Images du corps et manipulations sexuelles chez les Tikar du Mbam (Cameroun) - article ; n°144 ; vol.37, pg 31-49
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Description

L'Homme - Année 1997 - Volume 37 - Numéro 144 - Pages 31-49
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 65
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Séverin Cécile Abega
Julienne Ngoundoung Anoko
Images du corps et manipulations sexuelles chez les Tikar du
Mbam (Cameroun)
In: L'Homme, 1997, tome 37 n°144. pp. 31-49.
Citer ce document / Cite this document :
Abega Séverin Cécile, Anoko Julienne Ngoundoung. Images du corps et manipulations sexuelles chez les Tikar du Mbam
(Cameroun). In: L'Homme, 1997, tome 37 n°144. pp. 31-49.
doi : 10.3406/hom.1997.370357
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1997_num_37_144_370357SÉVERIN CÉCILE AßEGA & JULIENNE NgOUNDOUNG AnOKO
Images du corps et manipulations sexuelles
chez les Tikar du Mbam (Cameroun)*
La pandémie du sida a relancé les études sur la sexualité. Les pratiques
retiennent maintenant particulièrement l'attention dans la mesure où elles
peuvent augmenter les risques de transmission du virus VIH. Les muti
lations sexuelles par exemple, notamment les ablations imposées aux femmes,
sont combattues avec une nouvelle vigueur. En raison du danger réel qu'elles
peuvent créer au sein d'une population touchée par la maladie, elles fournissent
d'ailleurs au militantisme féministe un terrain fertile à l'activisme : les muti
lations sont spectaculaires, douloureuses, injustifiables sur le plan scientifique,
et pratiquées dans des conditions d'hygiène et d'asepsie plus qu'approximatives
par des analphabètes ignorant tout du virus maudit. Bien mieux, souvent attr
ibuées à l'islam, elles ne figurent pas dans le Coran et sont condamnées par les
imams.
On relèvera cependant que les hommes sont plus nombreux que les femmes à
être mutilés, le nombre de circoncis augmentant régulièrement, les populations
camerounaises qui ignoraient la circoncision jusqu'au siècle dernier par exemple
l'ayant progressivement adoptée1. Par ailleurs, ces pratiques manifestent une autre
réalité, peut-être plus difficile à percevoir, à savoir celle d'une certaine image du
corps par rapport au sexe, chaque culture concevant l'anatomie humaine selon des
représentations qui lui sont propres et marquant de son empreinte le corps ainsi
transformé en mémoire sociale, selon Pierre Clastres (1974).
* Cette étude se fonde sur des données collectées par S. C. Abega dans le cadre d'une recherche financée
par l'OMS (GPA-SSB) et intitulée « Apprentissages, pratiques, manières de dire et représentations de
la sexualité chez les jeunes Camerounais de 15 à 30 ans ». Les travaux effectués à Nditam ont été pris
en charge par l'ORSTOM au sein de l'opération de recherche sur « l'Exploitation des écosystèmes et
équilibre du milieu dans les sociétés à économie d' autosubsistance en Afrique centrale ». Nous tenons
à remercier F. Bâillon, M. Delneuf, E. Dounias, A. Froment, O. Iyébi, L. T. Mebenga, P. Tonkoung,
Wang Sonne et tous les habitants de Nditam pour leur aide dans la réalisation de ce travail.
1. La circoncision gagne du terrain grâce à l'islam, mais aussi parce qu'elle appartient à un modèle
dominant en expansion avec l'urbanisation rapide du continent et la multiplication des contacts
entre les différents groupes de populations.
L'Homme 144, oct.-déc. 1997, pp. 31-49. SÉVERIN CÉCILE AßEGA & JULIENNE NGOUNDOUNG ANOKO 32
C. G. Helman (1994 : 12) synthétise cette problématique de l'image du
corps de la manière suivante :
In general, concepts of body image can be divided in four main areas :
1. Beliefs about the shape and size of the body, including the clothing and
decoration of its surface.
2. Beliefs about the boundary of the body.
3.the body's inner structure.
4. Beliefs about how body functions.
All four are influenced by social and cultural backgrounds, as well as by
individual factors, and can effect on the health of individuals.
Les observations de Helman sur les facteurs individuels sont essentielles car
si son enumeration semble n'avoir trait qu'à des croyances, la lecture de Freud,
De véreux ou Bettelheim montre bien l'étroite relation entre les fantasmes tra
duits dans les contes, les mythes, les rituels, les interdits, et ceux observés par
les psychanalystes.
Cette image du corps définit les formes, les couleurs, les volumes, les pro
portions, mais aussi les performances, les émanations, notamment sonores2. On
peut mesurer son impact à la faveur des élections des Miss, à l'importance du
marché des cosmétiques et à l'entêtement des Africaines à se dépigmenter mal
gré les dangers réels de cette pratique. Bien que plus quotidienne et non moins
mutilante, la dépigmentation ne jouit pas de la même publicité que l'excision ou
l'infibulation, peut-être parce qu'elle ne permet pas de démontrer la tyrannie
d'un sexe sur l'autre, et dérangerait la bonne conscience de ceux qui sont lents à
s'émouvoir des dangers de l'uniformisation culturelle dans le village planétaire.
La dépigmentation, lorsqu'on garde en mémoire comme C. Pétonnet (1986)
tous les subtils jeux sociaux engendrés par les mille nuances de l' épidémie des
Noirs américains par exemple, nous amène cependant à penser à ces us plus
quotidiens, plus discrets, comportant peut-être aussi beaucoup plus de risques
parce que favorisant la transmission du VIH là où la chirurgie plastique artisa
nale n'opère qu'une seule fois. Cependant, l'œil n'est pas le seul juge, et les
représentations culturelles de l'anatomie humaine peuvent aussi se définir par le
toucher, l'odorat, l'ouïe.
Nous voulons donc montrer ici comment joue le lien entre l'image que l'on
peut avoir de son propre corps ou du corps de l'autre, et les manipulations
sexuelles comme le dry sex, courantes en Afrique. On sait que cette dernière
lutte contre les sécrétions intimes, de telle manière que l'organe féminin est
peu lubrifié pendant le coït, la femme s 'exposant ainsi à un frottement plus
accentué et donc à une irritation des muqueuses pouvant les rendre plus vulné
rables à l'agression des germes sexuellement transmissibles. Bien que l'on
2. On a généralement une idée unilatérale des bruits du corps humain, en dehors de la voix.
Cependant, le spectacle des Koma des monts Alantika du Cameroun, dansant joyeusement au son
de leurs propres pets après avoir absorbé des substances capables de leur procurer de substantielles
flatulences, devrait ramener au premier plan les réflexions sur la diversité des cultures. Images du corps chez les Tikar du Cameroun 33
n'ait pas encore définitivement identifié ce comportement comme facilitant la
transmission du VIH, la présomption reste forte et les hypothèses convergent
dans cette direction. L. Sandala et al. (1995) signalent cette coutume en
Zambie, au Nigeria, au Zaïre, au Malawi, au Zimbabwe et en Afrique du Sud.
Nous pouvons confirmer sa présence au Cameroun, où nous la trouvons dans
des groupes aussi divers que les Beti, les Maka, les Badjue et les Tikar, pour ne
citer que ceux que nous avons personnellement étudiés. Nous remonterons
aussi en amont pour tenter d'en comprendre la raison, la plupart des descrip
tions étant jusqu'à présent trop succinctes et plutôt inspirées par l'inquiétude
dictée par les risques d'infection que par le souci d'en connaître l'explication.
Cet aspect purement utilitaire n'a pas toujours facilité la compréhension, l'e
nvironnement culturel étant souvent négligé. Nous essayerons donc de replacer
les faits dans leur ensemble pour saisir les valeurs sociales, politiques et psy
chologiques qui les justifient aux yeux de ceux qui les pratiquent. Nous évo
querons au passage la prolongation de l'érection, phénomène augmentant la
durée de l'acte sexuel, et donc l'exposition au contact du partenaire et aux
risques d'infection.
Nos enquêtes dévoilent le lien entre ces pratiques et la conception du corps
comme objet sexuel attrayant, conception attachée à la recherche de la plénitude
sexuelle. Pour mettre ce lien en lumière, le chemin peut être direct, et une
réponse dissiper le brouillard de l'incertitude. Mais en matière de sexualité,
connaître les questions n'autorise pas toujours à les poser car les règles de la
bienséance contraignent presque toujours la langue. La bonne question éloigne
parfois la réponse, et il faut alors interroger les représentations mentales pour
bien discerner le phénomèn

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