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Publié le
01 janvier 1991
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36
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Français
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Français
Madame Gabrielle Balazs
La réhabilitation
In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 90, décembre 1991. pp. 77-83.
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Balazs Gabrielle. La réhabilitation . In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 90, décembre 1991. pp. 77-83.
doi : 10.3406/arss.1991.2998
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1991_num_90_1_2998:
GABRIELLE BALAZS
LA REHABILITATION
Entretien avec un locataire de HLM
Monsieur S. H. est l'un des plus anciens locataires de la view le dossier de presse qu'il a constitué depuis les évé
nements. Il en a fait une soigneuse analyse et a conservé cité de Vaulx-en-Velin. L'immeuble qu'il habite, voisin
précieusement sa correspondance avec une chaîne de des commerces qui ont brûlé, a dû être évacué lors de
télévision, dans laquelle il proteste contre la manière l'incendie et il a été repeint depuis.
dont on a parlé des habitants de Vaulx. Il nous donnera Il est arrivé dans la région lyonnaise dans les à lire sa lettre à Paul Amar, responsable de l'émission sur années 70. Ouvrier qualifié du chemin de fer tunisien, Vaulx à FR3- Qu'il s'agisse du règlement d'une simple lui-même fils de cheminot, il a été conducteur une dizai facture, de la réhabilitation de la cité, du sort de chacun ne d'années avant d'émigrer en France et d'accepter un des locataires, des relations avec la mairie communiste emploi d'OS à la chaîne chez Berliet. N'obtenant pas la - qu'il soutient -, des avec les médias, il se fait qualification à laquelle il pouvait prétendre avec un CAP le porte -parole d'une identité ouvrière menacée. Au-delà d'ajusteur-monteur et une année de dessin industriel, il de l'entretien de la cité et de sa propreté, il est évident quitte l'entreprise de camions et trouve par l'intermédiai qu'il s'agit aussi plus pour S. H. de militer pour un civire d'un ami tunisien un emploi de surveillant de sme perdu. machines dans une entreprise de l'industrie chimique.
Son ancienneté dans la cité, sa qualification C'est alors qu'il quitte le foyer pour immigrés dans lequel
il résidait et vient s'installer à Vaulx. ouvrière, son militantisme désintéressé (la société de
HLM a essayé de P"acheter" en lui proposant de le A l'époque, obtenir un logement dans cette cité lui reloger mieux ailleurs), font de lui un militant irréproparaît miraculeux. C'est à ses relations -le président chable. d'honneur du club de football où il s'entraîne -qu'il doit
En luttant sur tous les fronts, dans la cité pour d'obtenir l'appartement qui change sa vie, il va pouvoir
réhabiliter l'image du quartier, dans son travail se marier et faire venir sa femme, une institutrice tuni
défendre sa dignité (il a quitté brutalement son emploi à sienne ; avec trois enfants, il obtiendra d'ailleurs un loge
la suite d'une bagarre avec un collègue qui s'était montré ment un peu plus grand.
raciste), dans sa vie privée en se sacrifiant pour sa famille Au cours des années 80, la cité se dégrade, les où règne l'entente et une éducation stricte (sa femme locataires récents sont relativement instables, souvent assistera à une partie de l'entretien, ses enfants vienchômeurs ; ce sont des "familles à problèmes" qui, en dront un moment au salon, faisant montre d'un respect introduisant la drogue dans le quartier, ont introduit en silencieux et attentif pour leur père qui parle), c'est toumême temps la surveillance policière, la violence... S. H. jours une image de lui-même qu'il souhaite maintenir ou entreprend alors une patiente défense des locataires. Il restaurer. contrôle l'entretien et les charges de la société de HLM (il
L'enjeu de cette entreprise volontariste de réédumontre à l'occasion de l'interview ses dossiers détaillés,
cation des habitants de la cité est, on le voit bien, de factures abusives d'ampoules, d'eau...) et prête assistance
renouer avec l'image du groupe ouvrier solidaire qu'il a aux locataires dans toutes leurs démarches (lors de
connu à la fin des années 60 dans un grand centre industl'interview, il expliquera à une voisine âgée, désemparée,
riel, et surtout de réhabiliter celle des immigrés en venue le consulter, comment régler la correspondance
France dont il se veut exemplaire, comme il le dit à la fin avec la société de HLM). Surtout il tente de défendre
de l'entretien "Je ne changerai jamais, je suis comme l'image de la cité, notamment contre celle de ghetto
ça". qu'on veut lui imposer. Il nous montrera pendant
77 :
:
.
.
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:
!
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:
GB-Vous êtes arrivés les premiers ici, Arrivée d'une voisine âgée qui vient "CE N'EST PAS NOUS
c'est pour ça, vous vous connaissez demander conseil au représentant des QUI AVONS CRÉÉ mieux. locataires. CE GHETTO-LÀ"
GB-Vous avez dit que le public a changSH-Oui, les premiers. Il y avait une
é... bonne ambiance, (...) "tu as un problè
me, je suis là", vous voyez ?
GB-Tout le monde se rendait des ser
vices aussi ?
SH- Voilà. Tout le monde se rendait des Les anciens locataires
services. Et puis après, je sais pas ce sont partis qui est arrivé, bon ; ça a commencé à
partir, les Français, on mettait des
Arabes, c'est-à-dire de ma race, de ma SH-Il a changé carrément, les anciens
race, et attendez, on va revenir sur ça, sont partis, il y a des nouveaux. On ne
pour les ghettos, parce que ce n'est pas peut pas vite, vite, avoir une amitié
nous, les ghettos ; c'est pas nous qu'on avec eux, il faut les connaître et tout
a créé les ghettos. C'est le gouverne (...). Quand ils sont arrivés, on a
essayé. Mais il y a des gens qui ne voulment premièrement, la préfecture, la
société qui nous loge, et la mairie, j'ai aient parler à personne. Et, avant les
discuté avec Monsieur Charrier [le travaux de réhabilitation, on a constaté
maire communiste de Vaulx], ce n'est qu'il y avait trop de saleté ; qu'ils jet
pas lui, ça ne vient pas de lui, ça vient tent des sacs de poubelle par le huiti
de la société. ème étage, par le septième, par le
sixième ; on est intervenu mais on est GB-Les Français ont commencé à partir arrivé en douceur "S'il vous plaît, plus tard ? écoutez, on habite dans un quartier
habitable et propre où vous avez à SH-A partir, oui, à partir. Il y a des votre disposition une benne, un immigrés, des Arabes qui ont préféré machin de poubelle juste dans le palier acheter et je ne sais pas, franchement, où vous êtes aussi... là où vous pouvez si j'avais su... parce que écoutez, on jeter votre saleté", mais... ils ne veulent peut pas prévoir l'avenir, si je prévois pas comprendre ; et c'est arrivé à ce l'avenir, que demain je vais mourir, à moment-là, les travaux de réhabilitatquoi ça sert de batailler ou de travailler ion. Le voisin m'a dit "On va faire un ou de faire ceci, ou... non. Non, moi comité" j'ai dit oui. ; j'ai dit "Je vais passer encore cinq ans
ici, et je vais repartir chez moi". GB-Ah d'accord, c'est de là que c'est
Autrement j'aurais dû acheter comme parti ? Le comité des locataires...
les autres.
SH-Oui, parce qu'ils nous ont vraiment
GB-Ils ont acheté ? Ceux qui sont part bien manipulés. Dans des familles qui
is, c'était pour acheter des pavillons, sont des familles nombreuses, ils
des appartements... payent le surplus de l'eau chaude, l'eau
froide dans les 4 000 à 5 000 francs. SH-Pour acheter des villas. Des villas.
GB-Les loyers à cette époque-là, c'était Et ça a commencé à partir, à partir, taf
combien ? C'était raisonnable ? On remplace par des compatriotes,
après, par des Asiatiques, après des SH-C'était raisonnable, oui surtout, bon, Vietnamiens. Ça commence déjà à... à avec les allocations et tout, avant, avant pourrir. Ce n'est plus la même, ce n'est les travaux de réhabilitation on payait plus la même... 570 francs de loyer. Et les charges un
peu plus, il y a 4 000 et quelque. Ils GB-I1 n'y avait plus le même esprit nous ont totalement bouffés, voulant entre vous, la même solidarité ? défendre une fois ce qu'ils nous ont
SH-Le même esprit entre nous et cha mis sur les charges, sur les trois all&