Journal de grève  - article ; n°1 ; vol.115, pg 3-26
25 pages
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Description

Actes de la recherche en sciences sociales - Année 1996 - Volume 115 - Numéro 1 - Pages 3-26
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 88
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Monsieur Paul Barets
Journal de grève
In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 115, décembre 1996. Les nouvelles formes de domination dans
le travail (2). pp. 3-26.
Citer ce document / Cite this document :
Barets Paul. Journal de grève . In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 115, décembre 1996. Les nouvelles formes
de domination dans le travail (2). pp. 3-26.
doi : 10.3406/arss.1996.3200
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1996_num_115_1_3200Paul Barets
JOURNAL DE GREVE
Notes de terrain
s'opposer existant cependant « 1971 La débordés « Écoutons En exemple, moins n'avaient grève clair, à l'état à renforcé » l'extension cette par de le j'ai si latent bilan pas l'hiver leur elle perdu grève certains laissé qu'en avait base, entre de 1995 mon des connu leur un tire avait « grands a clivages temps roulants souvenir laissé grève par notamment un exemple et grand mouvements un internes aux » mon bon moins et agents succès « souvenir argent. un suscité sédentaires à mitigé. jeune la « qui médiatique, sédentaires société J'ai de aux ont cheminot Le perdu vives ». cheminots. auparavant cheminote. rôle Antérieurement, polémiques. lié ». de joué non Ces notamment l'argent syndiqué, réflexes par Le secoué On fait et les Rien avait peut j'ai les au syndicats, la corporatistes de de vu corporation. grandes gagné phénomène Juvisy paraître tel alors en le : certains accusés grèves 1 rapprochement 995. banal, renforcèrent des La de grève coordinations, il agents de n'en mai «trahison» de 68 distingue de entre la et 1986, conduite défiance de avait perjuin par pas et
sonnes d'une même entreprise. Parce que c'est une grande entreprise et même s'il y a des occasions pour se
connaître, comme un club de foot, c'est pas évident. Ça a donc amélioré les relations entre les gens, le fait de vivre
le mouvement ensemble, de manger ensemble à la mairie le midi. Et avec les gens de l'extérieur aussi, alors qu'on a
une mauvaise image de ceux qui travaillent à la SNCF, ça m'a permis d'avoir des contacts avec des gens qui ne pen
saient pas comme ça. Mais sinon, j'ai perdu mon pognon, mon temps parce que je pense qu'on aurait dû continuer, je
suis un peu déçu quoi, pour mon premier grand mouvement. Ça n'empêchera pas que s'il y en a un autre, je serai
dedans. Quand on veut vraiment faire respecter ses droits, il faut pas fléchir au premier combat. Mais ça a repris
bêtement à la fin, peut-être parce que j'ai l'esprit combatif et que je suis mauvais perdant ! Et je suis pas le seul à être
un peu déçu. Parce que quand tu passes trois semaines à te lever à 4 heures et à rentrer à 2 1 heures, tu peux être un
peu déçu quand tu vois le résultat. J'en suis sûr. Mais je le referai, ça aussi j'en suis sûr. »
Le jugement négatif porté sur les résultats matériels et financiers de la grève recoupe ici tous les témoignages
que nous avons pu recueillir sept mois après. Mais la maigreur des « acquis » - le maintien du système de retraites, et
le «gel» du contrat de plan pendant quelques mois - semble compensée par le souvenir d'une expérience except
ionnelle, dont on regrette seulement qu'elle n'ait pas duré plus longtemps.
La grève de 1 995 restera en effet inscrite dans la mémoire cheminote comme une grève éminemment « uni
taire ». Le terme, galvaudé par l'usage immodéré qu'en font les syndicats, semble avoir repris pour l'occasion tout
son sens. Le mouvement n'a pas seulement aboli, du moins pendant trois semaines, certains corporatismes internes
- parvenant à réunir ainsi l'ensemble de la «grande famille » -, il a aussi été l'occasion pour les cheminots d'aller à la
rencontre des salariés d'autres secteurs en grève.
L'expérience des «rencontres interprofessionnelles» est donc au centre du «journal de grève» que nous pro
posons au lecteur. On pourra y lire comment - à travers quels obstacles, ou parfois avec quelle facilité - des liens
étroits se tissèrent au cours de ces trois semaines entre les cheminots et les postiers, par exemple, ou bien encore
entre cheminots et mécaniciens de la RATP. Ces rencontres, comme on le verra, furent l'occasion pour des univers
professionnels aussi variés de mieux se connaître, et même de faire l'expérience d'une certaine communauté d'inté
rêts. «Unitaire», la grève le fut enfin en ce sens que les cheminots s'y sont réconciliés avec leurs syndicats. Alors
qu'en 1986 la grève avait commencé contre les organisations syndicales, elle fut cette fois-ci menée du début à la fin
par elles. Le rôle qu'elles ont joué ne se laisse cependant pas facilement saisir.
Ce journal permet peut-être aussi de mieux comprendre comment une grève ayant démarré sur des préoccupat
ions cheminotes a pu, par la suite, prendre une dimension beaucoup plus large et exprimer le mécontentement
d'une grande partie de la population. :
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Paul Barets
«sérieuse», tandis qu'une longue queue formée de colMardi 28 novembre
lants « FO », rouges et blancs, pend de façon ostensible et
Je me rends place d'Italie, au départ de la manifesta obscène entre ses jambes... Ce déguisement insolite et
tion organisée par FO et la CGT. La place est noire de les postures qui l'accompagnent lui valent un franc suc
cès auprès du groupe. Ces jeunes, très excités, ne restemonde et j'ai toutes les difficultés à trouver le cortège des
ront pas longtemps dans le cortège, ils abandonneront cheminots. Les voici enfin, ils doivent partir en queue et,
en attendant, font du sur place dans l'un des boulevards bientôt leurs collègues pour aller à l'aventure tout au
adjacents. long de la manifestation.
Leur cortège est fermé par la fédération CFDT des Le cortège démarre enfin, je décide de rester avec lui.
Nous traversons la foule compacte de la place d'Italie. cheminots, qui, par sa présence, marque nettement son
rejet de la politique et des consignes de la direction Deux haies se forment au milieu desquelles nous pas
confédérale. Le cortège cédétiste se fait remarquer sons et qui laissent voir des visages souriants et encoura
cornes de brume, abondance de drapeaux rouges frap geants les premiers applaudissements crépitent, les che
minots oublient soudain leur longue attente. La pés du sigle CFDT, camion-sono, tout y est pour que l'on
manifestation est d'emblée très dynamique. Le rythme du n'ignore pas le ralliement de la fédération cédétiste au
pas est martial, les premiers fumigènes sont déclenchés mouvement.
Au volant du camion-sono, je reconnais Henri Célié 1, enrobant bientôt d'un nuage rouge et surréaliste l'e
nsemble du cortège. Le regard de la foule exerce manifespermanent cédétiste de la région SNCF Paris Sud-Est
tement un effet électrisant sur les manifestants, qui foavec lequel je m'étais entretenu à plusieurs reprises lors
de mon enquête sur le syndicalisme à Villeneuve-Saint- rment maintenant un chœur unanime et reprennent avec
Georges2. La quarantaine, le style soixante-huitard, entrain le slogan «Juppé, si tu savais, ton plan, ton
confortablement installé au volant de son camion et à la plan; Juppé, si tu savais, ton plan où on se l'met;
tête du cortège cédétiste, il se montre peu loquace. À la aucune, aucune, aucune hésitation non, non, non à ton
plan bidon, oui, oui, oui à la négociation » (variante plus question que tous se posent de savoir si la grève est part
« radicale » qui supplantera progressivement la première ie pour durer, il répond en connaisseur « Nous les che
minots, on est prêts à continuer. » « oui, oui, oui à sa suppression »).
Devant le camion-sono se trouve un groupe compact Je me rappelle avoir participé à une manifestation de
de cheminots en blousons bleu foncé (fournis par la cheminots au printemps de la même année. Il s'agissait
déjà de protester contre le contrat de plan. Quel changeSNCF) réunis derrière une banderole. En me rapproc
ment depuis! Certes, à cette occasion aussi, les fumihant, je constate qu'il s'agit d'une simple banderole ind
iquant l'origine de ce cortège, ateliers de la banlieue pari g

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