L ordre du rituel et l ordre des choses : l entrée royale d Henri II à Rouen - article ; n°2 ; vol.56, pg 479-505
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L'ordre du rituel et l'ordre des choses : l'entrée royale d'Henri II à Rouen - article ; n°2 ; vol.56, pg 479-505

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Annales. Histoire, Sciences Sociales - Année 2001 - Volume 56 - Numéro 2 - Pages 479-505
L'ordre du rituel et l'ordre des choses : l'entrée royale d'Henri II à Rouen (M. Wintroub). En 1550, Henri II fit son entrée royale dans la ville de Rouen. Dans le cadre de cette entrée, qui comprenait la participation d'une cinquantaine d'authentiques Brésiliens, les Rouennais construisirent l'exacte réplique d'un village brésilien. L'article explore le contexte culturel et social dans lequel cette entrée fut écrite et jouée. Il se focalise, en particulier, sur le lien entre la représentation du Brésil et les pratiques qui animaient les cabinets de curiosités. Il montre également que les collections, les entrées royales et les pratiques de rhétorique peuvent être comprises sous l'angle de stratégies de distinctions sociales et d'auto-définition propres à l'ascendance d'une nouvelle élite urbaine en France.
The Order of Ritual and the Order of Things: Henri II's Royal Entry in Rouen. As part of the celebrations that accompanied Henri II's royal entry into Rouen, an exact reproduction of a Brazilian village (including fifty Brazilian cannibals) was created. This article explores the social and cultural contexts within which the royal entry was written and enacted. In particular, it focuses on the relationship between the entry's representation of Brazil and contemporaneous practices of collecting and display. It will argue that cabinets of curiosity, royal entry festivals and rhetorical practices were all linked to common epistemological strategies of distinction and s elf- definition related to the ascendancy of new urban elites in France.
27 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2001
Nombre de lectures 91
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Michael Wintroub
L'ordre du rituel et l'ordre des choses : l'entrée royale d'Henri II à
Rouen
In: Annales. Histoire, Sciences Sociales. 56e année, N. 2, 2001. pp. 479-505.
Résumé
L'ordre du rituel et l'ordre des choses : l'entrée royale d'Henri II à Rouen (M. Wintroub).
En 1550, Henri II fit son entrée royale dans la ville de Rouen. Dans le cadre de cette entrée, qui comprenait la participation d'une
cinquantaine d'authentiques Brésiliens, les Rouennais construisirent l'exacte réplique d'un village brésilien. L'article explore le
contexte culturel et social dans lequel cette entrée fut écrite et jouée. Il se focalise, en particulier, sur le lien entre la
représentation du Brésil et les pratiques qui animaient les cabinets de curiosités. Il montre également que les collections, les
entrées royales et les pratiques de rhétorique peuvent être comprises sous l'angle de stratégies de distinctions sociales et d'auto-
définition propres à l'ascendance d'une nouvelle élite urbaine en France.
Abstract
The Order of Ritual and the Order of Things: Henri II's Royal Entry in Rouen.
As part of the celebrations that accompanied Henri II's royal entry into Rouen, an "exact" reproduction of a Brazilian village
(including fifty Brazilian cannibals) was created. This article explores the social and cultural contexts within which the royal entry
was written and enacted. In particular, it focuses on the relationship between the entry's representation of Brazil and
contemporaneous practices of collecting and display. It will argue that cabinets of curiosity, royal entry festivals and rhetorical
practices were all linked to common epistemological strategies of distinction and self- definition related to the ascendancy of new
urban elites in France.
Citer ce document / Cite this document :
Wintroub Michael. L'ordre du rituel et l'ordre des choses : l'entrée royale d'Henri II à Rouen. In: Annales. Histoire, Sciences
Sociales. 56e année, N. 2, 2001. pp. 479-505.
doi : 10.3406/ahess.2001.279958
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_2001_num_56_2_279958DU RITUEL ET L'ORDRE DES CHOSES : L'ORDRE
l'entrée royale d'Henri II à Rouen (1550)
Michael Wintroub
La saison avait été pluvieuse. Depuis l'arrivée d'Henri II au prieuré
de Bonnes-Nouvelles, le 27 septembre, une pluie battante n'avait cessé de
tomber. La fête prévue pour son entrée à Rouen avait dû être remise à plus
tard. Le roi et sa suite franchirent l'ancien pont de l'abbaye de Saint-Ouen
sans fanfare. En ce lieu, il présida les cérémonies solennelles de l'ordre
des Chevaliers de Saint-Michel1. Quatre jours plus tard, il traversa à nouveau
le pont en sens inverse pour se diriger vers les terres du prieuré de Sainte-
Catherine de Grandmont.
L'air était limpide et calme, et un léger vent que les marins appelaient
le Levant soufflait en provenance de l'Orient. Au dire des chroniqueurs,
c'était là, sans conteste, un signe de Dieu et des étoiles, que le temps
changeât de façon aussi radicale le jour prévu pour la célébration de la
«joyeuse entrée » d'Henri II2. De façon plus terre à terre, les habitants de
Rouen étaient tout aussi désireux d'honorer et de recevoir leur roi, « non
par simulachres, ou platte peinture, ains par Г effect des choses vives &
mouvantes [...]3 ». À midi ils étaient prêts à l'accueillir.
Henri II trouva son trône dans une galerie élevée sur des colonnes
ioniques et décorées avec son emblème : une lune croissante. Du haut de
son siège, il regardait sa ville parader devant lui, le clergé en tête, suivi
des dignitaires royaux et municipaux, des négociants, des avocats et des
1. Anonyme, C'est la deduction du Somptueux ordre, plaisantz spectacles et magnifiques
theatres dresses et exhibes, par les citoiens de Rouen, ville métropolitaine du pays de
Normandie, a la Sacrée Majesté du très Christien Roy de France Henry second leur soverain
seigneur, et a très illustre Dame, Ma Dame, Katherine de Medicis, La Royne son espouse,
lors de leur triumphant, joyeulx et nouvel advenement en icelle ville, qui fut es jours de
mercredy et jeudy premier et second jour d'octobre, Mil cinq cens cinquante, Rouen, Robert
Le Hoy-Robert et Jehan dictz DuGord, 1551, fol. Bii (r).
2. Ibid., fol. Mii (r).
3.fol. Diii (r).
479
Annales HSS, mars-avril 2001, n° 2, pp. 479-505. LA ROYAUTÉ FRANÇAISE
commerçants. C'était là une vivante taxinomie des gens de la cité, une
chaîne humaine dont l'extrémité était scellée par une démonstration de
force : les juges vêtus d'écarlate suivis par trois cents archers, quinze cents
soldats portant l'emblème du roi, un groupe de « gladiateurs romains »
simulant une bataille avec des épées tenues à deux mains ainsi qu'un
régiment de cinquante chevaliers de Normandie des plus estimés, dont les
exploits, accomplis lors des conquêtes des « forts & opulentz » royaumes
de Naples, de Sicile et d'Angleterre, avaient été immortalisés à la fois par
les chroniqueurs et les historiens4.
Leur passage indiquait le début de la seconde phase des festivités : une
entrée triomphale calquée sur celles des anciens empereurs romains. Che
vaux ailés, licornes et éléphants ; prisonniers enchaînés, chars et Turcs, ce
triomphe défila devant le roi. Tout d'abord le char de la Gloire traînant la
Mort enchaînée. Ensuite Vespa, la déesse de la religion. Puis Fortune, en
équilibre sur une roue d'argent et tenant une couronne impériale en or au-
dessus de la tête d'un acteur qui figurait le roi. Et enfin, ce fut au souverain
d'attirer l'attention de tous les regards. Il descendit de son trône et, avec
sa suite, parcourut les rues de Rouen. Au milieu des couleurs brillantes que
revêtaient les princes de sang, Henri II apparut devant la foule réunie sur
la prairie dans une tenue simple, en velours noir, rehaussée de motifs en
argent, et paré de bijoux. Il se dirigea vers la Seine.
De tous les lieux que vit Henri au long de son itinéraire dans et autour
de Rouen, aucun n'égala celui qu'il découvrit sur les rives de la Seine juste
à l'extérieur des murs de la ville, à hauteur du faubourg Saint-Sever. Depuis
l'estrade spécialement construite pour lui offrir une vue étendue, son regard
pouvait embrasser à la fois l'Ancien et le Nouveau Monde, puisque, devant
lui, sur une petite bande de terre de deux centsv pas de long et de trente-
cinq de large, se trouvait un village brésilien5. À chaque extrémité du pré
se dressaient des demeures bâties à l'aide de troncs grossièrement équarris,
couvertes d'un toit composé de rameaux feuillus et entourées de pieux
pointus. « Des genestz, genieures, buys, & leurs semblables, entreplantez
de taillis espes », avaient été peints en rouge pour ressembler à des arbres
du Brésil. « Des perroquetz, esteliers, & moysons de plaisantes & diverses
couleurs volletoient & gazoulloient dans les branches et des guennonez
marmotes et sagouyns grimpaient. » Le village n'avait pas de nom, mais
trois cents personnes l'habitaient — hommes et femmes — - tous entièrement
nus : « sans aucunement couvrir la partie que nature commande6 ». Cin
quante étaient d'authentiques « sauvages » amenés du Brésil par un mar
chand bourgeois de Rouen. Leurs joues, lèvres et oreilles étaient percées
et ornées de longues pierres polies de couleur blanche ou d'un vert éme-
raude. Les autres étaient des marins normands qui jouaient aux sauvages.
4. Ibid., fol. Diii (r).
5.fol. Kiii (v).-Kiv (r).
6. La présence de femmes autant que d'hommes est attestée dans L'Entrée du Roy nostre
sire faict en sa ville de Rouen, Rouen, Robert Masselin, 1550, fol. Biii (v), réimprimé par
A. Beaucousin, Rouen, Société des Bibliophiles Normands, 1882.
480 M. WINTROUB HENRI II A ROUEN
On assura le roi que leur portrait était tout à fait authentique, car non
seulement ces hommes avaient sillonné les terres du Brésil, mais ils avaient
également appris à parler la langue des natifs et avaient adopté leurs mœurs
avec une telle acuité qu'on ne pouvait plus les «distinguer» des vrais
sauvages7.
Fasciné, le roi observait les «Brésiliens » tirer à l'arc des oiseaux, se
reposer à

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