Journées d’étude, ENS Cachan, 25-26 mars 2010
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Journées d’étude, ENS Cachan, 25-26 mars 2010 Association Française de Sociologie (RT 12 sociologie économique) « FAIRE CRÉDIT DANS LA FRANCE CONTEMPORAINE » Sébastien PLOT, doctorant, IRISSO Paris Dauphine « FAIRE RECOURS » DANS LA STRATÉGIE DU « FAIRE CRÉDIT » LE RÔLE DES CRÉANCIERS DANS LA MISE EN FORME INSTITUTIONNELLE DU SURENDETTEMENT La loi Neiertz de 1989 instaure un dispositif de traitement de la dette du particulier qui a connu de nombreuses réformes depuis. Elle met en place les commissions départementales de surendettement des particuliers, composées chacune de cinq membres, dont un représentant des créanciers et un représentant des consommateurs. Après dépôt de dossier à la Banque de France et recevabilité, un plan amiable est proposé au débiteur en difficulté et aux créanciers pour le règlement des dettes (contrats de crédit, paiement du loyer, charges diverses). Ce plan peut prévoir une réduction des taux d’intérêt, un report, un rééchelonnement de dette ou une imputation des paiements. Si aucune conciliation n’est trouvée avec les créanciers, la commission recommande l’élaboration d’un plan dès lors transmis à un juge de l’exécution pour 1homologation . Pour des raisons variées, la procédure a su s’attirer la sympathie de différents types d’acteurs qui ont œuvré à son élaboration : la Banque de France accentuait son contrôle sur le crédit au particulier tout en réorganisant ses services, quand de nombreuses associations ...

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Journées détude, ENS Cachan, 25 -26 mars 2010 Association Française de Sociologie (RT 12 sociologie économique) « F AIRE CRÉDIT DANS LA F RANCE CONTEMPORAINE »    Sébastien P LOT , doctorant, IRISSO Paris Dauphine « FAIRE RECOURS » DANS LA STRATÉGIE DU « FAIRE CRÉDIT » L E RÔLE DES CRÉANCIERS DANS LA MISE EN FORME INSTITUTIONNELLE DU SURENDETTEMENT       La loi Neiertz de 1989 instaure un dispositif de traitement de la dette du particulier qui a  connu de nombreuses réformes depuis. Elle met en place les commissions départementales de surendettement des particuliers, composées chacune de cinq membres, dont un représentant des créanciers et un représentant des consommateurs. Après dépôt de dossier à la Banque de France et recevabilité, un plan amiable est proposé au débiteur en difficulté et aux créanciers pour le règlement des dettes (contrats de crédit, paiement du loyer, charges diverses). Ce plan peut prévoir une réduction des taux d’intérêt, un report, un rééchelonnement de dette ou une imputation des paiements. Si aucune conciliation n’est trouvée avec les créanciers, la commission recommande l’élaboration d’un plan dès lors transmis à un juge d e l’exécuti on pour homologation 1 . Pour des raisons variées, la procédure a su s’attirer la sympathie de  différents types d’ acteurs qui ont œuvré à son élaboration : la Banque de France accentuait son contrôle sur le crédit au particulier tout en réorganisant ses services, quand de nombreuses associations de consommateurs y trouvaient le produit d’une lutte menée de concert  avec le Secrétariat d’Etat à la Consommation de la députée socialiste Véronique Neiertz. Les créanciers se trouvaient, eux, devant une obligation de tenir compte de ce qui avait été décidé par la commission de surendettement, puis éventuellement par le juge. Cependant, contre l’impression de solidification par la loi d’une même règle imposée à tous les créanciers, il existe pour eux des marges de manœuvre extrêmement diverses. Le cas des établissements de crédit, dont les discours et les pratiques s’adapte nt régulièrement aux modifications de la procédure, montre que, derrière une approche globale des créances encouragée par le dispositif, chaque prêteur tente de régler séparément sa créance, et de tirer son épingle du plan établi par la commission. Cette communication a pour but de décrire certaines pratiques de ces prêteurs et d’envisager leur importance dans le cadre de la procédure de surendettement. A partir, notamment, d’un travail de terrain effectué en novembre 2007 dans une agence de recouvrement (agence J) d’une grande marque du crédit à la consommation (organisme K), et de la préparation, en mai 2008, d’une convention réunissant les membres des établissements de crédit siégeant en commission de surendettement, il est possible d’ analyser cette « domestication » de la procédure de surendettement par les professionnels français du crédit. L ’organisation de l’activité de recouvrement répond à un besoin interne de maîtrise de la charge du risque et de responsabilisation de l’emprunteur, mais importe auss i en termes d’image pour le maintien de la                                                  1  Cette procédure est dite collective, c’est -à-dire qu’elle a la particularité de réunir puis de tr aiter globalement les différentes dettes d’un particulier dans une négociation avec les créanciers. Elle permet d’obtenir une vue d’ensemble d u passif du débiteur, alors que celui-ci devait auparavant entamer une action pour chaque créancier.
 
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relation clientèle. C’est ainsi que l’agence visitée a su adapter au fur et à mesure sa structure, en cloisonnant les contrats des débiteurs enregistrés comme surendettés au titre de la procédure Neiertz, et les autres (1) . D’autre part, les organismes de crédit s’attachent à suivre l’exercice de la  jurisprudence et adaptent en conséquence leurs stratégies de contestations. Le but des recours tient en ce qu ’ils  puissent servir pour une « régulation » et une modification des pratiques des commissions de surendettement. Selon les professionnels, les retours à meilleure fortune des emprunteurs existent ; de même, ceux-ci souscriraient parfois des crédits en masquant la réalité de leur situation. La mise en visibilité de ces cas auprès du juge ou de la commission leur permet de faire valoir que, selon eux, ils ne sont pas responsables du surendettement (2). Enfin, de la même façon que les associations de consommateurs, les établissements de crédit possèdent leur interprétation sur le « bon » fonctionnement d’une commission, qui explique  la fréquence et la qualité de leurs recours. L’organisation d’une « réunion de mobilisation » des commissaires représentants des professionnels a notamment permis de voir quels étaient les points sur lesquels les organisateurs insistaient et la variabilité de la transmission de ce message (3). Il s’agirait en effet de mieux « comprendre » la procédure de surendettement pour pouvoir influer sur un dispositif qui offre de nombreuses prises po ur les créanciers. C’est en ce sens que la question de l’attribution du crédit peut être enrichie de celle des modes de recouvrement : la stratégie de recours implique une mise en forme institutionnelle de la question politique du surendettement et plus largement de la relation de crédit. Hostiles au départ à cette procédure, les créanciers s’en sont peu à peu servis pour promouvoir leur interprétation de la question dans des dispositifs matériels : un passage par le juge permet par exemple de déterminer la situation d’un débiteur qu’une commission avait pu, à leurs yeux, dégrader. Les modes de traitement de l’impayé supposent donc une problématisation précise de la dette du particulier et de la catégorie de « surendettement ».      1  U NE ACTIVITÉ DE RECOUVREMENT ADAPTÉE À LA PROCÉDURE DE  SURENDETTEMENT     A la fin des années 1980, aussi bien pour les instances de tutelle, les associations de consommateurs ou les professionnels du crédit, le taux d’impayés se révèle préoccupant et des unités de recouvrement démarrent leurs activités. C’est le cas aussi bien d’ une banque comme le Crédit Lyonnais que d organismes de crédit comme Cetelem, qui mettent en place une politique de recouvrement des créances tenant compte des situations individuelles et s’efforçant , selon son fondateur, de retarder les procédures contentieuses pour entretenir des conversations amiables 2  avec les débiteurs : « Une telle option, fort onéreuse en frais généraux, a été déterminante pour la qualité de 3 notre image de marque » .                                                  2 La phase de r ecouvrement amiable est celle qui précède l’exécution par un huissier de justice d’un titre obtenu  d’un juge par le créancier.  3 Jacques de Fouchier, La banque et la vie , Odile Jacob, 1991, p. 92-94, cité par D. Salomon, La transformation du système banc aire français. L’exemple du segment du crédit à la consommation , Thèse de doctorat de l’IEP, FNSP, 1995, p. 156. On peut préciser ici que le nom du créancier n’est pas forcément le même que celui du mandataire du créancier. Parfois, des dossiers passés en perte par un attaché commercial au niveau de l’organisme de crédit peuvent être revendus à une autre société, spécialisée dans le retraitement de ces créances , à un prix moindre. Ces cessions de créances s’expliquent notamment par l a possible évolution de la situation du débiteur.  
 
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  Soigner li mage et lencaissement   La question de l’image est au principe de  l’organisation du recouvrement  au début des années 2000. L’ agence J a été conçue dans le but de mieux traiter les contrats de débiteurs entrant dans le cadre de la procédure de surendettement. Médiatiquement, cette structure n’ a pas de visibilité. Elle participe pourtant à une politique d’entreprise décrite comme décisive par ses responsables : la façon d’accepter ou de refuser les propositions de la Banque de France, la méthodologie de suivi de ces contrats, change la politique de recouvrement. Comme le souligne Mélanie, une des deux responsables de l’ agence J, cette politique se fonde notamment sur un isolement des dossiers « surendettement » 4 , c’est -à-dire ceux pris en charge dans le cadre de la procédure légale : « Ce n’est pas noyé dans le recouvrement global de [l’entreprise] . Quand les commerciaux font du recouvrement, ils savent qu’ils s’adressent à un client qui a eu un dossier de surendettement. On adapte notre discours en fonction de ce genre de situation. Peut-être que les médias ne voient pas ça, mais le client, lui, s’en aperçoit » . Ulrich, le second responsable de l’agence, insiste lui sur l’importance du suivi des contrats pour lesquels il pouvait auparavant être estimé q ue l’arg ent était perdu. Ce suivi permet de générer de plus nombreux encaissements dans la mesure où ceux-ci sont « protégés », ou « travaillés », de manière plus systématique et ciblée : « Dès qu’on a l’information qu’un dossier est recevable, en tout cas, qu’un client est recevable, on va aller puiser un petit peu partout au sein [du groupe] les dossiers qui lui appartiennent, et on va les isoler. On va les protéger. Parce qu’on ne va pas les gérer de la même façon qu’un dossier lambda » . Il ne s’agit donc pas de communiquer sur une façon de gérer le surendettement. Ulrich note que « c e ne sera jamais un argument de dire “[notre groupe] est champion dans la gestion du surendettement” » . Mais pour la responsable du métier surendettement de l’organisme K, Christine S., la mission d’une telle agence est d’ uniformiser la politique du groupe : « Avoir trente-six agences qui gèrent le surendettement, forcément, il ne peut y avoir que des disparités dans le discours. »  La formation des employés porte dans un premier temps sur le caractère spécifique des dossiers de surendettement 5 . Maxime, employé à l’ agence J et issu d’un BTS force de vente, précise que la demi-journée durant laquelle ils ont été formés traitait essentiellement de l’importance du surendettement dans l’ensemble des sociétés de recouvrement et de la position de l’entreprise face à la question : « C’est un truc assez sensible le surendettement. Parce qu’on en parle beaucoup médiatiquement, tu vois ce que je veux dire. […] Tout ce qui est technique de recouvrement, c’est à peu près la même chose qu’au contentieux, mais en plus light. Je ne vais jamais dire au mec, on va venir chercher ta voiture. »  Il évoque la différence avec un autre service contentieux où il travaillait auparavant : « On avait des titres exé cutoires, des documents qu’on obtient via un juge pour garantir la créance, ce qui nous permet de mandater un huissier pour saisir les meubles. […]  Et puis eux ne sont pas surendettés, ils ne sont pas protégés par la Banque de France, donc on peut se permettre, tout en restant correct, c’est la déontologie de tous les organismes de crédit 6 , de mettre la pression. Ici, comme ils sont en surendettement, ils ont un plan à respecter, donc bien leur faire comprendre qu’il faut qu’ils respectent leur plan, tout en les rassurant. C’est un mélange.  […] C omme je lui ai parlé à la nana, c’est à peu près comme ça qu’il faut leur parler, c’est -à-dire que ce ne sera jamais du recouvrement                                                  4 On distinguera le dossier de surendettement, document établi avec les comptoirs de la Banque de France pour la procédure de surendettement, du dossier du client (le contrat) détenu par l’organisme de crédit.  5 Les personnes renc ontrées dans les deux services ont moins de trente ans et disposent généralement d’une formation commerciale à niveau bac + 2. Il existe aussi des auxiliaires, souvent étudiants, qui travaillent durant leurs vacances scolaires. Si les dossiers sont trop complexes, ils les « remettent dans le tas » pour que le travail soit effectué par un employé plus expérimenté. 6  L’employé fait référence à des règles formalisées par l’ « accord sur le recouvrement amiable en crédit à la consommation », co-signé par l’A ssociation des sociétés financières (ASF) et les organisations de consommateurs en avril 2007, et visant à faire respecter certaines règles déontologiques (confidentialité, respect de la vie privée) : « A tout moment de la procédure amiable, le prêteur s’enga ge à ne pas exercer de pression morale sur le débiteur et à réduire au strict nécessaire la fréquence des contacts. »
 
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agressif. Dans notre service à nous, la plupart des gens sont vraiment dans la merd e, donc on est obligé d’avoir un ton un peu rassurant. »  De même, un autre employé précise qu’il n’effectue pas ses recours sur n’importe quel type de contrat : « Le nombre de personnes à charge, c’est important pour l’image de la société. Parce que s’il a trois gosses, on ne va pas faire un recours sur la recevabilité. Après, ça peut passer devant un juge et tout ça. »  Le recouvrement amiable et le maintien de la relation clientèle importent donc à la fois dans la maîtrise de la charge du risque et dans l’ image du groupe. La progressivité dans la démarche de recouvrement doit être associée à l’efficacité de la relance, comme le précise Areski, présent dans l’agence depuis trois ans : « Il y a plusieurs codes courrier. […]  Le premier courrier, c’était “Merci  de nous recontacter pour le bon fonctionnement de votre dossier”. Très sobre, mais parfois trop. En même temps, je ne peux pas envoyer un courrier comme “vous n’avez pas respecté votre accord”  [étant donné qu’il n’y avait pas d’accord]. C’est là que c’est délicat de trouver le courrier juste. Là ça lui parlera plus à la personne, parce qu’on parlera du dossier de surendettement. On est obligé de trouver quelque chose qui accroche un peu. »  En conséquence, les appels des débiteurs concernent pour la plupart des problèmes de date de prélèvement ou de relances automatiques de courriers, qui ne sont arrêtées qu ’après la prise en compte, par l’agence, du plan de traitement de l’impayé . Un employé rassure ainsi une cliente : « Si vous recevez d’autres lettres de relance, vous n’en tenez pas compte, ça veut dire qu’on n’a pas encore eu le temps de traiter votre plan. »  En effet, quand il y a du retard, les courriers de relance partent automatiquement : « C’est pour ça que la plupart des débiteurs pensent qu’on n’a pas reçu l’information qu’il y a un plan de surendettement. Parce que les lettres de relance sont toujours aussi vives qu’avant, donc… Ça représente 30 % de nos appels. »    Laction publique matérialisée dans la procédure de recouvrement   L’organisation de  l’ agence J se scinde en deux services, qui reflètent la carrière possible du dossier d’un client, avec d’un côté la prise en charge des relations avec les comptoirs de la Banque de France, et de l’autre tout ce qui est impayé, appelé le service contentieu x. Les employés du service « Banque de France » reçoivent les recevabilités, étudient les plans proposés, les acceptent ou établissent des contre-propositions. Ces relations entrent dans le cadre d’échanges réguliers avec les comptoirs de la Banque de France, matérialisés par des envois de courriers confirmant la réception d’un document, le montant dû d’une dette, etc. Elles respectent une temporalité précise prévue par la loi : « C’est important de répondre dans les quinze jours, parce que, après, le montant qui est écrit là, c’est le montant qu’ils retiennent. »  Les employés du service « Banque de France » de l’ agence J gèrent également la mise en place du plan et réaménagent le dossier en fonction du plan signé. Si le plan est respecté, le dossier ne sera traité que par leur service, sans jamais avoir affaire au 7 service contentieux . La création d’une telle entité date du début des années 2000. Auparavant gérés par une agence contentieux lambda, les dossiers de surendettement étaient traités comme les autres contrats du groupe K. La structure du service « Banque de France » se calque désormais sur les différentes étapes de la procédure légale, les codes utilisés dans la notification informatique correspondant à un état du dossier. Les contrats d’emprunteur s en procédure de surendettement sont distingués et isolés, c’est -à-dire qu’ils ne sont pas gérés sur le même applicatif, ni affublés des mêmes masques informatiques. Dans le cadre des relations avec les secrétariats de la Banque de France, la visibilité informatique sur le client est complète, contrairement à une structure classique de contentieux, qui n’a , pour des raisons légales, pas accès à toutes les informations                                                  7  Ce n’est qu’après six mois de traitement et la déchéance du terme que le dossier est transmis au contentieux. Comme le souligne Ulrich, chargé plus spécifiquement du service contentieux, quand le plan n’est pas respecté  « il va arriver chez moi, et là, il y aura tout un processus de relance sur les impayés. […] Il faut se dire que, quand le plan est mis en place, si tout se passe bien, il est dans une sphère que personne ne voit parce que tout se passe bien. Dès qu’il y a un incident de paiement, il arrive chez moi » .
 
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concernant le débiteur : « Toutes les informations surendettement, nos masques surendette ment, ils n’ont pas accès à ça, donc ils ne peuvent pas voir le nombre de créanciers, la globalité de l’endettement, les informations sur les revenus. […] Ils n’ont pas à le savoir. » (Ulrich) Le terme de « surendettement » se trouve accolé au service qui est associé à la politique publique et qui gère les relations avec la Banque de France. Selon la même idée, toute la codification de l’agence s’effectue en fonction de l’inscription du  débiteur à la procédure de surendettement. On peut ainsi entendre entre les différents bureaux de l’agence : « Il est surdet le dossier ? » « Il est passé surdet. » De même, saisissant un contrat sur ordinateur, un auxiliaire me fait remarquer qu’une débitrice est en « situation NTZ » : « NTZ, c’est Neiertz en fait, c’est un code Neiertz » . Ce codage spécifie que le client a été reçu dans la procédure de surendettement, et inscrit comme tel à l’ agence J. Sur un bureau proche, c’est la catégorie  Scrivener » qui me saute « aux yeux. L’employé me précise que « ç a veut dire qu’il est dans le cadre d’un dossier de surendettement » . Il m’explique que c’est la même chose que « Neiertz » : le client se trouve dans le cadre de la procédure de surendettement. A ux yeux de l’établissement de crédit pour lequel la distinction est importante , le débiteur peut déposer un dossier dans trois cas de figure , comme le précise un employé de l’agence : « Tu as des gens qui déposent un dossier de surendettement alors que tout va bien, ils n’ont aucun retard, mais ils savent que par la suite ils auront des difficultés, […] ils anticipent. Tu as des gens qui déposent un dossier de surendettement parce qu’ils sont  en retard de paiement, donc il y a deux ou trois mois de retard, et là ils sont toujours en cycle normal. Et tu as les gens qui déposent des do ssiers de surendettement alors qu’ils sont au contentieux » . Dans tous les cas, le but est de ne pas perdre le contact avec le débiteur et de gérer les intervalles entre les différentes phases de la procédure. Contraire ment à la commission, qui n’a pas de lien avec le débiteur à partir du moment où le plan est établi, les cellules de l’ agence J suivent le respect du plan et les éventuels changements de situation du débiteur.   Zones contractue l es, zones dérogatoires : un client à ne pas perdre  La procédure de surendettement institue un dispositif extra-contentieux au sens où la mise en place d’un plan  par la commission départementale annule les conditions de remboursement contractuelles de la dette du débiteur. Ce plan inscrit celui-ci dans une zone intermédiaire où de nouvelles conditions de remboursement sont prévues et où le créancier ne peut plus se prévaloir de son droit de poursuite. Pour autant, avant que le plan soit établi , c’est -à-dire entre le dépôt et la recevabilité du dossier, les créanciers conservent leur droit de poursuite. Les responsables de l ’agence J insistent sur ce maintien des relations avec le débiteur, avant et à l’issue du plan 8 . Les prêteurs peuvent ainsi saisir le compte courant pour savoir s i de l’argent n’est pas versé, à cette restriction près qu’ un dispositif, prévu dans le code de la consommation, précise que le débiteur peut, en cours de procédure, demander une suspension des voies d’exécution à l’égard des créanciers . Un pôle du service « Banque de France » est exclusivement chargé de contacter les clients au moment de la recevabilité, pour leur demander de ne pas suspendre les paiements si la capacité de remboursement est positive. Comme le souligne Ulrich, « le client, on lui demande de faire des versements en fonction de ses possibilités, on ne court-circuite absolument pas, ni la procédure de surendettement, ni un éventuel plan. »  Il précise que, les conditions contractuelles étant toujours valables, il ne s’agit pas de contourner le régime dérogatoire institué par la procédure : « Ce n’est pas que nous leur demandons, c’est une obligation qu’ils ont. »  L’existence de ce pôle n’est pas récente dans l’organisation de l’agence . Néanmoins, peu suivi, il a été décidé depuis septembre 2007 de réévaluer son activité de manière pratique : « C’est vraiment si on avait le temps, on s’y mettait en plus. On a essayé d’aménager après,                                                  8 Quand il s’agit d’un moratoire et que celui-ci arrive à échéance, plusieurs solutions sont possibles : le solde, la reprise des conditions contractuelles, le redépôt.  
 
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parce qu’on a vu qu’ il y avait un certain manque à gagner là-dessus, c’est pour ça qu’on a fait un pôle à part »  (Areski). Quatre personnes ont été placées à ce pôle , alors que l’activité était jusque -là noyée dans le reste des missions : « On s’est aperçu qu’il y avait beaucoup de dossiers, qui avaient des capacités positives, et qui pendant un an, six mois, ne payaient plus rien, alors que précédemment, juste avant de déposer le dossier, c’est des dossiers qui recevaient des paiements. C’est vrai que souvent les commissions et les secrétariats ont tendance à dire, voilà, vous avez déposé un dossier de surendettement, vous ne payez plus personne. Ce qui ne devrait pas être le cas. » (Ulrich) Ainsi, en attendant que soit validé un plan ferme et définitif, les négociations se poursuivent avec le débiteur, chaque somme versée venant en déduction du montant à rembourser. La mise en place d accords avec le débiteur évite les relances et stocke également les intérêts de retard : « Nous, on a de l’argent qui rentre et le client, son dossier i l tourne, on minimise ses frais »  (Areski). Afin de maintenir la relation commerciale avec le client, plusieurs « files d’att ente » sont prévues par l’ agence J, décrites ici par Areski : « Il y a par exemple ce qu’on appelle la z éro-une. Quand ils font un [dépôt du dossier], l ’ordinateur va calculer ceux pour lesquels il y a une capacité positive et où il n’y a pas d’accord de r èglement de mis en place. A ce moment-là, le lendemain, ça va ressortir sur la file d’attente zéro-une. Donc nous on va aller voir si cette personne-là n’a pas de mise en place de mensualités, c’est là qu’on va chercher à établir un contact. […] La seize, ce sont les dossiers où il y a ce qu’on appelle un règlement spontané. Si c’est ponctuel, on va essayer de fidéliser le règlement, etc. 9 » Ces files d’attente constituent autant d alertes pour les employés et leur manager dans leurs relances des débiteurs. Les nombreux motifs appellent des traitements différenciés : dans le langage indigène, on parle de « chute de plan », de « fin de mor », « solde doss », « règlement spon », etc. Ces relances obéissent à une demande de résultats : chaque mois un objectif d’encaissement  est fixé par rapport à l’encours des dossiers : « Ce mois-ci c’est 372 000 euros, et donc nous simplement, on divise par le nombre de jours ouvrés. Tous les matins, on regarde ce qu’on a encaissé la v eille, et on le met en place là. » Ce son t donc aux employés de l’agence de trouver les arguments pour faire solder le débiteur le plus rapidement : « On sait que vous avez un dossier de surendettement, on sait que vous allez avoir du mal à payer 157, combien vous pouvez nous donner. Il peut dire zéro, mais nous on a les arguments derrière, la capacité, etc. Vu votre profil, la Banque va sûrement nous allouer quelque chose… On leur fait comprendre que, de toute façon, c’est un peu bête, puisque c ’est pour préparer leur budget . A ujourd’hui vous ne payez rien mais demain la Banque de France va nous allouer 150 euros. C’est pour prévoir un peu tout ça, la fin du plan. Parce que, à la fin du moratoire, la créance, elle n’aura pas diminué. »  Au service contentieux, la rapidité du solde s’accompagne d’un  geste commercial, comme le souligne Maxime employé au service : « On a une marge de manœuvre. Le mec doit 8 000 euros, tu lui fais un 10 % pour essayer de le faire solder plus vite. […] Mais il faut quand même avoir au départ une démarche du deb, qui te d it, voilà 10 »    º   Les organismes de crédit ont su adapter l ’activité de recouvrement de la dette du particulier à une procédure de surendettement dérogatoire qui portait atteinte à leurs droits de poursuite. Si, à une époque plus lointaine, il était quasi-systématiquement fait une croix sur les contrats en surendettement, la structuration des agences de recouvrement semble aujourd’hui s’être accommodée d’ une procédure durcie par un usage de plus en plus fréquent. « C’est -à-dire qu’on ne  s’amusait pas spéci alement à relancer systématiquement, parce qu’on savait qu’il avait une procédure de                                                  9 Dans ce dernier cas (« règlement spontané »), il s’agit de particuliers en moratoire, qui remboursent leurs créances sans que cela ait été prévu. Le but po ur l’organisme est alors d’officialiser ces paiements , par des prélèvements par exemple. Dans l’agence, on me fait remarquer que c’est aussi bénéfique pour le débiteur, car le remboursement s’effectue avec un taux zéro, ce qui n’est pas le cas si la créance est maintenue dans une logique contentieuse pure. 10  Au contentieux, des remises sont possibles, l’argent étant estimé plus ou moins perdu, ce qui n’est pas le cas sur les encours simples. L’argument est commercial ; on parle alors de « déprovisionnement » : « Même s’ils ne suivent pas le plan de surendette ment, parfois je leur fais des remises. Le but, c’est l’encaissement. »  
 
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surendettement. Alors qu’aujourd’hui, il y a des structures qui sont mises en place, et ce sont des dossiers qui vont être suivis plus particulièrement. On s’est aperçu de  l’importance que pouvait a voir ce type de dossier, mais pas uniquement en termes de recouvrement, aussi en termes d’image. »  (Ulrich) Cette activité relève plus que d’une  simple adaptation à la procédure. A travers leurs relances, c’est sur les pratiques de la commission que les organismes de crédit tentent d’infl uer. La façon d’accepter ou de refuser les propositions qui leur sont faites, la méthodologie de suivi de ces dossiers, le travail de relance ou de recouvrement sur cette typologie de dossier, caractérisent ainsi chaque établissement dans une politique globale du « faire crédit ».      2   F AIRE APPLIQUER SA DOCTRINE :  LA DOMESTICATION DE LA PROCÉDURE DE SURENDETTEMENT     Les établissements de crédit ont fixé, peu à peu, des stratégies de refus des plans conventionnels établis par la commission, de contestations de mesures recommandées ou de recours sur la recevabilité des dossiers dans la procédure. Ces postures participent d’ une volonté de préservation des intérêts de ces professionnels face aux différentes lois votées depuis 1989 11 . Déjà à cette date, ceux-ci contestaient les décisions de la commission en multipliant les recours auprès de la justice, suscitant des réactions de la part du politique : « La secrétaire d’Etat à la Consommation souhaite rait que les créanciers “n’encombrent pas les tribunaux” avec des procédures inutiles, dont le seul résultat serait de faire constater par un juge que la dette ne peut matériellement être recouvrée 12 . »  « Encombrer » les tribunaux pour signifier un désaccord profond sur la nature du  surendettement, soigner ses recours sur un type de prêt précis, instituer un « zonage » jurisprudentiel afin d’adapter sa posture en fonction des juridictions, ou encore apprivoiser ou « faire apprivoiser » la procédure de rétablissement personnel (PRP) de 2003 par les tribunaux, le but des recours est qu ’ils puissent servir à ce que les commission s, voire les juges de l’exécution , chargés de la procédure de surendettement, modifient leurs pratiques.   Les recours dans la stratégie de déresponsabilisation des professionnels du crédit  Selon Christine S., la responsable du métier surendettement du groupe K, létablissement  a longtemps effectué très peu de recours, ou alors très mal ciblés. Depuis 2005, les unités de recouvrement se sont remises à faire des recours auprès des juges, à la fois sur les recevabilités, mais aussi pour des contestations de mesures recommandées. En matière de recevabilité, « on fait des recours parce que, on est souvent accusé, nous, sociétés de crédit, de contribuer ou de fabriquer du surendettement. […] Quand on monte un dossier de crédit avec un cli ent, on lui demande quels sont ses engagements, et à l’issue de sa demande, on va confirmer les revenus par les justificatifs, les bulletins de salaire, et on va lui envoyer ce qu’il nous a retranscrit sous la forme de ce qu’on appelle un point budget. […] Quand on fait un recours devant un juge, avec un point budget, en montrant que le client avait déjà [telle dette dans tel autre établissement de crédit], et que [il ne les avait pas déclarées], en général, ces recours-là, on gagne, parce que le juge
                                                 11 « “Chaque camp va chercher à préserver ses intérêts en allant devant les tribunaux”, résume Paul de Fourny, directeur du Cetelem » ( Le Monde , 3 juin 1994). 12 François Wenz-Dumas, « P remier bilan de santé de l’“homo surendettus” », Libération , 19 juin 1990.
 
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ne peut que constater que le client a signé sur l’honneur une déclaration qui était fausse 13 . Et non seulement on gagne, mais ça contribue justement à montrer aux magistrats et aux banques de France, que finalement, nous, notre travail on le fait correctement, et qu on ne prête pas à tort et à travers » . Il y a en effet plusieurs manières d ’entamer  un recours. Au niveau de la recevabilité du dossier dans la procédure de surendettement, le service « Banque de France » de l’ agence J détecte les possibilités de recours sur recevabilité. Le créancier peut aussi refuser le plan conventionnel proposé, ce qui contraint la commission à effectuer des mesures recommandées pour lesquelles le créancier se trouve devant une obligation de tenir compte de ce qui a été décidé, par la commission, puis par le juge. Les concurrents du groupe K se seraient plus concentrés sur les contestations de mesures recommandées que sur des recours sur recevabilité. L’essentiel pour l’organisme de crédit est de pouvoir choisir le type de procédure qui lui semble le plus efficace et le plus rentable. Les gestionnaires des comptoirs connaissent d’ailleurs les pratiques des créanciers, comme l’explique Cy nthia du service « Banque de France » de l’agence J : « Je n’accepte pas les plans qui durent plus de 120 mois, et la plupart du temps, la Banque de France connaît un petit peu notre façon de travailler, elle sait très bien qu’au -delà de 120 mois, on refusera ».  A l’agence, l es employés chargés de ces recours sur recevabilité isolent les dossiers sur lesquels ils estiment devoir faire une contestation. S i le dossier n’est pas retenu pour un recours, il est jeté à la poubelle. Le responsable du service décide ensuite des recours éventuellement portés au juge. Dans ce travail essentiellement administratif, comment les employés vont-ils étudier une proposition, et à quoi vont-ils être sensibles ?   Motiver ses recours  L es recours effectués par l’organisme de c rédit doivent être motivés pour être recevables. Dans l’ agence J, ces contestations relèvent d’une certaine permanence dans leurs motifs et concernent essentiellement des contrats où l’actif est supérieur au passif (quand par exemple des biens immobiliers permettent de couvrir les créances). Christine S. trouve ainsi immoral de voir un débiteur continuer à acquérir un bien immobilier alors qu’ une partie de ses dettes de crédit à la consommation est effacée ; « a lors que quelqu’un qui est locataire, lui, va peut-être rembourser l’intégralité de ses dettes de crédit à la consommation, et au bout du compte, il ne sera pas propriétaire » . Le recours motivé par le financement de la résidence principale est donc le principal cas de contestation : « Quelque fois c’est vrai qu’on n’a pas d’information, sur une situation qui est vraiment dégradée, il vaut peut -être mieux laisser encore du temps à la personne et ne pas vendre le bien immobilier, et accepter son dossier de surendettement plutôt que de faire un recours. Mais si on n’a pas d’explication, nous on le fait. » (Ulrich) L’utilisation récente d’un crédit  par le client est également motif à contestation (débiteur qui fait un crédit de 10 000 euros, et deux mois après, dépose un dossier de surendettement). La négociation des créanciers s’effectue aussi sur l’impression d’équité, pour les différents créanciers, d’un plan de remboursement. Cynthia évoque un projet de plan envoyé par le secrétariat de la Banque de France : « Libre à moi d’accepter ou pas. On a certain s critères en fonction de la capacité de remboursement, en fonction des autres créanciers, parce que, le but, c’est que ce plan soit réparti de manière équitable. Si, nous, elle nous propose des mensualités à 50 euros, et à un autre créditeur, elle lui propose des mensualités un peu plus importantes, à un taux plus important, je peux refuser. Moi je demande à peu près une équité. »  Il ne s’agit donc pas pour l’ agence J de « faire des recours pour faire des recours, et puis les perdre à chaque fois, ça n’a p as beaucoup de sens, sauf si on veut vraiment défendre un certain point de vue, et là ça vaut le coût de se battre »  (Ulrich). La structure dispose à cet effet d’une c artographie des juridictions, concernant la pratique des tribunaux d’instance , afin d’ avoir une vision des types de recours les
                                                 13 A ce titre, la jurisprudence reste floue, puisque certains jugements estiment que la mauvaise foi se jauge par rapport à la commission et non par rapport à l’organisme prêteur.  
 
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plus efficaces pratiquement 14 . Quand, dans un certain nombre de tribunaux, les juges ne suivent pas l’avis des créanciers sur un certain type de recours , ceux-ci ne sont plus tentés : « Avec le recul, on sait aujourd’h ui sur quels tribunaux on peut tenter tel type de recours » (Ulrich). Une ancienne responsable de secrétariat, désormais militante dans une association de défense des personnes surendettées, ironise ainsi : « Je lui ai dit [à un responsable d’un organisme de crédit] que, à la Banque de France, on n’était pas obligé de suivre si les juges changeaient. Grâce à vous, on le savait. Vous testez toujours les nouveaux juges. Non seulement, vous suivez la jurisprudence, mais vous suivez les nominations, ce que nous on ne sait pas faire. A ussitôt que sur un thème, tu voyais qu’il y avait plein de contestations, ah tiens, il y a un juge qui a changé. Ils testent les juges , et c’est leur job, sauf que de notre côté, ça devrait être la même chose. Il n’y a pas le même n iveau d’intérêt. »  Il ne s’agi rai t pas pourtant pour le responsable de l’ agence J, de retenter le « coup », mais de tenir une position de principe : « Ce n’est pas le cas pour nous. Parce que déjà on n’a pas toujours connaissance du changement des magistrats, et puis on fait rarement ce genre de choses, de tenter parce que le magistrat a changé. »  L ors d’une réunion entre les juges de l’exécution et une commission départementale, face à une flambée récente de recours, on demande au représentant des créancie rs, qui n’est autre que le responsable de l’ agence J, si les créanciers testent les magistrats régulièrement. Ulrich répond alors : « Pas du tout » . L’objectif , pour lui, est qu’il y ait une synergie entre l’agence qui traite ces recours, qui constate que le juge suit, et le membre d e l’organisme de crédit qui siège en commission, ainsi averti.   Desrecours aux fonctions di f érentes : vers une mei l eure connaissance de la   éalité de la situation » «r  La fonction du recours dans la stratégie de l’organisme de crédit dépend de la phase de la procédure concernée. Dans le cadre de la procédure de rétablissement personnel (PRP), l’organisme de crédit estime le plus souvent que les choses sont mieux balisées puisqu’il y a une publication du jugement au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, la désignation d’un mandataire, et un rapport effectué sur la situation du débiteur. La procédure peut ainsi sembler plus rigoureuse que l’effacement partiel d écidé par la commission. Christine S. insiste d’ail leurs sur l’inutilité de leurs recours  quand les juges semblent aller dans leur sens : « Au tout début, on a fait des recours sur la PRP avec un très bon taux de réussite, vraiment, les juges nous ont suivi quasiment tout le temps, tant et si bien qu’on a arrêté de faire des recours, parce qu’on s’est dit qu’on dépensait de l’argent  à envoyer un avocat à chaque fois et que, de toute façon, les juges, même sans notre argumentation, ils n’ouvraient pas. C’est plus de 40 % des dossiers qui sont revenus devant les commissions, que les juges ont refusé d’ouvrir. […] Du coup, forcément les commissions se sont régulées, et maintenant, je pense que, hormis certains cas, les dossiers qui sont envoyés en PRP sont des cas sur lesquels, raisonnablement, on peut dire que le débiteur est dans une situation irrémédiablement compromise. »  Les juges rencontrent parfois des dossiers sur lesquels l’organisme de crédit  soutient la demande du débiteur pour une PRP . L’établissement comparaî t en général par courrier, rappelle combien il lui est dû et explique en deux lignes qu’il soutient le rétablissement personnel. Rencontré en entretien, l e juge de l’exécution d’un tribunal de grande instance se demande ainsi si cette posture n’est pas liée à des questions d’assurance : « Peut-être [lorganisme] est-il assuré pour les impayés, mais uniquement si la créance est effacée dans le cadre du rétablissement personnel. D’où son opposition forcenée dès qu’il y a un effacement dans le surendettement classique. Cette explication, je l’avais e ue au détour par un autre organisme de crédit spécialisé dans le rachat de crédits. Je ne me souviens pas exactement du genre de procédure qui ne lui plaisait pas, mais ce n’était pas forcément parce que ce n’était pas fondé en fait ou en droit,                                                  14 Ils possèdent également une cartographie des comptoirs de la Banque de France. Si tel secrétariat accepte un taux maximum de 6 %, « je sais que je ne demanderai pas, par exemple, un taux à 8 %, il sera automatiquement refusé »  (Cynthia). Ce zonage est un moyen de se repérer dans les recours à effectuer, « sachant qu’on a un tableau qui nous permet de voir, vous voyez, quand la capa est entre 0 et 250 euros, on peut demander un maximum de 5 %. Quand il a une capacité entre 250 et 500 euros, je peux passer de 2,50 à 4,26. »  
 
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c’étai t li é à son contrat d’assurance. »  Ce système d’assurance qui ne peut être actionné que lorsque la créance est effacée selon une procédure précise peut expliquer la contestation de certains établissement, ce qui paraît parfois assez déconcertant pour le juge : « Oui, je suis à fond pour le rétablissement personnel, vite, effacez ma créance ”. C’est vrai que ce n’est pas le comportement normal d’un créancier, en général, ils vont plutôt traîner des pieds » . Dans certaines commissions, et sur des dossiers ambigus, les établissements de crédit proposent des dossiers en rétablissement personnel pour donner une visibilité à des éléments que la commission ne voit pas. Ce type de pratique qui consiste à contester les choix de la commission pour avoir de l’information exige une confiance dans les juges, à qui elle ne semble d’ailleurs pas plaire, comme le note le juge de l’exécution rencontré : « si ce n’est que cela, ils devraient plutôt appeler le secrétariat » . Etant donné la longueur de la procédure, un passage en rétablissement personnel permet pourtant, aux yeux des créanciers, d’actualiser la situation du débiteur : « Aujourd’hui, je suis plutôt favorable à une PRP dans des situations bloquées, quand on se retrouve sur des réexamens, avec un simple choix qui va êtr e l’effacement ou la PRP. Quand un réexamen donne un résultat qui est toujours une capacité négative, on n’a pas beaucoup le choix. Et comme l a commission n’a pas modifié sa situation personnelle, on se base sur des anciennes informations, ils vont clôturer un dossier sur des anciennes informations. Je préfère qu’on parte en PRP, pour qu’un magistrat ait des éléments sûrs sur la situation d’un client. » (Ulrich) Cette question de la situation des débiteurs est récurrente et décisive pour comprendre les prat iques de contestation des établissements de crédit. Les employés de l’ agence J appellent les comptoirs pour comprendre les situations des clients, quand ils sont en phase de proposition. Plutôt que de faire une contre-proposition, de refuser une proposition ou de faire un recours, ils préfèrent appeler pour comprendre et expliquer leur point de vue, essayer de convaincre la personne du secrétariat, négocier les futurs plans, que ce soit en termes de taux, de mensualités, etc. « Ils peuvent mettre que le client possède une voiture, mais nous on va chercher à savoir de quelle année elle est, combien de kilomètres elle a, s’il leur manque des informations par rapport à des revenus, ou s’il y a des débits qui sont considérés comme des charges, on va essayer de s avoir ce qu’ils entendent par charge. » (Mélanie) Selon elle, les p ouvoirs d’investigation de la Banque de France restent limités et il existe de nombreux dossiers sur lesquels elle regrette de ne pas avoir « la réalité de la situation ». Outre les formalités purement administratives (le débiteur doit par exemple prouver, par une attestation de dépôt, qu’il continue à être géré « en surendettement »), il s’agit d’abord de réactualiser le montant exact de la dette, par exemple avec l’imputation des frais d’h uissier. En effet, à partir du moment où le plan est homologué par le juge, le montant de la dette reste ferme et définitif. La situation du débiteur et le montant de ses actifs sont donc vérifiés par l’agence. C’est elle qui appelle le gestionnaire s’il y a un problème ou po ur vérifier la valeur d’un bien : « Là il met résidence principale, sauf qu’il ne met pas la valeur. C’est important pour moi pour faire un recours. »  Il arrive que les motivations d’un plan é tabli par la commission ne soient pas données de manière exhaustive au créancier, ce qui le pousse à faire recours s’il n’est pas informé d’un élément décisif du dossier.  Mais le recours est aussi effectué en raison d’un « optimisme » inscrit dans la doctrine de l’établissement de crédit. Christine S., aussi chargée d’une mission de retraitement des pertes, note que, selon elle, les retours à meilleure fortune existent et sont loin d’être négligeables.  En conséquence, l’agence J effectue peu de contestations des mesures recommandées, sauf pour les abandons de solde pour des gens de 30-35 ans : « Là, on va se battre » .    º  L ’activité de l’ agence J à toutes les étapes de la procédure permet d onc à l’établissement de crédit K de garder le contact avec le débiteur et de suivre, pas à pas, l’évolution de sa créance. Elle permet aussi, au travers de négociations avec le comptoir de la Banque de France, de participer activement à la politique de traitement de l’impayé et d’orienter des pratiques et des
 
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