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Publié par | DEVIANCE_ET_SOCIETE |
Publié le | 01 janvier 1987 |
Nombre de lectures | 23 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 3 Mo |
Extrait
J. M. Berlière
La professionnalisation de la police en France : un phénomène
nouveau au début du XXème siècle
In: Déviance et société. 1987 - Vol. 11 - N°1. pp. 67-104.
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Berlière J. M. La professionnalisation de la police en France : un phénomène nouveau au début du XXème siècle. In: Déviance
et société. 1987 - Vol. 11 - N°1. pp. 67-104.
doi : 10.3406/ds.1987.1499
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ds_0378-7931_1987_num_11_1_1499Résumé
C'est entre 1880 et 1914, aux débuts de la IIIème République, que l'on s'est, pour la première fois en
France, préoccupé du recrutement et de la formation de ces travailleurs bien particuliers que sont les
policiers.
Les débuts de la professionnalisation de la police qui vont de pair avec une première réflexion sur la
définition, la nature, l'organisation et les fonctions d'une police républicaine, furent essentiellement
l'oeuvre des Préfets de Police eux-mêmes qui rejoignaient ainsi les voeux du public et des policiers.
Toute insuffisante qu'elle paraisse cette « technicisation » marque néanmoins le début d'un processus
irréversible en même temps que des velléités d'autonomie des policiers vis-à-vis de ces non-
professionnels : les politiques.
Abstract
It is between 1880 and 1914, in the first years of «Third Republic» that, for the first time in France,
recruitement and training of those most particular workers, the policemen, became a matter of concern.
The first steps of police professionnalization were tied to an early consideration of the definition, the
nature, the organization and the functions of a republican police. This was mainiy achieved by the «
Préfets de Police » themselves, who thus met the expectations of both the public and the policemen.
However insufficient it they may have been, these efforts are the starting point both of a slow but
irreversible process of « technicization » of the police and of the longing for autonomy which was best
expressed in policemen's attitudes towards these « non-professionnal », the politicians.
Tussen 1880 en 1914, bij het begin van de 111° Republiek, heeft men zich voor de eerste maal in
Frankrijk bezig gehouden met de opleiding van deze gans bijzonder soort arbeiders : de politiemensen.
De inzet van de professionalisering van de politie gaat samen met een eerste bezinning over de
bepaling, de aard, de organisatie en de functies van een republikeinse politie. Zij was het werk van de
politie-prefecten zelf, die op die wijze de wensen tegemoettraden van het publiek en van de
politiemensen.
Hoe onvoldoende ook, deze « technisering » betekent niettemin het begin van een onomkeerbare gang
van zaken, ook van het streven naar autonomie van de politiemensen ten aanzien van die niet-
professionelen : de politici.
Zusammenfassung
Erst zwischen 1880 und 1914, am Anfang der dritten Republik kümmerte man sich — und zwar zum
erstenmal in Frankreich — um die Rekru- tierung und die Ausbildung jener Arbeitskräfte besonderer Art,
die man Polizisten nemmt.
Als man die Polizei zu professionalisieren begann, musste man dann auch über die Bedeutung und den
Zweck, über die Organisationsform und den Bereich einer sogenannten republikanischen Polizei
nachdenken : dafür sorgten hauptsächlich die Polizeipräfekten von Paris (Amescam, Lepine).
So ungenugend diese Technisierung damais auch sein mochte, sie sollte sich doch später zwar
langsam, aber zwangsläufig weiterentwickeln, so dass die Polizisten bald auch begannen, von den
Ausserberuflichen — beziehungsweise den Politikern — unabhàngig sein zu wollen.Déviance et Société, 1987, Vol. 11, No 1, pp. 67-104
LA PROFESSIONNALISATION DE LA POLICE
EN FRANCE:
UN PHÉNOMÈNE NOUVEAU
AU DÉBUT DU XXème SIÈCLE
J.-M. BERLIÊRE *
A diverses reprises, l'actualité a tragiquement mis en lumière la difficulté
de la /onction du policier: ses responsabilités, ses pouvoirs, ses risques... Au-delà
du débat qui oppose les tenants d'une idéologie sécuritaire toujours prêts à absou
dre les erreurs et abus des policiers au nom des risques qu'ils courent et des impér
atifs de l'ordre et de la sécurité à ceux qui posent le problème en termes de pré
vention et d'éducation, on peut noter qu'à chaque fois se pose la question de la
formation et du recrutement de ces policiers dont tout le monde s'accorde à consi
dérer qu'ils constituent une catégorie de travailleurs à part. Mais depuis quand se
préoccupe-t-on de ces problèmes, de la qualité, du recrutement, de la formation
des policiers ? De quand datent, en France, les débuts de la professionnalisation
des f
« La pratique de l'autorité est toujours une chose délicate ; elle l'est
plus encore dans un régime démocratique qui, par sa nature même, par les
satisfactions qu'il accorde aux instincts de liberté si profonds chez l'homme,
l'entraîne plus facilement hors des limites du respect nécessaire à la liberté
d'autrui. La fonction de police est presque toute entière dans la contrainte
imposée à la liberté des uns au profit de la liberté des autres...
On semble trouver naturel, alors qu'on exige un stage assez long de la
plupart des employés de l'État, même quand leur emploi comporte plus de
routine que d'initiative, de jeter d'emblée dans les fonctions de police qui
touchent à tous les intérêts matériels et moraux du pays, des hommes jeunes
dont le cerveau et la conscience n'ont été scrutés que par un examen puéril,
permettant à peine de se rendre compte de leurs connaissances premières.
Sans aucune direction effective, guidés par leur seule inspiration, ces nou
veaux magistrats devront suffire à la lutte qu'ils engagent dès le jour de leur
nomination, contre les mauvais instincts de l'humanité. Et ces nommes qui
disposeront souvent des intérêts, de la liberté, de l'honneur de leurs conci
toyens, qui sont appelés à les conseiller et à les punir, devront tout puiser
dans leur propre fond...
C'est pourquoi l'institution d'une École de Police s'impose. Un timide
essai avait été fait; il faut reprendre cette tentative en l'élargissant. Il est
vraiment étrange qu'à l'aube du XXème siècle, après 35 ans de République,
Université de Dijon.
67 en soyons encore à réclamer l'établissement d'un enseignement théorinous
que et pratique à l'usage d'hommes qui se destinent à une profession dont
la complexité n'a point d'égale »...
Ainsi s'exprimait Célestin Hennion, à la tête d'une délégation de
commissaires de police de la Sûreté Générale, devant le Ministre de l'Inté
rieur en 1906. Devenu Préfet de police et inaugurant «son» «École prati
que professionnelle des services actifs de la Préfecture de police » le 25 mai
1914, il tient à rappeler ces paroles et il ajoute :
« La police ne représente pas seulement la Force, elle représente aussi
le Droit et qui ne sent quelles garanties doivent offrir les représentants du
Droit dans la société moderne ?... Comment admettre que ceux-là même
qui seront chargés de veiller sur les droits des citoyens, de les rappeler à la
tolérance, à la justice, de les juger souvent avant les juges, comment admett
re dis-je, que ceux-là ne soient pas eux-mêmes des hommes de haute et
pure conscience ? Et comment développer en eux les idées généreuses qui
doivent les animer, sinon par un enseignement approprié au rôle qu'ils doi
vent remplir ?»
Ce texte qui pose clairement le problême de la définition d'une police
républicaine, démontre combien, au tournant des XIXème et XXème siè
cles, la question du recrutement et de la formation professionnelle des poli
ciers se pose avec acuité : pour des raisons « techniques » (la qualité profes
sionnelle de la police en dépend), des politiques (la police est le bras
séculier du pouvoir exécutif, chaque erreur, chaque faute d'un policier est
imputée au passif de l'État), voire éthiques : une police républicaine ne peut
pas ressembler à celle des régimes autoritaires précédents, elle est « instituée
pour l'avantage de tous et non pour l'utilité particulière de ceux à qui elle
est confiée» comme le proclame l'article 12 de la Déclaration des Droits d