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Publié par | ANNALES_D-HISTOIRE_ECONOMIQUE_ET_SOCIALE |
Publié le | 01 janvier 2002 |
Nombre de lectures | 39 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 1 Mo |
Extrait
Jean-Marie Durand
La maîtrise de l'eau dans les régions centrales du Proche-Orient
In: Annales. Histoire, Sciences Sociales. 57e année, N. 3, 2002. pp. 561-576.
Citer ce document / Cite this document :
Durand Jean-Marie. La maîtrise de l'eau dans les régions centrales du Proche-Orient. In: Annales. Histoire, Sciences Sociales.
57e année, N. 3, 2002. pp. 561-576.
doi : 10.3406/ahess.2002.280065
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_2002_num_57_3_280065Abstract
The control of water in the central regions of the Near East.
The study focuses chiefly on the Middle-Euphrates valley in the beginning of the Second Millennium
B.C. and relies on the vast epistolary and administrative documentation found in the royal palace of
ancient Mari (Tell Hariri), consisting in roughly 20,000 cuneiform tablets (in Semitic dialect known as
"Old Babylonian "). This is the time that the last wave of the peoples then called the "Westerners' ', i.e.
the "Amorites" who came from the Country of the Sea (Amurrum, Western Syria), settled throughout the
Near East. They were people who, on the one hand ceased nomadizing, and on the other continued to
travel on the roads that are said to have crossed the Near East since time immemorial. The Mari region
is a steppe. Without irrigation drawn form the Euphrates, sedentarization is hardly possible.
Nevertheless, the documentation available reveals the precariousness and the limitations of the system
they established. It is worth noting, in this Near East often perceived too monolithically, the diversity of
soils and of traditions: next to the great hydraulic monarchies of the East (Southern Iraq), the nomads
set up locally, little by little, structures that were afterwards considerably enlarged and systematized,
when these regions were incorporated into large territorial ensembles (neo-Assyrian and then Islamic).
Résumé
L'étude porte avant tout sur la vallée du Moyen-Euphrate au début du IIe millénaire avant notre ère, et
se fonde sur la vaste documentation épistolaire et administrative retrouvée dans le palais royal de
l'antique Mari (Tell Hariri) : environ 20 000 tablettes cunéiformes (dialecte sémitique dit « vieux-
babylonien »). A cette date, par tout le Proche-Orient, vient de s'installer la dernière vague de ceux que
l'on appelait alors les « Occidentaux », c'est-à- dire les « Amorrites », venus du Pays de la Mer
(Amurrum, l'ouest de la Syrie). Il s'agit de gens qui cessent pour une part de nomadiser, pour une autre
continuent à parcourir des routes qui traversent le Proche-Orient et sont présentées comme
immémoriales. La région de Mari est steppique. Sans irrigation dérivée de l'Euphrate, une
sédentarisation n'est guère possible. La documentation est là cependant pour montrer la précarité et les
limitations du système mis en place. Il est sain de constater, dans ce Proche-Orient ressenti souvent de
façon trop monolithique, la diversité des terroirs et des traditions : face aux grandes monarchies
hydrauliques de l'Est (Sud-Irak), les nomades mettent localement et petit à petit en place des structures
qui furent ensuite considérablement agrandies et systématisées quand ces régions furent englobées
dans de grands ensembles territoriaux (néo-assyriens puis islamiques).La maîtrise de Геаи
dans les régions centrales
du Proche-Orient
Jean-Marie Durand
La présente étude n'envisage qu'une partie du vaste ensemble constitué par le
Proche-Orient. Les terroirs de cette région souvent considérée de façon monoli
thique sont en effet très divers, selon qu'ils se trouvent dans la zone de dry-farming
qui délimite ce qu'il est convenu d'appeler le « croissant fertile », ou dans l'Irak
du sud où a été instauré un système millénaire d'irrigation. La documentation n'y
est pas toujours synchrone et il serait difficile pour l'heure de présenter un tableau
évolutif pour tout ce vaste ensemble sur une longue période. En revanche, l'exploi
tation de la riche documentation épistolaire retrouvée sur le site de Mari (Syrie,
XVIIIe siècle avant J.-C.) commence à faire réapparaître toute une région jusque-là
complètement ignorée des études et pour laquelle on ne disposait que de vues
largement aprioristes. L'autre intérêt de ce corpus, outre la précision des récits (il
s'agit chaque fois de narrations portant sur des événements ponctuels ou de faible
ampleur temporelle), est de concentrer toute l'information sur une période utile
d'une trentaine d'années où l'on peut postuler une certaine cohérence climatique
et où l'on ne constate que deux grands moments successifs au cours desquels le
pouvoir a été entre les mains de gens qui en avaient une conception diamétrale
ment opposée. Dans la première, avait été élaborée une idéologie impérialiste
centralisatrice selon laquelle les pouvoirs locaux étaient à remplacer par un système
administratif qui prenait ses ordres à une seule source et réclamait l'établissement
de serments de fidélité ; dans la seconde, en revanche, on se devait de respecter
une mosaïque de pouvoirs locaux dont la « légitimité » se fondait sur l'appartenance
à une famille royale indigène, tous les chefs entretenant entre eux des rapports
hiérarchiques, souvent interprétés par les chercheurs actuels comme des liens de 561
Annales HSS, mai-juin 2002, n°3, pp. 561-576. JEAN-MARIE DURAND
« vassalité », mais reposant en fait sur une fiction d'appartenance à une seule et
même famille dont le « père » était le suzerain.
Définition du cadre ethno-politîque
Se dessine alors la région centrale du Proche-Orient: celle qui s'articule le long
du cours moyen de l'Euphrate - entre l'antique ville d'Imar (Tell Meskene) et le
site de l'actuelle Hît, aux portes du pays d'Akkad (la Babylonie) - ainsi que des
cours de ses deux grands affluents de rive gauche, le Balih et l'Euphrate; elle
comprend également toute l'actuelle Haute-Djéziré syrienne, y englobant le Sind-
jar et son piémont sud qui sont aujourd'hui irakiens.
Dans toute cette région n'existent que des États d'ampleur médiocre : outre
les deux grandes monarchies du Sud-Sindjar d'Andarig et de Kurdâ, d'étendue
certainement modeste puisque les deux capitales sont l'une pour l'autre à une
journée de marche d'un ambassadeur plénipotentiaire du roi de Mari, il existe le
royaume de Mari lui-même dont la région centrale n'était que moyennement peu
plée puisque l'on compte au plus pour ses trois provinces centrales une cinquant
aine de milliers d'habitants, ce qui explique qu'on ne la voit mobiliser, avec le
concours de ses vassaux, qu'une armée de moins de quatre mille combattants. Les
régions sises dans ce qui est aujourd'hui la zone de dry -farming syrienne sont encore
moins fortes : on y voit une poussière de petits États, peu peuplés, tributaires des
trois principaux, incapables de se fédérer durablement malgré une très grande
communauté culturelle et, surtout, de résister à la moindre des incursions de la
part des puissants États orientaux de la région, les royaumes d'Esnunna, puis
d'Élam, enfin de Babylone.
En revanche, cette partie centrale du Proche-Orient voyait les déplacements
d'importants groupes humains nomades exploitant de vastes troupeaux. Ces
nomades se divisaient en deux grandes familles, les Benjaminites et les Ben-
sim'alites. La grande différence entre eux était que les premiers avaient, à notre
connaissance, par tribu, au moins trois zones de sédentarisation où se trouvaient
des villes fortes. La première était à l'ouest, dans les royaumes d'Alep (ouest-nord)
ou de Qatna (ouest-sud), la seconde était sur l'Euphrate mariote, la troisième sur
l'amont de l'Euphrate ou le Balih. Ils circulaient d'une de ces zones à l'autre. Les
seconds, en revanche, avaient un parcours plus simple puisqu'ils allaient d'un pôle
occidental, sur la rive gauche du Balih, à un autre, oriental, situé au piémont sud
du Sindjar, ces deux pôles étant dénommés par des termes sémitiques occidentaux
qui, tous deux, Dêr et Mahanum, signifient «campement». Ils ne semblent pas
avoir eu d'autres places fortes.
Les premiers étaient commandés par des rois, assistés de « chefs de pâtures »
qui devaient certainement prendre la tête de la pa