L’ introduction au cours intitulé d’Anselme de Cantorbery à Thomas D ’Aquin, nous apprend que
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1D’Anselme de Cantorbery à Thomas d’Aquin ou de la droiture au jugement et retour Professeur invité : Maxime Allard Collège dominicain Par Y. Holzl La troisième séance de notre séminaire a été confiée à Maxime Allard, professeur au Collège dominicain d’Ottawa. Après quelques mises au point au sujet du déroulement de la journée, nous entrons dans le vif du sujet. Le cours se base sur des textes déterminés dont nous avons pris connaissance auparavant : Anselme de Cantorbery, De la vérité, la vérité dans les œuvres d’Anselme de Cantorbery, sous la direction de Michel Corbin s.j., volume 2, Paris, Cerf, 1986. et Somme théologique II-II de Thomas d’Aquin, Paris, Cerf, 1985. L’introduction au cours intitulé d’Anselme de Cantorbery à Thomas d’Aquin, nous prévient de quelques difficultés que nous rencontrerons dans les textes étudiés. - Ceux d’Anselme sont inacceptables, pour notre époque, dans le sens qu’ils ne correspondent pas à ce qu’on appelle aujourd’hui « faire de la philosophie » ou « faire de la théologie ». L’approche des chercheurs des XIe et XIIIe siècles ne pouvait être semblable à la nôtre, les recherches du temps et l’expérience avaient des assises moins établies que celles de notre XXIe siècle. - Une littérature américaine et britannique laisse entendre que Thomas d’Aquin était l’auteur de cette théorie à savoir que la vérité serait l’adéquation entre la chose et l’intellect. Thomas attribuait cette théorie à Isaac de l’Étoile et ...

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1
D’Anselme de Cantorbery à Thomas d’Aquin
ou
de la droiture au jugement et retour
Professeur invité :
Maxime Allard
Collège dominicain
Par Y. Holzl
La troisième séance de notre séminaire a été confiée à Maxime Allard, professeur au
Collège dominicain d’Ottawa. Après quelques mises au point au sujet du déroulement de
la journée, nous entrons dans le vif du sujet. Le cours se base sur des textes déterminés
dont nous avons pris connaissance auparavant : Anselme de Cantorbery,
De la vérité, la
vérité dans les oeuvres d’Anselme de Cantorbery
, sous la direction de Michel Corbin s.j.,
volume 2, Paris, Cerf, 1986. et
Somme théologique
II-II de Thomas d’Aquin, Paris, Cerf,
1985.
L’introduction au cours intitulé d’Anselme de Cantorbery à Thomas d’Aquin, nous
prévient de quelques difficultés que nous rencontrerons dans les textes étudiés.
- Ceux d’Anselme sont inacceptables, pour notre époque, dans le sens qu’ils ne
correspondent pas à ce qu’on appelle aujourd’hui « faire de la philosophie » ou «
faire de la théologie ». L’approche des chercheurs des XIe et XIIIe siècles ne
pouvait être semblable à la nôtre, les recherches du temps et l’expérience avaient
des assises moins établies que celles de notre XXIe siècle.
- Une littérature américaine et britannique laisse entendre que Thomas d’Aquin
était l’auteur de cette théorie à savoir que la vérité serait l’adéquation entre la
chose et l’intellect.
Thomas attribuait cette théorie à Isaac de l’Étoile et ce dernier ne l’a jamais soutenue.
Les théories, de notre séminaire qui traite dans un sens large de la problématique de la
vérité, ne ressemblent en rien à celles des grands philosophes grecs tels que Platon ,
Aristote et d’autres ni à celles de Descartes.
Nous verrons la manière de penser d’Anselme de Cantorbery comparée à celle de
Thomas d’Aquin par la question 1.1 de
De veritate et 16.1 et autres de la Somme. À
partir des vertus sociales nous plongerons dans la morale, aussi
nous accèderons à des
textes actuels.
Anselme de Cantorbery est connu en histoire de la philosophie pour sa preuve de
l’existence de Dieu et sa théorie de la satisfaction qui consiste en ceci : le verbe incarné
est le seul à la hauteur du Père pour réparer la faute des hommes et les sauver.
Qu’est-ce que la vérité?
Anselme pour y répondre écrit un traité dans lequel il propose des arguments
pour
amener, avec une logique purement rationnelle, à la vérité sur les choses de la foi
pratiquement sans la bible. Il amène au limite du langage de manière rationnelle pour
faire « raisonner les phrases bibliques » particulièrement par ces énoncés importants :
Dieu est Vérité et Dieu est LA Vérité. Nous trouvons dans l’évangile de Jean : « Je suis le
chemin la vérité et la vie ». Il s’agit, bien sûr, de Jésus-Christ dont il n’est presque pas
question dans les textes d’Anselme.
2
Pour faire passer sa philosophie, Anselme réinvente les dialogues. Jusqu’au chapitre X, le
travail d’herméneutique, comme une géographie de la vérité, explique ses écrits. Il est
défini qu’il n’y a pas qu’un seul lieu de la vérité mais qu’on peut la retrouver dans les
opinions, dans l’action, dans le sens, dans la volonté. Ce sont des lieux dérivés car ils sont
dans la transcendance DU lieu de la Vérité. Donc, primo, il y a une Vérité
transcendantale. Secundo, la Vérité n’est jamais complète, elle n’est pas en vase clos, il
se trouve en elle du mouvement -aller vers- Tertio, on trouve l’idée du DEVOIR qui me
lie par la reconnaissance envers quelqu’un
qui a fait quelque chose pour moi et cette
reconnaissance est sans contrat, il s’agit d’une relation interpersonnelle. Le geste de
l’autre nous met en mouvement vers l’autre, ce qui implique le devoir de bien parler, bien
sentir, bien penser etc. Il s’agit moins d’un impératif moral que de faire ce qui doit être
fait pour autrui, c’est dire le VRAI.
Anselme de Cantorbery se nourrit du Ps 33, 4-5 : Droite est la parole du Seigneur…et du
Ps 84 : Justice et vérité…, il s’agit de DROITURE; ce psaume fait le lien entre justice,
vérité et droiture. De veritate nous convainc du fait que la vérité est partout et non
seulement chez les chrétiens, nous constatons le rapport entre le droit, le vrai et le juste, il
habite plusieurs lieux,
nous le retrouvons entre autres dans le droit juridique par
exemple.
Les questions sur la vérité ne portent pas uniquement sur l’épistémologie ou même
l’ontologie. La matière des divers chapitres de « de veritate » est comme la MATRICE de
ce qui a été pensé et de ce qui a été
écrit en occident depuis Anselme, Thomas d’Aquin
reprend tout cela. Depuis le XVIIIe siècle, même si cette matrice s’est étiolée, les
questions demeurent aussi vivantes sinon plus.
Dans le Monologion, Anselme énonce que la vérité n’a ni principe ni fin. Il lui est posé
cette question : si nous croyons que Dieu est Vérité et que nous disons que la vérité est en
beaucoup de choses, dans ce cas est-ce que partout où la vérité existe faut-il confesser
qu’elle vient de Dieu? S’il est vrai que quelque chose était future et encore vrai que
quelque chose sera passée, si ces deux énonciations ne peuvent être pensées et ne peuvent
être vraies sans la vérité, il est impossible de penser que la vérité ait un principe ou une
fin.
Anselme donne cette définition : « La Vérité est une droiture ou une rectitude
que
l’esprit seul peut percevoir. »
Cela se rattache à la vérité des sens. Les sens peuvent nous
tromper, en effet, par exemple à travers un prisme ou un verre coloré, un objet peut
paraître sous une autre forme ou d’une couleur différente, il n’apparaît plus ce qu’il est
vraiment. Il semble que la vérité ou la faute soit davantage dans l’opinion que dans les
sens car c’est le sens intérieur qui se trompe et non le sens extérieur. La Vérité se trouve
dans l’intellect et dans le sens mais différemment, « en effet, elle est consécutive à
l’opération de l’intellect selon que le jugement de l’intellect porte sur la chose, selon ce
qu’elle est. Exemple : un bâton intact dont une partie est dans l’eau et l’autre en dehors
semble brisé, les sens annoncent bien ici les choses autrement qu’elles ne sont. Une telle
illusion est imputable au jugement de l’âme qui discerne mal les constatations des sens.
On ne peut
retirer la vérité du corps puisque cette dernière a quelque chose à voir dans
les sens.
Une fois que le mot « droiture » est mis en place, le schéma est le même en ce qui
concerne l’opinion, la volonté ou l’action qui fonctionnent de la même manière, il y a en
elles l’acte de dire, elles ouvrent la parole, on n’y trouve pas d’énoncé EN SOI mais le
3
tout est en fonction de la RELATION, c’est déjà diriger quelqu’un vers quelque chose.
L’acte de dire est en lui-même porteur d’une référence à autre chose.
Le vrai est double car l’expérience humaine est double, même dans le cas d’une action
droite, il y a une distance entre le geste et l’intention qui le précède.
Pour Anselme, l’énoncé vrai comme tel renvoi à la Vérité de Dieu. L’énoncé ne peut être
vrai que si on reconnaît qu’une chose est possible parce que Dieu EST. Il y a en tout une
recherche de vérité mais aussi de cohérence. Ainsi la droiture n’est pas enfermée dans
l’énoncé, elle est reçue de Dieu. Quand je dis : je fais ce que je dois parce que JE DOIS,
le « je dois » me renvoie à : il y a Dieu qui m’incite à faire cela ainsi, sans raison, parce
qu’il le veut ainsi. Donc, il y a un rapport direct de la vérité à Dieu et vice versa. Là où il
y a de la vérité, c’est indicateur de la source de cette vérité qui n’est pas uniquement dans
l’énonciation, les opinions etc.
En parlant du dialogue, il est structuré en fonction d’un rapport de droiture, il est «
l’illustration EN ACTE de la RECTITUDE ». On dialogue ensemble en se recevant l’un
l’autre dans la vérité.
Au chapitre VII,
point problématique sur l’essence des choses, le verbe « être » a toute
son importance. Ici le raisonnement d’Anselme ramène de nouveau vérité avec droiture et
« (démontre) que les choses ont deux «lieux» d’être :
en
elles-mêmes et
dans
le verbe de
l’essence suréminente,
selon
et
vers
lequel elles ont été créées ». Sans droiture, pas
d’énoncé vrai. Les créatures sont EN Dieu mais aussi DE Dieu qui « pose le monde dans
sa toute-puissance, nous baignons dans la Vérité si on laisse les choses être ce qu’elles
sont ». Donc Dieu est pensé ici comme un espace vide dans lequel baignent toutes les
créatures qui de ce fait n’ont aucun problème. Mais si, grâce à leur LIBERTÉ, les
humains sortent de ce cadre, les problèmes « peuvent » apparaître, la liberté serait dans ce
cas cause du mal.
Le dieu grec est tout sauf tout-puissant. En Dieu, tout devrait être bien. Une référence
ici :
Dieu sans puissance, d’Aristote à Plotin.
( auteur? ) La thématique de la toute-
puissance est une condition chez Anselme, dans le monde monastique, la toute-puissance
de Dieu n’est pas problématique car elle n’entraîne pas la diminution de la qualité
d’ÊTRE.
Quelques mots sur Thomas d’Aquin dont nous verrons deux textes.
Le De veritate est la
première question, disputée par Thomas, qui nous est restée. La somme théologique avec
la question 16 est un ouvrage écrit en Italie par Thomas d’Aquin
dans la deuxième
moitié du XIIIe siècle. Dans un commentaire des sentences écrit par Pierre Lombart, on
retrouve, à la question 19, dans un recueil d’écrits des Pères de l’Église, la première
discussion
de Thomas d’Aquin sur « de la Vérité » .
La somme contre les Gentils a été
écrite pour lui-même au début des années 60 du XIIIe siècle, il n’a pas développé ce livre
I à propos de Dieu.
Les questions disputées ce sont des exercices qui s’adressent au public qui vient d’un peu
partout, ils sont formés de questions ouvertes avec un sujet annoncé, ex : on débat de la
Vérité…dans l’article I nous trouvons une série d’objections.
La somme théologique est une commande, faite à Thomas, d’un chapitre de l’Ordre. Il
s’agissait d’écrire un manuel à l’intention des étudiants qui ne pouvaient être acceptés à
l’Université pour des raisons soit d’ordre intellectuel soit par manque de ressources
pécuniaires. Cette Somme théologique n’est pas un texte universitaire mais elle
4
permettait d’apprendre à prêcher et à confesser. Elle n’a pas circulé dans les universités
avant le XVe siècle. Thomas d’Aquin était très controversé,
la Sorbonne le mettait « à
l’index ».
La vérité est transcendantale car elle est reliée à l’ÊTRE
MÊME. Dans le Thomas
d’Aquin, cet énoncé n’est pas si tranché, il y a un problème structurel. Les questions 3 à
13 traitent des attributs de Dieu qui est bon, un, saint, éternel, immuable…donc nous
trouvons là une
réponse à comment on parle de Dieu et comment on peut penser Dieu.
Dans ces questions là le transcendantal fondamental est le BIEN mais du transcendantal
le VRAI, Thomas n’en traite que dans la question 13, le vrai ne fait pas partie de la
substance divine. Au prologue de la question 14 sur la science de Dieu, après
l’énumération des attributs de Dieu, il reste à envisager ce qui concerne ses actes propres
et ses
opérations qui sont de deux espèces, les unes qui demeurent dans le sujet opérant
et les autres s’étendant à l’extérieur qui répondent de la volonté et de la science. En effet,
savoir est dans l’être qui sait et vouloir dans l’être veut.
Les opérations de Dieu en lui-même, il
pense
, il
veut
et après il
fait
. Sa puissance est
repoussée plus loin, pour Thomas elle découle de ce que Dieu a pensé et a voulu. La
science c’est bien mais la vie la transcende. Dieu pense comme un vivant qui veut aimer
faire miséricorde, aimer faire justice et être providence. Dieu pense un monde organisé et
il le pense en fonction de la vérité. On traite de la science de Dieu, de l’effet de son agir
qui crée un monde organisé dans lequel les humains puissent être aussi heureux que lui.
Quand on parle de la science de Dieu, ce n’est pas une question d’épistémologie qui est
en jeu. La question de la vérité apparaît comme liée à une oeuvre de Dieu, l’effet d’un
agir de Dieu.
Est-ce que la vérité est un transcendantal comme les autres? Oui pour Thomas mais il y a
un bémol. La vérité est première c’est ce qui compte car c’est Dieu qui connaît
par ses
idées le VRAI. On a un Dieu qui pense et qui pense un monde avec des idées pour le
réaliser. En 16 art.1, il n’est pas question de Dieu qui pense comme ce l’est dans « de
véritate », et la question : « qu’est-ce que la vérité» n’est pas posée. Nous étudions un
traité sur Dieu qui pense veut puis agit et
la question 14 semble ne pas être à sa place,
elle porte sur la vérité que nous énonçons, il s’agit de «notre» rapport aux choses. À
l’article 5, Thomas fait l’équation entre Dieu et la Vérité et dans les articles 6,7 et 8 il
s’agit encore de notre rapport à la vérité.
Quelques définitions de la Vérité dans « de veritate » Q.1.1 :« La vérité est ce qui est »
(Augustin) voilà
la base et le fondement de la vérité
, on comprend que les conditions de
la vérité sont reliées à l’ÊTRE. Puis il y a le
formel de la vérité
, la perception entre la
chose et l’intellect : «La vérité est la droiture perceptible par l’intellect seul» ( Anselme )
et «la conformité de la chose et de l’intellect» ( Isaac ). Enfin, on trouve
l’effet de la
vérité
qui est manifestée à d’autres : «ce qui manifeste et proclame l’existence» ( Hilaire )
et «La vérité est ce qui permet de juger des choses inférieures» ( Augustin ). En Q.16.1
nous voyons une similitude avec les définitions ci- haut mentionnées.
À la question : La vérité est-elle dans la chose ou seulement dans l’intelligence? St
Augustin rejette les définitions : « Le vrai est ce que l’on voit » et « Le vrai est ce qui est
tel qu’il apparaît au sujet connaissant si celui-ci veut et peut le connaître.» Logique avec
sa définition du vrai qui est ce qui est, il conclut que le vrai est dans les choses.
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Ce qui est intéressant dans « la chose », c’est son rapport à une intelligence et à son
principe. La chose n’a pas de lien à la vérité ni de fondement de la vérité. Thomas dit que
la vérité est dans l’intelligence qui est son lieu propre. Dire vrai et dire «le» vrai n’a rien
à voir avec la vérité comme telle, ce qui était un «effet de la vérité» devient la vérité elle-
même. Pour Thomas d’Aquin, une chose n’est jamais un objet, elle est un étant en rapport
avec un étant à son intelligence et à son principe, c’est un rapport affectif, rapport avec le
bien. Dans les Soliloques, St Augustin spécifie : « Le vrai est ce qui est »; or ce qui est
n’est rien sinon l’étant; donc « vrai » signifie tout à fait la chose même que
étant.
Le
vrai est secondaire à l’être bon, le vrai et le bien sont liés c’est ce qu’on nomme la
convenance
de l’étant à l’intellect, la convenance donne légitimité aux actes, convient
d’un rapport entre les choses entre elles et les règles sont là pour que les rapports durent.
L’intellect s’est adapté à la chose et vice versa, le connaissant devient le connu et la
sensation est l’acte commun
du connaissant en tant que connaissant et du connu en tant
que connu. Un exemple de l’
adéquation
: on a une représentation en nous ( ex : un arbre )
est-ce que cette représentation est conforme à l’arbre existant en dehors de nous, l’acte du
connaissant et du connu. L’adéquation c’est entre nous en tant que pensant et nous
transformés en connu. Quant à la
conformité
, elle résulte de la convenance et les deux
s’adaptent pour être en relation. Pour Thomas, conformité et adéquation vont de pair.
La Vérité est fondée sur les choses, elle a sa place dans l’intellect non pas pour y rester
mais pour être proclamée.
Q.16.1 On appelle «bien» ce à quoi tend l’appétit, tendre vient de intendere, ce qui tend
vers, il y a un mouvement de convenance dirigé l’un vers l’autre. Pour St Thomas,
l’
intention
n’est pas un acte de raison mais en premier un acte de
désir
. À partir des XVe
et XVIe siècle en morale, l’intention sera un produit de l’intellect. En comparant le bien
et le vrai, dans ces deux cas il y a du désir ou du mouvement. Dans l’intellection c’est
l’introduction du connu dans le sujet connaissant, l’appétition est le mouvement qui
pousse vers la chose désirable et le bien est dans la chose désirable.
Comme Dieu connaît la vérité des choses, si nous nous voulons connaître les choses en
vérité que devons-nous faire, connaître les choses ou l’idée de Dieu? Au Moyen Âge,
pour pouvoir jouir de Dieu pleinement, il faut le connaître pleinement. Pour Pascal, Dieu
est caché et nous ne connaissons pas ses plans (version protestante), la version catholique
Jésus-Christ, le verbe de Dieu est venu témoigner, l’Église nous enseigne ce qu’elle en
conçoit et les chrétiens s’inclinent, en général. Dieu est l’architecte qui offre un monde à
connaître pour en être comblé et en jouir. Pour Thomas, Dieu est bon et est la cause de la
bonté. La toute- puissance prend la place et, la chose est bonne parce que un Dieu tout
puissant l’a faite et non à cause de la bonté de Dieu.
La science médiévale n’est pas liée à un geste de puissance mais plutôt à la
contemplation, en voyant ce qui est, plus je le connais plus je l’apprécie et en jouis et je
peux en rendre grâce davantage. La mathématisation de la science et son passage vers la
physique va lier à la puissance, on le voit chez Descartes, chez Galilée et Copernic, il
s’agit de SAVOIR quelque chose pour pouvoir faire quelque chose avec. En science ou
en art, quand nous sommes les «producteurs» nous connaissons la vérité de notre produit,
le scientifique est l’artisan qui produit POUR LES AUTRES, et non pour lui. Nous
sommes dans l’ordre du service et ce geste est tendu vers une morale. Les choses se
voient attribuer leur vérité selon que nous les jugeons conformes à la conception de
l’intellect
de Dieu leur principe et créateur, ainsi la vérité est principalement dans
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l’intelligence et après dans les choses. Nous pouvons affirmer qu’une chose est vraie
seulement si on la rapporte au Dieu créateur, donc penser une chose c’est la penser en
fonction de Dieu et si celui-ci n’existait pas, il n’y aurait aucune vérité, le monde serait
absurde il serait là sans raison et pour l’éternité. Il ne s’agit pas d’un rapport entre
connaissant et une chose connue au niveau humain mais bien un rapport qui doit
avoir,
pour ce que l’être humain ne fait pas, un rapport avec l’intelligence de Dieu, penser une
chose c’est toujours la penser dans son rapport à Dieu. On ne pense jamais la chose pour
elle-même, on ne peut dire par exemple : voici la pierre pour la pierre, oui elle est
«pierre»
mais PAR Dieu et pour l’utiliser; le «faire» est relié à «l’action».
L’article 2 : Y a-t-il vraiment conformité de la chose et de l’intelligence? Entre le «cela
est» et le «cela était» il semble y avoir une division, une sorte de manque. Thomas se
demande : qu’est-ce que je connais VRAIMENT? Savoir que je sais implique la
réflexibilité
sur nous : prendre conscience de la connaissance vraie. Par exemple, le
toucher est important, les sens sont inclus dans le fait de connaître. Plus nous connaissons
en profondeur plus nous connaissons la vérité.
À l’article 5, Dieu est l’acte pur, il s’aime aimant, Dieu est le SUJET de la vérité et jouit
éternellement d’être SOI. Dieu ne peut jamais être un objet pour nous.
Les vices opposés à la Vérité, nous les parcourons brièvement.
*Le mensonge qui est un énoncé faux et que l’on veut faux dans le but de tromper
quelqu’un soit pour lui nuire ou par plaisir ou encore tromper pour aider. On constate
aisément qu’au point de vue «moral», il y a des mensonges plus pernicieux que d’autres
et certains sont presque «acte de charité».
*L’hypocrisie ou la simulation, c’est faire quelque chose pour tromper, créer une
situation qui fait croire autre chose ou en disproportion avec le vrai.
*L’ironie c’est dire vrai mais un peu en deçà. Il y a dans l’ironie un peu de perversion.
*La jactance qui est gonfler le vrai à propos de soi. C’est insister sur la vérité de façon
inappropriée. St Grégoire met la jactance dans les catégories de l’orgueil.
Après avoir fait le tour des vices contre la vérité on constate que le dénominateur
commun de la vérité, c’est un verbe cher à Thomas : CONVERSER. C’est « l’être
ensemble », faire communauté pour se parler et pour se croire, se « fidéliser » les uns aux
autres. Dire la vérité, c’est parler à autrui de façon à être crédible, c’est là une vertu
morale qu’on peut nommer l’authenticité.
Quelques questions :1. La vérité ne se pose pas premièrement par opposition au faux, elle
se pose en terme de qui produit la vérité quand et de quelle manière et où; le faux vient
après une fois la vérité bien assise, bien établie. Depuis Descartes, penser c’est faire le tri
entre ce qui est vrai et faux dans des situations qui nous portent au scepticisme ou au
doute et où nous trouvons une situation de pouvoir. Ceci est très secondaire chez
Anselme.
2. La structure communicationnelle impliquée dans la pensée de la vérité : dans faire la
vérité et se tenir dans la vérité on est dans l’ordre du «faire» d’une action qui s’oriente
vers l’intersubjectivité et un essai de comprendre ce que c’est que d’être au monde donc
être parmi d’autres êtres envers lesquels mon rapport est de CONNAÎTRE. Être avec
c’est être connaissant avec, c’est être reconnaissant avec.
3. Ce n’est jamais un rapport horizontal entre un connaissant et une chose connue, ce que
je connais c’est ce que je désire, ce n’est pas un rapport objectif (Thomas). Nous trouvons
7
dans la question 16 que l’intellect est débordé par la volonté et vice versa, de la même
manière le vrai déborde le bien et le bien déborde le vrai. C’est une insertion mutuelle qui
montre que l’expérience implique les deux éléments. On retrouve ces explications dans le
ch.8 qui ouvre le thème de la liberté. Il y a aussi toujours un rapport vertical avec Dieu, le
terme est peut-être trop fort mais il y a toujours du divin à travers tous ces éléments. Si on
ôte Dieu, est-ce que les choses peuvent encore «convenir» est-ce qu’elles conviendraient
pour être ensemble? La philosophie occidentale avance que sans Dieu les choses et les
gens ne se conviennent pas et il s’agit de les adapter par des jeux de pouvoir.
La question de la vérité en est une de politique c’est vivre ensemble dans un monde qui
n’est pas notre monde.
Quelques interrogations et constatations suivent.
Q. Anselme a appuyé ses écrits sur les textes bibliques et les psaumes
et Thomas, quelles
sont ses sources? R. Elles sont les mêmes pour Thomas, il se sert du Ps 33 et aussi de
Proverbe 8,7 « Ma bouche méditera la vérité, mes lèvres maudiront l’impie». Ses sources
sont très Johanniques.
Q. Si on fonde la vérité sur l’existence de Dieu et que l’existence de Dieu est une
évidence, pourquoi ne pas fonder la vérité sur l’humain? R. Mais Dieu n’est PAS une
évidence. Depuis Descartes, l’évidence a pris beaucoup de place. Le rapport entre vérité
et évidence n’existe pas. On ne fonde pas la vérité sur l’existence de Dieu mais bien sur
le fait que Dieu soit créateur et Dieu peut être connu comme créateur même sans la foi.
On peut utiliser un discours qui signale Dieu existant sans avoir recours aux Écritures.
Q. Une personne qui se dirait athée est-ce qu’elle n’aurait jamais accès à LA vérité dont
on parle mais elle n’aurait accès qu’à des diverses vérités ou à des évidences ? R. Elle
pourrait avoir accès à la vérité, mais sans la nommer « vérité » comme l’entend Thomas
ou Anselme, en autant que la personne soit capable d’articuler une prise de conscience
sur son savoir, ses limites et les conditions du connaître, elle n’appellera pas cela Dieu
père de Jésus-Christ ou tout autre terme proprement religieux. Le témoignage de certains
post-modernes en fait foi. Par exemple dans
La création du monde
, Jean-Luc Nancy
arrive à nommer beaucoup de choses qu’un théologien du Moyen-Âge aurait appelées
Dieu.
Une réflexion : Le concept s’élargit! La vérité n’est pas immuable mais elle bouge ce qui
nous maintient dans une certaine insécurité. L’inconnu fait peur, plus nous connaissons la
chose plus nous nous sentons sécurisés. La chose DOIT changer et nous, nous devons
nous y adapter. Chez les Grecs, la vérité est stable ce qui est rassurant mais non réaliste
car nous sommes dans un monde en mutation.
La rencontre se termine à 16h30 avec quelques recommandations au sujet des arguments
à
produire et un feed-back sur la conduite du séminaire.
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