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Publié par | SCIENCES_SOCIALES_ET_SANTE4 |
Publié le | 01 janvier 2003 |
Nombre de lectures | 14 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 1 Mo |
Extrait
Kristina Orfali
L'émergence de l'éthique clinique : politique du sujet ou nouvelle
catégorie clinique ?
In: Sciences sociales et santé. Volume 21, n°2, 2003. pp. 39-70.
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Orfali Kristina. L'émergence de l'éthique clinique : politique du sujet ou nouvelle catégorie clinique ?. In: Sciences sociales et
santé. Volume 21, n°2, 2003. pp. 39-70.
doi : 10.3406/sosan.2003.1585
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/sosan_0294-0337_2003_num_21_2_1585Abstract
This paper presents the birth and development of clinical ethics in the United States. Since 1992,
JCAHO mandates hospitals to have clinical ethics committee to help resolve ethical problems in patient'
s care. This trend has led to an institutionalisation of clinical ethics. In contrast with France, where there
is little link between bioethics and clinical ethics (bedside ethics), these two elements of the American
bioethical movement (the patient subjected to medical experimentation and the patient in medical
practice) have evolved around the same notions of autonomy and informed consent. Still, empirical
literature is scant on the debates and the ethical process involved in ethics consultations. We analyze
here the « ethical work » of ethicists and the way different references are used and how this collective
moral experience takes place. The observed clinical ethical enterprise reveals a constant tension
between the recognition of the patient as a subject and the medicalization of ethics; between subjectivity
and rationalization. This process can be viewed as a shift in the classical medical paradigm.
Résumé
Résumé. Ce texte présente l'émergence et le développement aux États-Unis d'une approche nouvelle,
l'éthique clinique. Depuis 1992, l'accréditation hospitalière rend obligatoire la mise en place de
procédures formelles destinées à résoudre les problèmes éthiques liés à la prise en charge du patient,
institutionnalisant de fait le recours à l'éthique clinique. Nous montrons qu'à la différence de la France
(où peu de liens existent entre la pensée bioéthique et l'expérience clinique quotidienne), les deux
versants du mouvement bioéthique américain (la réflexion sur l'expérimentation médicale et celle
consacrée au sujet malade de la clinique) se sont développés de conserve autour des notions
d'autonomie et de consentement éclairé. Pour autant, il existe peu d'études empiriques sur les
processus de production éthique au sein des débats liés aux consultations d'éthique. Nous analysons
ici le « travail » éthique en question, et notamment la mobilisation des diverses catégories de la pratique
et l'expérience morale collective en jeu. Le projet de l'éthique clinique ainsi observé s'inscrit dans une
tension constante entre une reconnaissance du sujet et une médicalisation de l'éthique, entre
subjectivité et rationalisation, préfigurant sans doute un nouveau type de paradigme médical.
Resumen
El nacimiento de la ética clínica : política del sujeto o nueva categoría clínica ?
El desarrollo y la institucionalización de la ética clínica en los Estados Unidos han sido poco estudiados
por los sociólogos y no han sido analizados como un problema social. Damos cuenta al principio, del
nacimiento y del roi particular de la ética clínica dentro del movimiento más general de la Bioética.
Analizamos después el « trabajo ético » tal como se expresa en el seno de las deliberaciones
colectivas que acompañan a la consulta de ética clínica. A partir del análisis de un caso concreto típico,
damos cuenta de los procesos de esta experiencia moral colectiva que se convierte en un agente de
legitimación social. Nos interrogamos finalmente sobre la naturaleza misma de este fenómeno :
confirma una real apertura de la sociedad civil y una política del sujeto en el seno de lo « médico » o
bien, en el fondo, no es sino una nueva categorfa de la clínica ?Sciences Sociales et Santé, Vol. 21, n° 2, juin 2003
L'émergence de l'éthique clinique
politique du sujet
ou nouvelle catégorie clinique ?
Kristina Orfali"
Résumé. Ce texte présente l'émergence et le développement aux États-
Unis d'une approche nouvelle, l'éthique clinique. Depuis 1992, l'accré
ditation hospitalière rend obligatoire la mise en place de procédures
formelles destinées à résoudre les problèmes éthiques liés à la prise en
charge du patient, institutionnalisant de fait le recours à l'éthique cl
inique. Nous montrons qu'à la différence de la France (où peu de liens
existent entre la pensée bioéthique et l'expérience clinique quotidienne),
les deux versants du mouvement bioéthique américain (la réflexion sur
l'expérimentation médicale et celle consacrée au sujet malade de la cl
inique) se sont développés de conserve autour des notions d'autonomie et
de consentement éclairé. Pour autant, il existe peu d'études empiriques
sur les processus de production éthique au sein des débats liés aux consul
tations d'éthique. Nous analysons ici le « travail » éthique en question, et
notamment la mobilisation des diverses catégories de la pratique et l'ex
périence morale collective en jeu. Le projet de l'éthique clinique ainsi
observé s'inscrit dans une tension constante entre une reconnaissance du
sujet et une médicalisation de l'éthique, entre subjectivité et rationalisat
ion, préfigurant sans doute un nouveau type de paradigme médical.
* Kristina Orfali, sociologue, The University of Chicago, Center for Médical Clinical
Ethics, 5841 S. Maryland Ave., MC 6098, Chicago IL. 60637, USA ;
korfah@medicine.bsd.uchicaho.edu KRISHNA ORFALI 40
Mots-clés : éthique clinique, malade-sujet, délibération, expérience
morale, autonomie.
L'extraordinaire développement de l'éthique clinique aux États-Unis
(et au Canada) n'a guère suscité l'engouement des sociologues. À vrai
dire, l'éthique médicale ne constitue un objet sociologique que depuis peu
(Anspach, 1993 ; Bosk, 1992 ; Fox, 1989, 1999 ; Zussman, 2000), et le
phénomène particulier de l'éthique clinique reste débattu à l'intérieur de
la discipline, dans des revues spécialisées. Les études empiriques entre
prises sur les comités d'éthique clinique sont souvent produites par ceux-
là même qui les ont implantés. Comme le soulignent Bosk et Frader
(1998), cette littérature, le plus souvent une « épidémiologie de
l'éthique », ne nous informe guère sur le contenu des consultations
d'éthique, la nature des débats ou le travail des « éthicistes », ni sur les
processus de construction d'une « autorité éthique » en médecine. À un
niveau plus large, ce phénomène unique n'est guère analysé non plus
comme un problème social (DeVries et Subedi, 1998) dont l'influence
dépasse la stricte sphère de la clinique.
Pourtant, depuis 1992, l'accréditation hospitalière (JCAHO) ne peut
se faire aux États-Unis sans l'établissement formel de procédures pour
résoudre les problèmes éthiques liés à la prise en charge du patient (1).
Cependant, l'extraordinaire institutionnalisation de fait de ce phénomène
n'a guère accru l'intérêt de chercheurs externes pourtant si prompts à étu
dier les thèmes liés aux professions, au pouvoir, voire aux nouvelles
formes organisationnelles. Le plus souvent, l'éthique clinique est au pire
caricaturée, au mieux méconnue sauf par un cercle d'initiés et par le
monde médico-hospitalier. En France, « l'éthiciste professionnel » est
souvent dépeint comme une insupportable invention américaine, chargée
de réguler les médecins afin d'éviter une juridiciarisation des conflits.
Nous souhaitons ici pallier cette absence sociologique, déplorée dans
de nombreux articles (Bosk et Frader, 1998 ; Zussman, 2000 ), non seule
ment en présentant l'émergence de l'éthique clinique dans son contexte
historique et social, mais aussi en analysant le travail empirique de cette
production d'éthique au sein des débats liés aux consultations d'éthique.
S'il existe certes, dans la littérature sociologique américaine (Anspach,
1993 ; Zussman,