La relation au conjoint idéal et le statut de l imaginaire chez les Evhé - article ; n°2 ; vol.50, pg 73-105
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La relation au conjoint idéal et le statut de l'imaginaire chez les Evhé - article ; n°2 ; vol.50, pg 73-105

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Description

Journal des africanistes - Année 1980 - Volume 50 - Numéro 2 - Pages 73-105
Abstract The relationship with the Ideal Spouse and the Statuts of the Imagination among the Ewe The Ewe join every human being with an invisible spouse from the time when the individual taking form in the womb, existed only in a psychic world in the underground dwelling of a great goddess-mother. The rites for négociation and reconciliation with this spouse reveal the individual's «imaginary» life in this dwelling-place and its subsistence as the secret, constant basis of his or her personality from birth till death. The very frequent consultations with the soothsayer and consequent religious acts all have the unique goal of rediscovering the way to get into touch with this prenatal experience in order to better adapt the subject's existence to the ideal that it represents. The choice, among the subject's friends and relatives, of representatives of those with whom he or she had kept company before birth brings to light within the social context a reserve of relations with the imaginary world. The subject has to maintain ties with these representatives, and this contributes to his mental well-being.
Résumé La relation au conjoint idéal et le statut de l'imaginaire chez les Evhé. A tout être humain les Evhé associent un conjoint invisible qui aurait été le sien du temps où, bien avant de venir prendre corps dans le ventre d'une femme, il n'existait que sous le mode psychique dans la demeure souterraine d'une grande déesse mère. Les rites de négociation et de réconciliation avec ce conjoint mettent en lumière la nature, qualifiée dans le texte d'imaginaire, de la vie poursuivie en cette demeure et la façon dont elle subsiste auprès de chacun, de la conception à la mort, comme fondement secret invariant de la personnalité. Toutes les consultations, extrêmement fréquentes, du devin, et tous les actes religieux qui s'ensuivent, n'ont pour but que de retrouver le chemin de cette expérience prénatale pour mieux adapter l'existence du sujet à l'idéal qu'elle représente. De plus, le choix dans l'entourage du sujet de représentants des personnages qu'il a fréquentés avant de naître, avec qui il lui est souvent prescrit d'entretenir, selon des modalités de son choix, des relations purement symboliques, nous révèle, inséré dans le contexte social, un champ préservé de relations à l'imaginaire aux effets certains sur le bien-être mental.
33 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1980
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Albert De Surgy
La relation au conjoint idéal et le statut de l'imaginaire chez les
Evhé
In: Journal des africanistes. 1980, tome 50 fascicule 2. pp. 73-105.
Citer ce document / Cite this document :
De Surgy Albert. La relation au conjoint idéal et le statut de l'imaginaire chez les Evhé. In: Journal des africanistes. 1980, tome
50 fascicule 2. pp. 73-105.
doi : 10.3406/jafr.1980.2004
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0399-0346_1980_num_50_2_2004Résumé
Résumé La relation au conjoint idéal et le statut de l'imaginaire chez les Evhé. A tout être humain les
Evhé associent un conjoint invisible qui aurait été le sien du temps où, bien avant de venir prendre
corps dans le ventre d'une femme, il n'existait que sous le mode psychique dans la demeure
souterraine d'une grande déesse mère. Les rites de négociation et de réconciliation avec ce conjoint
mettent en lumière la nature, qualifiée dans le texte d'imaginaire, de la vie poursuivie en cette demeure
et la façon dont elle subsiste auprès de chacun, de la conception à la mort, comme fondement secret
invariant de la personnalité. Toutes les consultations, extrêmement fréquentes, du devin, et tous les
actes religieux qui s'ensuivent, n'ont pour but que de retrouver le chemin de cette expérience prénatale
pour mieux adapter l'existence du sujet à l'idéal qu'elle représente. De plus, le choix dans l'entourage du
sujet de représentants des personnages qu'il a fréquentés avant de naître, avec qui il lui est souvent
prescrit d'entretenir, selon des modalités de son choix, des relations purement symboliques, nous
révèle, inséré dans le contexte social, un champ préservé de à l'imaginaire aux effets certains
sur le bien-être mental.
Abstract The relationship with the Ideal Spouse and the Statuts of the Imagination among the Ewe The
Ewe join every human being with an invisible spouse from the time when the individual taking form in
the womb, existed only in a psychic world in the underground dwelling of a great goddess-mother. The
rites for négociation and reconciliation with this spouse reveal the individual's «imaginary» life in this
dwelling-place and its subsistence as the secret, constant basis of his or her personality from birth till
death. The very frequent consultations with the soothsayer and consequent religious acts all have the
unique goal of rediscovering the way to get into touch with this prenatal experience in order to better
adapt the subject's existence to the ideal that it represents. The choice, among the subject's friends and
relatives, of representatives of those with whom he or she had kept company before birth brings to light
within the social context a reserve of relations with the imaginary world. The subject has to maintain ties
with these representatives, and this contributes to his mental well-being.ALBERT DE SURGY
LA RELATION AU CONJOINT IDÉAL
ET LE STATUT DE L'IMAGINAIRE
chez les Evhé
Selon la conception traditionnelle évhé, tout ce qui arrive dans le monde,
en particulier tout ce qui arrive à un individu, prend source dans un autre monde
invisible où toute réalité préexiste, sous forme de pure image ou de représen
tation psychique.
Ce monde, couramment appelé amedzophe, c'est-à-dire : «la demeure
(phe) d'origine (dzo) de l'homme (âme)», celle d'où l'homme sort pour prendre
naissance1 , est exactement semblable au nôtre dont il n'est que l'anticipa
tion. Les multiples contes divinatoires d'Afa n'ont d'autre but que de nous le
décrire2 .
Lorsqu'un individu va consulter un Ъокэпо, ou praticien de la divina
tion par Afa, comme il est d'usage de le faire pour tout problème personnel,
familial ou collectif, il en reçoit des prescriptions fondées sur l'interprétation
d'un de ces contes où transparaît ce qui subsiste à titre référentiel dans l'uni
vers des origines, du type de situation qui est la sienne et configure ainsi secr
ètement son expérience vécue3 .
Cette volonté de conduire sa vie en parfaite connaissance de cause nous
renvoie donc à cet univers où tout préexiste sur le mode de l'image, d'une
façon qui, à la différence d'une représentation scientifique, grouille de fantai-
1. CfJ. SPIETH, Die Ewe Stàmme, p. 502.
2. La consultation d'afa produit une figure géomantiquc dont le devin récite d'inspiration au
sujet un des divers contes qui lui sont associés. Les principales prescriptions fournies découleront de
l'interprétation de ce conte.
3. La divination par afa n'est pas la seule à tout rapporter à cet univers des origines. Les prêtres
qui exercent une autre forme de divination en se faisant informer des secrets de l'invisible par une divi
nité intermédiaire s'y réfèrent pareillement. Ainsi une consultante s'adresse, devant le prêtre-devin, à
la divinité de celui-ci, dans les termes suivants rapportés par J. Spieth {Die Ewe Stâmme, p. 507) : «Mon
enfant est malade ; je suis venue te prier (le trô du prêtre) de te rendre pour moi dans le pays d'origine
des hommes pour te renseigner auprès de la mère des esprits ( la procréatrice de ce monde) sur les causes
de la maladie de ma fille».
/. des Africanistes, 50, 2 (1980) pp. 73-105 74 A.DESURGY
sie en reflétant tous les caprices du cœur ou de la malice humaine et relève
donc de l'imaginaire.
C'est le statut fondamental de cette sorte d'imaginaire, que je me propose
d'éclairer en discutant des rites qui ont trait au personnage, sans doute le plus
important du monde, où chacun eut l'occasion d'imaeiner à l'avance toute sa
vie, à savoir le conjoint que j'appellerai «conjoint idéal».
I
Présentation des croyances relatives au conjoint idéal
Les Evhé en effet associent à tout être humain un conjoint invisible appelé
dzogbemesrô, c'est-à-dire le conjoint (srô) de dzogbe, OU conjoint du lieu
ou du temps de l'origine, le suffixe gbe étant un déterminatif de lieu ou de
temps. Pour l'homme il s'agit d'une dzogbemesi (épouse de dzogbe) ; et pour
la femme d'undzogbemetsui (mari de dzogbe).
Dans la mesure où la condition du futur être humain dans le pays qu'il
doit quitter pour aller prendre corps dans le monde des vivants est identique
à celle qu'il éprouve après la mort4 , ce conjoint invisible idéal est aussi connu
sous le nom de rjolimesrô, ou conjoint du pays de goli, rjoli désignant ce
qui subsiste avec l'essence particulière de l'homme après sa mort.
On l'appelle aussi parfois semesrô, conjoint selon le destin, ou bien
gbesrô, conjoint de la vie. Cependant le terme de semesrô est assez fréquem
ment utilisé pour qualifier un conjoint réel semblable au conjoint idéal, car
c'est là le conjoint conforme au destin de l'individu5 ; et le terme a gbesrô
est plutôt utilisé pour désigner le représentant vivant du conjoint idéal, dis
tinct du conjoint réel6 .
Bien qu'il garde la nature imaginaire des êtres du monde de l'origine quitté
par l'individu, le conjoint idéal reste lié à ce dernier durant toute son exis
tence et est particulièrement sensible à ses aventures conjugales. On attribue
la réussite d'un mariage soit au fait qu'il a été réalisé en parfait accord avec
les conjoints idéaux des deux époux7 , après acquittement de toutes les obli
gations contractées à leur égard, soit à une excellente adéquation de chaque
conjoint réel au conjoint idéal du partenaire.
4. En effet après la mort, plus exactement après les funérailles, l'homme se dépouille des compos
antes spirituelles et matérielles qui lui ont été attribuées pour prendre naissance parmi les vivants.
5. Tel est notamment le cas à Togoville, Abolève, et Vo-Kponu.
6. Tel est le cas à Bê, Abolève, et Vo-Kponu.
7. Cet accord est du genre de celui donné parfois par la première épouse au choix d'une autre
épouse, ou de celui par lequel un conjoint, après règlement satisfaisant du divorce, accepte de céder la
place à un autre. LA RELATION AU CONJOINT IDÉAL ET LE STATUT DE L'IMAGINAIRE 75
1. Le conjoint idéal comme catégorie de demande prénatale
On serait tenté au premier abord de retrouver là une notion d'âme sœur
ou d'âme jumelle, comme si avec toute âme était créée une âme de sexe opposé

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