L'explosion de l'offre artisanale à Abidjan et ses relations avec la récession économique (1980-1985) - article ; n°2 ; vol.6, pg 275-294

Philippe Haeringer

Description

Espace, populations, sociétés - Année 1988 - Volume 6 - Numéro 2 - Pages 275-294
Relations between Booming of the Non Industrial Supply and Economic Recession: the Case of Abidjan (1980-1985).
From 1980 to 1985, non industrial supply of goods and services has developped as an organized sector in the suburbs of Abidjan. One observes a reinforcement of local production activities which had been rare until now and the creation of new services like the medical aid round the corner, the phone-box and the legal and tax advisers. The booming of the sector is linked to an economic recession. The study shows the connexion between the economic accidents and the cultural evolution process.
En l'espace de quelques années, les banlieues d'Abidjan ont vu se multiplier et se formaliser une offre artisanale de production, de services et de distribution à la faveur d'une crise économique. Entre un secteur de subsistance stricto sensu et un secteur de transition réelle, il est proposé de reconnaître l'existence d'un secteur artisanal disposé à innover et à améliorer un patrimoine sans pour autant entrer dans la spirale de l'accumulation. D'où la notion de reproduction améliorée. Les liens entre l'épanouissement du fait artisanal et une conjoncture de récession économique, permettent de souligner les rapports de l'économique au culturel. En l'occurence, il est possible de raisonner en termes de citadinité. Au bénéfice de celle-ci on peut notamment inscrire le développement d'un artisanat de proximité, ainsi que l'apparition de services comme l'infirmerie du coin de la rue, la cabine téléphonique ou le conseiller juridique et fiscal.
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: ESPACE-_POPULATIONS-_SOCIETES
• Publié le: 01 janvier 1988
• Nombre de lectures: 39
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Philippe Haeringer
L'explosion de l'offre artisanale à Abidjan et ses relations avec la
récession économique (1980-1985)
In: Espace, populations, sociétés, 1988-2. L'urbanisation en Afrique - Urbanization in Africa. pp. 275-294.
Abstract
Relations between Booming of the Non Industrial Supply and Economic Recession: the Case of Abidjan (1980-1985).
From 1980 to 1985, non industrial supply of goods and services has developped as an organized sector in the suburbs of
Abidjan. One observes a reinforcement of local production activities which had been rare until now and the creation of new
services like the medical aid round the corner, the phone-box and the legal and tax advisers. The booming of the sector is linked
to an economic recession. The study shows the connexion between the economic accidents and the cultural evolution process.
Résumé
En l'espace de quelques années, les banlieues d'Abidjan ont vu se multiplier et se formaliser une offre artisanale de production,
de services et de distribution à la faveur d'une crise économique. Entre un secteur de subsistance stricto sensu et un secteur de
transition réelle, il est proposé de reconnaître l'existence d'un secteur artisanal disposé à innover et à améliorer un patrimoine
sans pour autant entrer dans la spirale de l'accumulation. D'où la notion de reproduction améliorée. Les liens entre
l'épanouissement du fait artisanal et une conjoncture de récession économique, permettent de souligner les rapports de
l'économique au culturel. En l'occurence, il est possible de raisonner en termes de citadinité. Au bénéfice de celle-ci on peut
notamment inscrire le développement d'un artisanat de proximité, ainsi que l'apparition de services comme l'infirmerie du coin de
la rue, la cabine téléphonique ou le conseiller juridique et fiscal.
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Haeringer Philippe. L'explosion de l'offre artisanale à Abidjan et ses relations avec la récession économique (1980-1985). In:
Espace, populations, sociétés, 1988-2. L'urbanisation en Afrique - Urbanization in Africa. pp. 275-294.
doi : 10.3406/espos.1988.1270
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/espos_0755-7809_1988_num_6_2_1270SOCILThS, 1988-2 AT1ONS,
Philippe HAERINGER ORSTOM, Paris
Institut Français de Recherche Scientifique
pour le Développement en Coopération
213, rue La Fayette
75480 Paris Cedex
L'explosion de l'offre artisanale
à Abidjan et ses relations
avec la récession économique
(1980-1985)
verrons qu'elles comportent des éléments
totalement nouveaux qui, ajoutés à une évi
dente accélération de l'évolution courante,
choc moment L'étude quelques Abidjan d'une 1985, visuel à cité l'occasion qui années réserve délaissée. familièrement suit ressenti, trouve entre des d'une Qu'une surprises deux à son redécouverte: la connue origine visites, fin ville de à mais qui dans personl'année comme celle met un semblent marquer une réelle rupture par
rapport à la situation d'avant 1980.
Or 1980 est l'année à partir de laquelle la
Côte-d' Ivoire s'enfonça dans une profonde
ne s'en étonnera. Que la saisie du chan récession économique. Cette coïncidence
gement soit favorisée par une telle distance, nous oblige à relier les deux phénomènes
rien de plus banal. Mais les transformat et donc à nous interroger sur la réalité - ou
ions dont il va être question ici ne sont pas l'illusion - de corrélations possibles entre
seulement la somme, brutalement révélée, une conjoncture fortement dépressive et
d'une paisible évolution quotidienne. Nous des émergences extrêmement positives.
A. LES CONTOURS DU PHENOMENE
fameuse tranche supérieure de l'informel De quoi s'agit-il? Tout de suite les mots
vont faire problème et cette difficulté nous que les économistes appellent le secteur de
projette d'emblée au cœur du sujet. Allons- «transition».
nous parler de secteur informel ? Ce serait
bien commode car il s'agit bien, en effet, Un essor en quatre dimensions
d'une partie du champ recouvert depuis Pour situer le phénomène, le plus simple
une quinzaine d'années par ce vocable. est sans doute de le décrire. En commenç
Mais on verra que l'une des caractéristiques ant par le découvrir en pleine banlieue, au
fortes des activités observées consiste jus long de quelques artères nouvellement équi
tement en une spectaculaire «formalisa pées. Un important programme de voirie,
tion» de l'offre. Pour autant, elles ne se réalisé au cours des toutes dernières années,
confondent pas particulièrement (le recou semble avoir canalisé la plus belle part des
vrement est au mieux très partiel) avec cette initiatives. Et que voit-on? D'abord des 276
enseignes, beaucoup d'enseignes particuli exemple autour du chantier, arrêté, de
èrement efficaces, claquantes et précises. l'hôpital central). Enfin, de nombreuses
Puis des boutiques, des vitrines, des cabi pelouses publiques, notamment celles qui
nets de consultation, des ateliers, des bars, accompagnaient les voies sur berge (autour
des kiosques, etc., qui tous affichent un des lagunes), sont devenues des lieux
«look» auquel l'informel abidjanais ne d'intense production de plantes orne
nous avait pas accoutumés. Enfin et sur mentales.
tout des produits et des services dont beau
Une citadinité créative coup sont complètement nouveaux, et
Ce décloisonnement géographique de l'inid'autres d'un niveau bien supérieur à celui
qu'on leur connaissait quelques années plus tiative populaire est un véritable événement
tôt. pour Abidjan, mais paraîtra bien tardif au
En termes plus ramassés, on pourrait dire regard de ce qui a cours dans beaucoup de
qu'il y a d'abord un climat et une présen villes du tiers-monde. Abidjan cesse, sur ce
point, de se singulariser et ce phénomène a tation formelle qui expriment à eux seuls
davantage une signification dans l'ordre du un grand renouvellement de l'esprit d'ini
tiative. Que celui-ci a conquis ou inventé symbolique (les beaux quartiers d'Abidjan
de nouvelles branches d'activité. Et qu'il ne sont plus tout à fait tabous, un mythe
a gravi dans le même temps, dans les bran s'écroule) qu'une résonnance profonde au
ches préexistantes, plusieurs échelons dans cœur de la société citadine.
la qualité des prestations. Beaucoup plus importante apparaît, en
A ces trois dimensions du changement effet, la transformation de l'offre artisa
nale dans les quartiers populaires eux- (affichage, innovation, qualité), il faut
ajouter une quatrième, dont on ne prendra mêmes; d'abord pour une évidente ques
la mesure qu'en quittant les quartiers popul tion de poids en termes de densités humain
aires. L'habitué de l'Abidjan d'avant 1980 es, ensuite parce qu'une telle transfor
sera en effet surpris de constater l'envahis mation est symptomatique d'une citadinité
sement, apparemment pacifique et conviv en marche: l'évolution d'un commerce,
ial, des immenses quartiers résidentiels ou l'apparition d'un service, etc., ne peuvent
centraux de cette ville par une activité être indifférents (comme causes ou comme
foraine qui en était jusqu'ici sévèrement effets) aux changements de la vie quoti
bannie. La police urbaine, qui admettait dienne. Et la multiplication rapide de ces
tout juste les marchandes d'oranges ambul changements pourrait signifier que des
antes, ferme aujourd'hui les yeux sur la quartiers et banlieues dortoirs, jusqu'ici
constitution de véritables alignements de relativement mornes et «sous-urbanisés»,
kiosques, échoppes et ateliers certes sont en train de devenir des espaces pro
démontables (en bois), mais durablement ducteurs de citadinité, en tout cas d'une
installés sur la voie publique ou sur les ter citadinité plus affichée, plus élaborée et
plus structurante que par le passé. C'est à rains vacants.
Le secteur « informel » part donc à la con ce phénomène-là que l'on s'attachera dans
quête d'une nouvelle clientèle en allant les pages qui suivent.
s'installer chez elle, au plus près de ses Pour être bien certain de ne pas mélanger
les genres et de bien cadrer un mouvement besoins. Au pied des immeubles des riches
en profondeur (c'est-à-dire touchant les (par exemple dans les quartiers de la