L autre côté du miroir : mythes sataniques et réalités culturelles aux XVIe et XVIIe siècles - article ; n°2 ; vol.40, pg 288-305
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L'autre côté du miroir : mythes sataniques et réalités culturelles aux XVIe et XVIIe siècles - article ; n°2 ; vol.40, pg 288-305

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Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1985 - Volume 40 - Numéro 2 - Pages 288-305
Behind the Mirror : Satanic Myths and Cultural Realities during the Sixteenth and Seventeenth Centuries
The sabbat is quite a myth. It was forged by the élites of Europe, on the basis of a mixture of popular cultural realities herein linked together as satanic practices. Woman is placed at the heart of a so-called religion of the devil. She stands behind the mirror, occupying a place in this counter-world which is exactly the same as that occupied by the -witch-hunters in their own world.
However, a witch-craze requires two other conditions : that the myth be spread by zealous local officers, and above all that the middling sort, i.e the local notables, play an active role. The last condition makes all the difference between open and closed villages, regions, districts or states. In the first case people (or a part of them) agree with the Law, which comes from outside. In the second they maintain the old internal balance achieved by large-scale indulgence in private revenge.
This model explains, I think, important contrasts among witch-hunts all over Europe. Such a persecution occurs not only as a part of a religious evolution but mainly of a political movement : the villagers are gradually forced to tie their communities firmly to modernity and progress.
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 31
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Robert Muchembled
L'autre côté du miroir : mythes sataniques et réalités culturelles
aux XVIe et XVIIe siècles
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 40e année, N. 2, 1985. pp. 288-305.
Abstract
Behind the Mirror : Satanic Myths and Cultural Realities during the Sixteenth and Seventeenth Centuries
The sabbat is quite a myth. It was forged by the élites of Europe, on the basis of a mixture of popular cultural realities herein
linked together as "satanic" practices. Woman is placed at the heart of a so-called religion of the devil. She stands behind the
mirror, occupying a place in this "counter-world" which is exactly the same as that occupied by the -witch-hunters in their own
world.
However, a witch-craze requires two other conditions : that the myth be spread by zealous local officers, and above all that the
"middling sort", i.e the local notables, play an active role. The last condition makes all the difference between "open" and "closed"
villages, regions, districts or states. In the first case people (or a part of them) agree with the Law, which comes from outside. In
the second they maintain the old internal balance achieved by large-scale indulgence in private revenge.
This model explains, I think, important contrasts among witch-hunts all over Europe. Such a persecution occurs not only as a
part of a religious evolution but mainly of a political movement : the villagers are gradually forced to tie their communities firmly to
modernity and progress.
Citer ce document / Cite this document :
Muchembled Robert. L'autre côté du miroir : mythes sataniques et réalités culturelles aux XVIe et XVIIe siècles. In: Annales.
Économies, Sociétés, Civilisations. 40e année, N. 2, 1985. pp. 288-305.
doi : 10.3406/ahess.1985.283162
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1985_num_40_2_283162ROBERT MUCHEMBLED
L/AUTRE DU MIROIR
MYTHES SATANIQUES ET ALIT CULTURELLES
AUX XVIe ET XVIIe SI CLES
La chasse aux sorcières est une liturgie de la peur Elle diffuse des obses
sions qui appartiennent pour essentiel aux représentants de la culture savante
mais qui en créent pas moins des angoisses et des inquiétudes réelles au sein
des masses paysannes Tendant ces dernières un miroir satanique et sabba
tique les démonologues et les juges élargissent des fractures sociales internes
la société rurale en leur donnant une justification culturelle morale et
religieuse chaque villageois peut reconnaître ses propres croyances et pra
tiques bien réelles mais diabolisées aux yeux des élites chacun doit alors
choisir image de lui-même il entend faire valoir intensité et la continuité
des persécutions nées de la volonté des gouvernants dépendent ainsi de la
capacité adhésion une partie des paysans au message qui leur est proposé
il est de ce fait possible de définir des communautés ouvertes ou
fermées la persécution et plus généralement de proposer un modèle expli
catif global valable dans divers pays Europe aux xvie et xvne siècles La
chasse aux sorcières est-elle pas un simple épisode parmi autres malgré son
aspect spectaculaire une conquête des campagnes occidentales par la Loi et
par ordre En autres termes ne agit-il pas partout et toujours de la péné
tration du pouvoir contre les particularismes et contre les habitudes des ruraux
de régler généralement leurs problèmes entre eux en ayant le moins possible
recours aux tribunaux extérieurs Le mythe diabolique en ce sens débouche
sur une sociologie de autorité
Mythes sataniques et peurs réelles
Le sabbat est-à-dire la réunion nocturne et démoniaque des sorciers et des
sorcières est mon avis une pure et simple construction de théologiens qui
Annales ESC mars-avril 1985 n0 pp 288-306
288 MUCHEMBLED MYTHES SATANIQUES
bâtissent la fin du Moyen Age imaginaire des élites sociales européennes
Puisant dans le fonds composite de la persécution contre les juifs les premiers
chrétiens et diverses sectes hérétiques comme magistralement montré
Norman Cohn1 ils réactivent des stéréotypes qui ont rien de populaire pour
montrer existence et les progrès un vaste complot satanique destiné faire
triompher le mal sur la terre Ils traduisent en fait un désarroi certain des gou
vernants et spécialement des hommes glise confrontés aux craquements qui
préparent la rupture de unité chrétienne au xv siècle Persécuteurs et héri
tiers des inquisiteurs les démonologues naissants imaginent persécutés dans
un monde saturé de diabolisme où les adeptes secrets du démon préparent la
ruine de leurs efforts Le sabbat ils imaginent est une liturgie chrétienne
envers qui copie trait pour trait la messe en affectant chaque élément un
coefficient négatif une coloration noire et morbide
Cette construction mentale acquiert cependant une grande efficacité que
plus tard et en particulier dans les tats profondément influencés par la
Contre-Réforme tridentine comme les Pays-Bas espagnols La chasse aux sor
cières atteint ses formes les plus épidémiques et sa plus grande intensité entre
1590 et 1620 par suite de la publication édits princiers spécifiques en 1592 et
en 1606 qui déclenchent une terrible répression conduite par les cours de justice
laïques
Il me paraît peu utile dans le cadre de cet article de reprendre les argu
ments ce sujet que ai abondamment développés ailleurs2 Pour aller
essentiel il suffit de rappeler que le sabbat est une catégorie de pensée étran
gère aux acteurs paysans de ces drames Les témoins qui se présentent contre les
prétendues sorcières en parlent jamais Quant aux accusés ils en font état
en avouant sous la torture et généralement en étant guidés par les questions
très précises de leurs juges lesquels leur fournissent les précisions démono-
logiques nécessaires pour pouvoir rédiger une sentence de facture classique
Celle-ci contient on le sait le rappel de initiation diabolique concrétisée par
une marque insensible aux piqûres et par la copulation avec le démon puis elle
décrit le sabbat et elle se termine par la liste des principaux torts ou maléfices
commis dans la vie courante en utilisant les poudres et onguents re us pendant
la cérémonie nocturne
Que le satanisme soit une production directe de la demonologie et de la pra
tique judiciaire qui en découle est ailleurs corroboré par le cas exceptionnel de
certains pays dont la procédure en matière de procès de sorcellerie est pas
axée sur la recherche des faits diaboliques Tel est le cas de Angleterre3 ou
celui du Danemark présenté par Johansen4
Dans ces conditions les auteurs qui soutiennent la thèse de la réalité du
sabbat sous quelque forme que ce soit sont devenus rares Certains croient
toujours au diable et son action instar de Pierre Chaunu en France ce qui
les pousse conserver une hypothèse aucun élément concret jamais
réussi prouver autres discernent une couche de culture folklorique dans le
sabbat Mais pour éviter être accusés de vouloir rendre vie la théorie inac
ceptable de Margaret Murray sur le culte pratiqué par les sorcières en
Europe ils en sont réduits parler de pratiques orgiaques imaginaires reflétant
le rêve du retour une phase ancienne de culture comme Mircea liade ou
postuler existence un rituel après une structure mythique très composite
289 EUROPE MODERNE
repérée en comparant des descriptions de sabbat comme Carlo Ginzburg5
Plus subtile que les autres la dernière démarche est néanmoins méthodologi-
quement fautive car elle opère des regroupements arbitraires hors de toute
donnée chronologique et surtout sans référence aucune aux structures sociales
des groupes qui sont censés conserver ce rituel dans les mythes ils confient
aux juges Le risque est grand dans une telle histoire des idées totalement désin
carnée de voir le sujet pensant se définir plus que éclairer son objet de
recherche en mettant un sens arbitraire sa collection de très courtes citations
entièrement extraites de leur contexte et en appliquant ainsi surtout la méthode
structuraliste son propre inconscient Sans oublier le fait que les exceptions
sont nombreuses des Pays-Bas au Danemark et Angleterre or ne devrait-
on pas beaucoup mieux saisir une véritable couche folklorique le thème de la
procession des morts dans les deux derniers pays par exemple où la culture
savante pas réussi imposer image du sabbat démoniaque et compliquer
ainsi notre perception

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