La peste dans de Haut Moyen Âge - article ; n°6 ; vol.24, pg 1484-1510
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1969 - Volume 24 - Numéro 6 - Pages 1484-1510
27 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1969
Nombre de lectures 144
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Jacques Le Goff
Jean-Nöel Biraben
La peste dans de Haut Moyen Âge
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 24e année, N. 6, 1969. pp. 1484-1510.
Citer ce document / Cite this document :
Le Goff Jacques, Biraben Jean-Nöel. La peste dans de Haut Moyen Âge. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 24e
année, N. 6, 1969. pp. 1484-1510.
doi : 10.3406/ahess.1969.422183
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1969_num_24_6_422183Peste dans le Haut Moyen Age' La
La Peste, « ce grand personnage de l'histoire d'hier » (B. Bennassar), n'a com
mencé à livrer ses secrets historiques que pour la grande épidémie qui a commencé
en 1348. Les deux pandémies antérieures — celle de l'Antiquité, celle du Haut
Moyen Age — attendent encore au seuil de l'historiographie. Les histoires générales
du Haut Moyen Age ignorent ce grand et long événement ou le mentionnent sans
s'y attarder. Ces silences ou demi-silences ne s'expliquent pas seulement par l'igno
rance ou la paresse intellectuelle des historiens. Ils sont en partie justifiés par les
difficultés d'une information sûre. Les textes sont peu nombreux et vagues 2, l'hist
oriographie de la peste est encombrée par des études de valeur scientifique douteuse,
la chronologie et la géographie du phénomène sont malaisées à établir.
L'ambition de cet essai se borne au déblaiement de la documentation, à la fixa
tion de la chronologie certaine ou vraisemblable, à l'esquisse de l'aire géographique
de la pandémie. Les horizons problématiques seront évoqués sans être vraiment
explorés, les hypothèses destinées à cerner l'ampleur et l'importance du phénomène
seront seulement posées.
Deux remarques préliminaires. La peste du Haut Moyen Age, comme celle des
xive-xvme siècles, est « mondiale », c'est-à-dire qu'elle recouvre une partie des trois
continents à partir du foyer africain : Afrique du Nord, Asie, Europe. Notre essai,
indépendamment 1. Cet article l'une résulte de de l'autre la rencontre : celle du et docteur de la confrontation J.-N. Biraben de qui deux achève, recherches dans le entreprises cadre de
l'Institut National d'Études Démographiques, une étude globale sur la peste dans l'histoire des
populations (et les Annales le remercient d'avoir bien voulu livrer ici une partie de son enquête),
et celle de J. Le Goff qui avait étudié, dans le cadre d'un séminaire de la VIe Section de l'École
Pratique des Hautes Études, la peste du Haut Moyen Age en Occident en tant que composante de
la formation de la sensibilité médiévale.
2. Peut-on espérer que l'histoire de la peste dans le Haut Moyen Age soit un jour éclairée par
les progrès de l'archéologie, de l'anthropologie physique et de la préhistoire démographique ? Les
études faites sur les cimetières et les squelettes des époques anciennes (dont on trouvera deux échant
illons dans ce numéro des Annales) autorisent un certain espoir.
1484 LA PESTE AU MOYEN AGE J.-N. BIRABEN ET J. LE GOFF
sans méconnaître l'histoire du fléau dans l'Empire byzantin et le monde musulman,
s'attachera surtout à poser les bases d'une étude de l'épidémie dans l'Occident bar
bare qui, à cet égard aussi, apparaît solidaire du monde oriental et comme le terminus
occidental des routes maritimes de la Méditerranée x.
Une étude comme celle-ci révèle l'importance d'un phénomène capital pour la
recherche et la réflexion historiques : les silences des sources écrites. Silence d'abord
des textes qui se situent entre la fin de cette pandémie et le début de celle du xive siècle.
Pendant cinq siècles et demi au moins, le silence règne sur la peste — complet en
ce qui concerne les textes médicaux 2 — et presque complet en ce qui concerne les
textes historiques. Le phénomène ayant disparu, les hommes du Moyen Age sont
incapables de le saisir dans la dimension du passé. Cette constatation amène à
nuancer l'affirmation selon laquelle les clercs médiévaux reproduisent aveuglément
leurs lectures et les traditions 8. Quant aux sources d'époque — face à un Grégoire de
Tours bien informé et attentif — elles sont souvent muettes, alors que leurs auteurs
ont vu, sans aucun doute, le phénomène dans toute sa virulence : ainsi Isidore de
Seville, le Liber Pontificalis *. On est ici conduit à se rappeler que l'historien doit
manier avec une extrême prudence — surtout s'il s'agit de périodes reculées — l'a
rgument ex silentio. Les hommes ne voient que ce qu'ils comprennent, et ne confient
à l'écrit que ce qu'ils jugent digne de passer à la postérité.
Aperçu des conceptions médicales et épidémiologiques actuelles
sur la peste 5.
Le germe.
Découvert par Yersin en 1894, à Hong Kong, le germe de la peste, « Pasteurella
pestis », est un bacille ovoïde long de 1 à 1,5 ц, à coloration bipolaire, immobile et
1. Certains historiens de l'époque — surtout byzantins — notent le caractère mondial de l'ép
idémie. Ainsi, Victor, évêque de Tunis, qui écrit, vers 564/565, sa chronique en exil à Constantinople,
à propos de l'épidémie sub anno 542 : « Horum exordia malorum generalis orbis terrarum mortalitas
sequitur et inguinum percussione melior pars populorum voratur » (MGM, AA, XII 2, 201). Nous
remercions Mme E. Patlagean pour les précieux renseignements concernant l'aire byzantine qu'elle
nous a fournis et André Miquel pour l'amorce de recherches sur la peste dans le monde musulman
du Haut Moyen Age qu'il nous a indiquée. Pour ces deux domaines (byzantin et oriental), on trou
vera une étude plus précise et plus complète dans l'ouvrage annoncé du docteur Biraben et peut-
être dans un article complétant ultérieurement celui-ci.
2. Nous avons examiné 121 manuscrits latins médicaux du Haut Moyen Age, recensés par
Wickersheimer rxe siècle, 50 ; xe dans siècle, les 27 bibliothèques ; xie siècle, 35 de ; France xne siècle, et ainsi 3 ; nous répartis avons : cherché vne siècle, en vain, 3 ; vme dans siècle, ces textes 3 ;
publiés, une quelconque mention de la peste ou d'un signe qui puisse lui être attribué.
3. On trouve, cependant, chez quelques annalistes et historiens occidentaux des époques posté
rieures à la peste justinienne des mentions concernant cette épidémie. Mais la plupart nous ont
paru sujettes à caution et nous les avons systématiquement rejetées à l'exception des textes dont la
sûreté (au moins relative) de l'information est bien établie. C'est, pour l'OccideDt, le cas de Paul
Diacre qui a d'ailleurs connu la queue de la pandémie.
4. Dans le cas des sources écrites de l'histoire de Raverme pour le Haut Moyen Age : Spicilegium
Ravennatis historiae (Muratori, 1/2) et Liber Pontificalis seu Vitae pontificum Ravennatum d'Agnellus,
on peut se demander si le silence vient des sources contemporaines de la peste ou de coupures opérées
par les compilateurs postérieurs.
5. Nous exprimons ici toute notre reconnaissance à M. le Professeur Henri Mollaret qui a bien
voulu nous éclairer à plusieurs reprises sur ce sujet, et à Mme J. Brossollet qui nous a très aimable-
1485 MALADIES ET MORT
capsulé, aérobie et facultativement anaérobie, qui pousse en laboratoire à la tempér
ature optimale de 25°.
On en connaît trois variétés sauvages. La plus répandue actuellement, en Orient,
en Amérique et dans les ports, est dénommée « orientalis », elle est responsable de
la dernière pandémie partie de Chine à la fin du xixe siècle. Une autre, qui se trouve
en Asie centrale, est appelée « medievalis » parce qu'on croit qu'elle est à l'origine
de la grande Peste noire de 1348 et de celle des siècles suivants. Une troisième enfin,
nommée « antiqua », est installée autour des grands lacs africains d'où l'on pense
que sont venues les épidémies de l'Antiquité et du Haut Moyen Age. Ces trois
variétés sont également pathogènes pour l'homme, et elles ont une parenté génétique
avec le bacille de Malassez et Vignal dont nous parlerons ensuite. Si tous les bacilles
pesteux sont toxiques pour l'homme, cette toxicité est cependant variable d'une

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