La généralisation de l insécurité salariale en Amérique  - article ; n°1 ; vol.115, pg 65-79
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Actes de la recherche en sciences sociales - Année 1996 - Volume 115 - Numéro 1 - Pages 65-79
La généralisation de l'insécurité salariale en Amérique.
Durant la décennie passée, les licenciements de masse sont devenus un instrument privilégié de gestion financière à court terme des entreprises américaines de sorte que les classes moyennes et managériales étatsuniennes ont fait l'amère découverte de l'insécurité de l'emploi en plein regain de croissance. A partir d'une vaste enquête du New York Times publiée sous forme de reportages puis d'un livre à succès, cet article décrit la mise en place de la thématique du downsizing, vocable nouveau issu de l'industrie automobile qui désigne et masque à la fois la remise en cause du pacte social paternaliste qui protégeait jusqu'à récemment les employés des grandes firmes ainsi que les dispositifs bureaucratiques et symboliques sur lesquels s'appuit la normalisation forcée de la précarité salariale. Car le retour de la prospérité aux Etats-Unis s'est bâti sur une dégradation spectaculaire des termes et des conditions d'emploi : durant les quinze dernières années, trois Américains sur quatre ont connu ou frôlé le licenciement ; 41 % des personnels « dégraissés » n'étaient pas couverts par l'assurance-chômage et les deux tiers de ceux qui ont retrouvé du travail ont dû accepter un poste moins rémunéré. Aujourd'hui 82 % des Américains se déclarent prêts, pour sauvegarder leur emploi, à allonger leurs horaires, 71 % accepteraient d'amputer leurs congés, 53 % de réduire leurs avantages sociaux et 44% leur salaire. L'absence d'action collective face à la prolifération des débauchages commandés par les maneuvres boursières s'explique pour partie par la prégnance de l'ethos de l'individualisme méritocratique qui veut que chaque salarié soit seul responsable de son destin. Mais l'anxiété des classes moyennes étatsuniennes exprime bien plus qu'une simple « démocratisation » de l'insécurité socioéconomique. Elle traduit une crise structurale du mode de reproduction sociale qui touche avec une force particulière les occupants des zones intermédiaires de l'espace social. Faute d'un langage capable de donner une signification collective à la poussière des déboires et des désillusions individuels, la frustration suscitée par le dérèglement des stratégies de reproduction des classes moyennes américaines se retourne d'un côté contre l'Etat et de l'autre contre les catégories « déméritantes » ou soupçonnées de bénéficier d'avantages indus, Noirs, femmes, et pauvres jetés en pâture au pays afin d'exorciser la peur montante de la chute sociale.
Generelle Ausbreitung der Lohnunsicherheit in den Vereinigten Staaten.
Massenentlassungen waren während des letzten Jahrzehnt das bevorzugte Instrument der Wirtschaftsabteilungen amerikanischer Unternehmen, und die Mittel- und. Managerklassen der Vereinigten Staaten sahen sich bei hohen Wachstumsraten unvermittelt mit der bitteren Erfahrung der Unsicherheit des Arbeitsplatzes konfrontiert. Auf der Grundlage einer breiten, zunächst in Reportagenform, sodann als Bestseller veröffentlichten Untersuchung der New York Times verfolgt der Artikel die Entstehung der Frage des «clownsizing», eine neue, aus der Automobilindustrie stammende Vokabel, die die Infragestellung des paternalistischen sozialen Pakts, der die Angestellten großer Firmen bis vor kurzem noch geschützt hatte, und die bürokratischen und symbolischen Vorkehrungen, auf denen die erzwungene Normalisierung sozialer Präkaritat beruht, zugleich bezeiehnet und kaschiert. Denn die Ruckkehr zum Wohl stand wurde in den Vereinigten Staaten durch eine spektakuläre Verschlechterung der Beschäftigungsumstände und -bedingungen erkauft : 75 % der Amerikaner haben in den letzten 15 Jahren eine Entlassung erfahren müssen oder sind nur knapp daran vorbeigekommen, nur 41 % des « abgespeckten » Personals verfügten über eine Arbeitslosen-Versicherung, und zwei Drittel derer, die erneut Arbeit bekamen, hatten sich mit einer schlechter bezahlten Stelle abzufin-den. 82% der Amerikaner sind zur Erhaltung ihres Arbeitsplatzes heute bereit, langer zu arbeiten, 71 % wären mit einer Kürzung ihres Urlaubs, 53% mit einer Minderung der Sozialleistungen und 44 % mit einer Lohneinbuße einverstanden. Das Fehlen kollektiver Aktionen angesichts der Ausbreitung dieser vor allem durch Börsenmanöver verursachten Entlassungen ist zum Teil aus dem auf die Spitze getriebenen individuellen Verdienstethos zu erklären, demzufolge jeder Lohn-empfänger zunächst einmal selbst der Schmied seines Glückes ist. Aber die Angst der amerikaniscben Mittelklassen bringt sehr viel mehr als eine bloße « Demokratisierung » sozialökonomischer Unsicherheit zum Ausdruck. Sie bezeugt die strukturelle Krise der sozialen Reproduktionweise, von der besonders stark die Inhaber der Übergangszonen des sozialen Raums betroffen sind. Bei Abwesenheit einer Sprache, geeignet, der individuellen Sorge und Desillusion in dieser ihrer Zersplitterung kollektiven Sinn zu geben, ist die durch die Regelauflösung der Reproduktionsstrategien amerikanischer Mittelklassen geweckte Frustration einerseits gegen den Staat, andererseits gegen bestimmte Gruppen der Gesellschaft gerichtet, denen keine sozialen Verdienste zuerkannt und die verdächtigt werden, ungerechtfertigt Leistungen zu beziehen, namentlich Schwarze, Frauen und arme Leute, dem Land zum Futter hingeworfen, uni die wachsencle Angst vor dem sozialen Abstieg vergessen zu lassen.
The downside of America.
As American corporations came to utilize mass layoffs as a prime instrument of short-term financial management over the past decade, the US middle classes have made the bitter discovery of insecurity in the midst of renewed economic growth. Drawing on an extensive study by the New York Times published as a series of reports and later as a best-selling book, this article recounts the rise of the thematics of downsizing, a new terni originating in the automobile industry which simultaneously designates and obfuscates the overturning of the paternalistic social contract that used to protect the employees of large firms as well as the bureaucratic and symbolic devices which effect the forced normalization of wage-labor precariousness. The return to prosperity in the United States has indeed been built on a spectacular deterioration of the terms and conditions of employment : in the past fifteen years, three Americans in four have personnally experienced or been indirectly affected by a layoff ; 41 % of the downsized were not covered by unemployment insurance and two thirds of those who have found jobs since have had to settle for positions that pay less. Today 82 % of Americans are willing to increase their work hours to hold on to their job, 71 % would accept to cut their vacation, 53 % to trim their benefits, and 44 % to reduce their wages. The absence of collective action in response to the proliferation of layoffs triggered by stock market maneuvers can be explained in part by the pervasive influence of the ethos of meritocratic individualism according to which every wage earner is ultimately responsible for his or her own destiny. However the anxiety of the American middle classes is not merely an expression of the « democratization » of socioeconomic insecurity. It betrays a structural crisis of the mode of social reproduction that particulaiiy impacts the occupants of the intermediary zones of social space. For lack of a language capable of endowing scattered experiences of disappointment and disabusement with collective meaning, the frustration generated by the disruption of the strategies of reproduction of the American middle classes lias been diverted, on the one side, onto the State and, on the other, onto the categories deemed « undeserving » or unduly protected, blacks, women, and the poor, whose castigation serves to exorcise the growing fear of downward mobility.
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 92
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Monsieur Loïc J. D. Wacquant
La généralisation de l'insécurité salariale en Amérique
In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 115, décembre 1996. Les nouvelles formes de domination dans
le travail (2). pp. 65-79.
Citer ce document / Cite this document :
Wacquant Loïc J. D. La généralisation de l'insécurité salariale en Amérique . In: Actes de la recherche en sciences sociales.
Vol. 115, décembre 1996. Les nouvelles formes de domination dans le travail (2). pp. 65-79.
doi : 10.3406/arss.1996.3205
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1996_num_115_1_3205Résumé
La généralisation de l'insécurité salariale en Amérique.
Durant la décennie passée, les licenciements de masse sont devenus un instrument privilégié de
gestion financière à court terme des entreprises américaines de sorte que les classes moyennes et
managériales étatsuniennes ont fait l'amère découverte de l'insécurité de l'emploi en plein regain de
croissance. A partir d'une vaste enquête du New York Times publiée sous forme de reportages puis
d'un livre à succès, cet article décrit la mise en place de la thématique du "downsizing", vocable
nouveau issu de l'industrie automobile qui désigne et masque à la fois la remise en cause du pacte
social paternaliste qui protégeait jusqu'à récemment les employés des grandes firmes ainsi que les
dispositifs bureaucratiques et symboliques sur lesquels s'appuit la normalisation forcée de la précarité
salariale. Car le retour de la prospérité aux Etats-Unis s'est bâti sur une dégradation spectaculaire des
termes et des conditions d'emploi : durant les quinze dernières années, trois Américains sur quatre ont
connu ou frôlé le licenciement ; 41 % des personnels « dégraissés » n'étaient pas couverts par
l'assurance-chômage et les deux tiers de ceux qui ont retrouvé du travail ont dû accepter un poste
moins rémunéré. Aujourd'hui 82 % des Américains se déclarent prêts, pour sauvegarder leur emploi, à
allonger leurs horaires, 71 % accepteraient d'amputer leurs congés, 53 % de réduire leurs avantages
sociaux et 44% leur salaire. L'absence d'action collective face à la prolifération des débauchages
commandés par les maneuvres boursières s'explique pour partie par la prégnance de l'ethos de
l'individualisme méritocratique qui veut que chaque salarié soit seul responsable de son destin. Mais
l'anxiété des classes moyennes étatsuniennes exprime bien plus qu'une simple « démocratisation » de
l'insécurité socioéconomique. Elle traduit une crise structurale du mode de reproduction sociale qui
touche avec une force particulière les occupants des zones intermédiaires de l'espace social. Faute
d'un langage capable de donner une signification collective à la poussière des déboires et des
désillusions individuels, la frustration suscitée par le dérèglement des stratégies de reproduction des
classes moyennes américaines se retourne d'un côté contre l'Etat et de l'autre contre les catégories «
déméritantes » ou soupçonnées de bénéficier d'avantages indus, Noirs, femmes, et pauvres jetés en
pâture au pays afin d'exorciser la peur montante de la chute sociale.
Zusammenfassung
Generelle Ausbreitung der Lohnunsicherheit in den Vereinigten Staaten.
Massenentlassungen waren während des letzten Jahrzehnt das bevorzugte Instrument der
Wirtschaftsabteilungen amerikanischer Unternehmen, und die Mittel- und. Managerklassen der
Vereinigten Staaten sahen sich bei hohen Wachstumsraten unvermittelt mit der bitteren Erfahrung der
Unsicherheit des Arbeitsplatzes konfrontiert. Auf der Grundlage einer breiten, zunächst in
Reportagenform, sodann als Bestseller veröffentlichten Untersuchung der New York Times verfolgt der
Artikel die Entstehung der Frage des «clownsizing», eine neue, aus der Automobilindustrie stammende
Vokabel, die die Infragestellung des paternalistischen sozialen Pakts, der die Angestellten großer
Firmen bis vor kurzem noch geschützt hatte, und die bürokratischen und symbolischen Vorkehrungen,
auf denen die erzwungene Normalisierung sozialer Präkaritat beruht, zugleich bezeiehnet und
kaschiert. Denn die Ruckkehr zum Wohl stand wurde in den Vereinigten Staaten durch eine
spektakuläre Verschlechterung der Beschäftigungsumstände und -bedingungen erkauft : 75 % der
Amerikaner haben in den letzten 15 Jahren eine Entlassung erfahren müssen oder sind nur knapp
daran vorbeigekommen, nur 41 % des « abgespeckten » Personals verfügten über eine Arbeitslosen-
Versicherung, und zwei Drittel derer, die erneut Arbeit bekamen, hatten sich mit einer schlechter
bezahlten Stelle abzufin-den. 82% der Amerikaner sind zur Erhaltung ihres Arbeitsplatzes heute bereit,
langer zu arbeiten, 71 % wären mit einer Kürzung ihres Urlaubs, 53% mit einer Minderung der
Sozialleistungen und 44 % mit einer Lohneinbuße einverstanden. Das Fehlen kollektiver Aktionen
angesichts der Ausbreitung dieser vor allem durch Börsenmanöver verursachten Entlassungen ist zum
Teil aus dem auf die Spitze getriebenen individuellen Verdienstethos zu erklären, demzufolge jeder
Lohn-empfänger zunächst einmal selbst der Schmied seines Glückes ist. Aber die Angst der
amerikaniscben Mittelklassen bringt sehr viel mehr als eine bloße « Demokratisierung »
sozialökonomischer Unsicherheit zum Ausdruck. Sie bezeugt die strukturelle Krise der sozialen
Reproduktionweise, von der besonders stark die Inhaber der Übergangszonen des sozialen Raums
betroffen sind. Bei Abwesenheit einer Sprache, geeignet, der individuellen Sorge und Desillusion indieser ihrer Zersplitterung kollektiven Sinn zu geben, ist die durch die Regelauflösung der
Reproduktionsstrategien amerikanischer Mittelklassen geweckte Frustration einerseits gegen den Staat,
andererseits gegen bestimmte Gruppen der Gesellschaft gerichtet, denen keine sozialen Verdienste
zuerkannt und die verdächtigt werden, ungerechtfertigt Leistungen zu beziehen, namentlich Schwarze,
Frauen und arme Leute, dem Land zum Futter hingeworfen, uni die wachsencle Angst vor dem sozialen
Abstieg vergessen zu lassen.
Abstract
The downside of America.
As American corporations came to utilize mass layoffs as a prime instrument of short-term financial
management over the past decade, the US middle classes have made the bitter discovery of insecurity
in the midst of renewed economic growth. Drawing on an extensive study by the New York Times
published as a series of reports and later as a best-selling book, this article recounts the rise of the
thematics of "downsizing", a new terni originating in the automobile industry which simultaneously
designates and obfuscates the overturning of the paternalistic social contract that used to protect the
employees of large firms as well as the bureaucratic and symbolic devices which effect the forced
normalization of wage-labor precariousness. The return to prosperity in the United States has indeed
been built on a spectacular deterioration of the terms and conditions of employment : in the past fifteen
years, three Americans in four have personnally experienced or been indirectly affected by a layoff ; 41
% of the "downsized" were not covered by unemployment insurance and two thirds of those who have
found jobs since have had to settle for positions that pay less. Today 82 % of Americans are willing to
increase their work hours to hold on to their job, 71 % would accept to cut their vacation, 53 % to trim
their benefits, and 44 % to reduce their wages. The absence of collective action in response to the
proliferation of layoffs triggered by stock market maneuvers can be explained in part by the pervasive
influence of the ethos of meritocratic individualism according to which every wage earner is
ultimately responsible for his or her own destiny. However the anxiety of the American middle classes is
not merely an expression of the « democratization » of socioeconomic insecurity. It betrays a structural
crisis of the mode of social reproduction that particulaiiy impacts the occupants of the intermediary
zones of social space. For lack of a language capable of endowing scattered experiences of
disappointment and disabusement with collective meaning, the frustration generated by the disruption of
the strategies of reproduction of the American middle classes lias been diverted, on the one side, onto
the State and, on the other, onto the categories deemed « undeserving » or unduly protected, blacks,
women, and the poor, whose castigation serves to exorcise the growing fear of downward mobility.Loïc J. D. Wacquant
LA GENERALISATION
DE L'INSÉCURITÉ SALARIALE
EN AMÉRIQUE
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