou la psychanalyse, et en même temps une foi naïve dans la nécessité de la science pour faire
avancer la pratique et éclairer des gens qui vivaient, disait-on, dans l'illusion. Althusser avait écrit un texte très violent
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