L altruisme morbide - article ; n°1 ; vol.17, pg 233-250
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L'altruisme morbide - article ; n°1 ; vol.17, pg 233-250

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Description

L'année psychologique - Année 1910 - Volume 17 - Numéro 1 - Pages 233-250
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1910
Nombre de lectures 23
Langue Français
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Extrait

G. Genil-Perrin
L'altruisme morbide
In: L'année psychologique. 1910 vol. 17. pp. 233-250.
Citer ce document / Cite this document :
Genil-Perrin G. L'altruisme morbide. In: L'année psychologique. 1910 vol. 17. pp. 233-250.
doi : 10.3406/psy.1910.7277
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1910_num_17_1_7277VIII
L'ALTRUISME MORBIDE
Pour ceux qui ne veulent point admettre l'innéité de l'émo
tion tendre, l'altruisme ne peut être que morbide, du moins
l'altruisme véritable, dégagé de tout raisonnement, de tout
calcul d'intérêt personnel : penser à soi, voilà la fonction
normale; penser aux autres, voilà la fonction pathologique.
L'homme naît loup pour l'homme, dépourvu de toute bien
veillance pour son semblable. A ceux-là donc, l'expression
d'altruisme morbide doit paraître un pléonasme.
A ceux qui ont une foi métaphysique en la bonté naturelle
de l'homme, à ceux qui font de la charité, de l'amour et du
dévouement des qualités intangibles et de source divine, cette
expression semblera un blasphème.
Mais ceux qui sont habitués à soumettre les sentiments des
hommes à une analyse impartiale, admettront que ce mot
répond à quelque chose, et caractérise assez nettement certains
actes où les uns voient du bien, les autres du mal, mais où les
véritables psychologues ne découvrent que les manifestations
de l'anomalie, de la maladie. Il est possible — négligeant le
côté moral de la question — d'étudier ces faits à un point de
vue purement analytique et clinique.
M. Ribot, après avoir établi l'innéité de l'instinct altruiste,
après en avoir étudié la physiologie, proclame que « la pathol
ogie de l'émotion tendre ne présente pas assez d'intérêt pour
nous arrêter1 ».
Cette condamnation est peut-être un peu sévère. La patho-
ogie de l'émotion tendre ne nous semble pas à ce point dépour
vue d'attraits. Il serait téméraire d'embrasser en une courte
étude un aussi vaste sujet, d'en vouloir fixer les lois en quelques
pages. Mais notre intention, plus modeste, est d'en tracer une
esquisse, en nous bornant volontairement à l'examen de quel-
1. Ridot. Psychologie des sentiments, Paris, Alcan, 1897, 2e éd., p. 245. 234 MÉMOIRES ORIGINAUX
ques faits significatifs, ceux où une déviation de l'émotion
tendre se traduit par des actes d'altruisme morbide. Nous ne
pouvons induire de cette étude des conclusions formelles, mais
nous espérons au moins en tirer une méthode pour des
recherches plus approfondies.
On est en droit de nous demander tout d'abord quel critérium
nous permet d'opérer le départ entre l'altruisme normal et l'a
ltruisme pathologique. A quoi nous répondrons que si l'étude
de la fonction morbide impliquait la connaissance parfaite de
la normale, la pathologie tout entière n'aurait guère
fait de progrès. L'étude de la première n'a-t-elle pas d'ailleurs
servi de tout temps à éclaircir la nature de la seconde?
# * #
Les manifestations morbides de l'altruisme ont été souvent
signalées. Quelques-unes, comme des anarchistes,
ont été bien analysées. Mais nous ne connaissons sur la question
aucun travail d'ensemble quelque peu développé.
Morel1 se borne à constater une certaine exagération de
l'affectivité chez quelques-uns de ses fous héréditaires. Il se
méfie d'ailleurs, et tient en légitime suspicion la valeur de ces
manifestations sentimentales passagères.
Boileau de Castelnau2, dans une étude sur la « misopédie »,
ou « lésion de l'amour de la progéniture », distingue entre la
misopédie proprement dite et la folie affective. Dans la première,
le sentiment paternel serait absent; dans la seconde, il existe
rait, mais dévié.
Le père ou la mère, en infligeant des châtiments, auraient un
but absurde, mais inspiré par la tendresse,... ils auraient été mus
par un sentiment imaginaire de procurer le bonheur éternel à leurs
enfants, etc.
L'auteur rend ici bien compte d'un ordre de faits qui trouvera
sa place dans cette étude.
Marcé 3, vers la même époque, reconnaît que les sentiments
affectifs peuvent parfois être maladivement exaltés chez les
aliénés. Legrand du Saulle * consacre quelques pages à l'exces-
1. Morel. Traité des maladies mentales, Paris, Masson, 1860, p. 528 et suiv.
2. Boileau de Castenlau. Misopédie, ou lésion de l'amour de la pro
géniture. Annales médico-psychologiques, VII, 1861, p. 553.
3. Marcé. Traité des maladies mentales, Paris, Baillière, 1862, p. 61.
4. Legrand du Saulle. Les hystériques, 1883, p. 383. GENIL-PERRIN. — L'ALTRUISME MORBIDE 235 GEORGES
sive philanthropie de certaines hystériques. Legrain l signale
« l'expansivité philanthropique du fou raisonnant ».
L. Desjardins2, Hamon, dans le livre de Félix Dubois3,
Lombroso* s'attachent enfin à la question de l'altruisme
anarchiste.
En somme, certains points de la question ont été entrevus,
d'autres ont été bien étudiés, mais nous ne trouvons, chez les
auteurs cités, aucun essai de synthèse. Nous en rencontrons
un, en revanche, dans un article d'Auzouy5, qui pèche plutôt
par excès contraire et qui tombe dans la systématisation à
outrance. Néanmoins, la tentative est curieuse, et mérite de
retenir un instant notre attention :
L'affectivité, dit en substance l'auteur, se manifeste chez un
individu à l'égard de Dieu, de soi-même, de sa famille, ou des
autres hommes. Cette affectivité peut être normale, pervertie,
exagérée, affaiblie, ou abolie. Combinant ensuite presque
mathématiquement ces deux séries d'éléments, il aboutit à
une longue nomenclature de sentiments, dont la recherche
systématique chez les aliénés l'a conduit à une statistique,
d'ailleurs assez peu significative; pour nous en tenir aux seuls
faits qui nous intéressent ici, la perversion aurait été trouvée
dans une proportion de 20,46 p. 100, et l'exagération dans
18,55 p. 100. Mais, en raison de sa sécheresse, cette statistique
ne comporte pas un enseignement très fructueux, et il vaut
mieux, de cet article, ne retenir que l'idée générale, qui est
intéressante.
# * #
L'altruisme normal est un altruisme obscur. Il n'a guère
d'histoire. Dans ses manifestations, dans ses résultats, rien ne
choque, tout paraît naturel. Dans les manifestations de l'a
ltruisme morbide nous trouverons presque toujours quelque
chose de choquant, un déséquilibre, un manque de mesure.
L'acte lui-même en un mot comportera le plus souvent un
I.Legrain. Médecine légale du dégénéré. Archives d'anthropologie cri-
minelle, janvier 1894.
2. L. Desjabdins. L'idée anarchiste. Revue Bleue, 1893.
3. Félix Dubois. Le péril
4. Lombroso. Les Anarchistes. Trad. Hamel et Marie; Paris, Ernest Flam
marion.
5. Auzooy. Du délire des affections, ou de l'altération des sentiments
affectifs dans les diverses formes de l'aliénation mentale. Annales
médico-psychologiques, IV, 1858, p. 53. MÉMOIRES ORIGINAUX 236
caractère d'anomalie. Dans certains cas cependant, ce sont les
circonstances extrinsèques et l'état mental de l'individu qui
nous permettront de considérer comme morbide un acte en
apparence normal.
La politesse est le premier degré de l'altruisme. Il y a des
gens très polis et très bienveillants de leur naturel. Mais la
bienveillance et la politesse ont quelquefois une origine patho
logique. Un de nos malades, paralytique général, .nous
accueille tous les matins de la façon la plus cordiale, retient
longuement nos mains dans les siennes, s'informe avec soin
de notre santé, et de celle de notre famille, qu'il ne connaît pas.
Il s'alarme de nous voir la tête découverte quand il fait froid.
Il se montre enchanté des égards que nous avons pour lui, ravi
de la ponction lombaire que nous lui avons faite, et ne tarit pas
d'éloges sur notre science et sur notre habileté. Malgré tout ce
que cela a de flatteur pour nous, nous ne pouvons être touché
de ces démonstrations, car il nous est

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