La Révolution comme Religion : Jules Michelet - article ; n°50 ; vol.15, pg 75-82
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Description

Romantisme - Année 1985 - Volume 15 - Numéro 50 - Pages 75-82
8 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 24
Langue Français

Extrait

Oscar A. Haac
La Révolution comme Religion : Jules Michelet
In: Romantisme, 1985, n°50. pp. 75-82.
Citer ce document / Cite this document :
Haac Oscar A. La Révolution comme Religion : Jules Michelet. In: Romantisme, 1985, n°50. pp. 75-82.
doi : 10.3406/roman.1985.4754
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1985_num_15_50_4754Oscar A. H A AC
La Révolution comme Religion : Jules Michelet
On peut dire que Michelet passa par deux conversions : la chrétienne, en 1816,
inspirée par L 'imitation de Jésus Christ et son affection pour Mme Furcy ; la révo
lutionnaire, en 1839-45, à la suite d'une crise personnelle, lors de la maladie de
Mme Dumesnil, du retour de celle-ci à l'orthodoxie sous la direction de l'abbé Cœur,
de sa mort en 1842, enfin de la lutte contre les Jésuites. Ses cours professés au Col
lège de France (1838-51) en sont une manifestation éclatante.
Encore inédits, ces cours vont paraître prochainement dans les Oeuvres comp
lètes (Flammarion). Ce sont comme les premiers jets des ouvrages qu'il va publier,
Le Peuple et VHistoire de la Révolution française, mais l'accent en est très personn
el. Le style des leçons est varié : II passe du ton intime au discours moral ou satir
ique, et à la grande rhétorique lorsqu'il proclame sa « magistrature » d'historien.
Souvent mystiques, surtout avide de croire, Michelet et ses amis demandaient
la réforme de la société et de l'Église. L'historien s'attendait à ce que la rel
igion officielle fût abandonnée en faveur d'un culte plus noble et démocratique, II
voyait déjà l'orthodoxie cédant la place à la foi nouvelle : le christianisme devait
mourir pour renaître ! Ce n'est qu'en 1869, dans sa préface à Y Histoire de France,
qu'il admettra s'être trompé.
Le manuscrit des cours, conservé à la Bibliothèque historique de la Ville de
Paris1 , fournit une série de textes éloquents qui affirment et interprètent le mythe
de 89. Imaginons donc un Michelet qui parle, qui sympathise avec son auditoire,
tout en l'observant de près, pour renforcer un point ici et là, quand il voit un prêtre
hocher la tête2 . L'historien est très conscient de l'écoute de ses étudiants et adopte
un « style oratoire », conçu différemment de celui de l'œuvre écrite.
La foi en la Révolution
« Notre-Dame est bien comme un sphinx accroupi sur le fleuve ; le Panthéon
pointe au ciel [...] Quant à moi, un jour d'orage au Jardin des Plantes, il me
donna, temple d'Eleusis, la plus sublime idée de victoire de la vertu à venir
[...] Nous admirons les églises du Moyen Age ; respectez le monument de la
Révolution française ; c'est la couronne de Paris (1843-4)».
C'est ainsi que Michelet décrit son expérience quasi mystique de la Révolut
ion, devenue article de foi lors de la crise qui avait transformé son enseignement
au point où d'anciens amis, plus conservateurs que lui, n'assistaient plus à ses cours.
Cherchant dans le passé la force nécessaire pour faire face au présent, il retourne à
la foi « voltairienne » de son père et à la Révolution dont le Panthéon sera le symb
ole. Le père de l'historien était pourtant un homme simple que nous découvrons
dans les Lettres inédites, publiées par Paul Sirven. Son fils le transforma en philo
sophe, voyant en lui le témoin de la Révolution, l'homme du peuple par excellence.
Ce mythe du peuple se manifeste dès le premier cours du Collège de France (1838),
dans la leçon sur Notre-Dame de Paris : 76 Oscar A. Haac
« Quand on va admirer un monument comme Notre-Dame, on ne voit
d'abord que la foi de ce bon Moyen Age [...] L'immobilité de ce jardin de
pierre ferait croire que leur âge fut immobile [...] Puis, un matin, sous ce cos
tume uniforme, sous cette soumission apparente, l'histoire reconnaît les agi
tations, les sourds murmures de la liberté [...] Oui, Messieurs, les saints ont
été troublés ; ils ont souffert [...] Dans ces basses maisons qui se pressaient
autour de l'église, grondait la sourde révolte [...] Ah ! si vous interrogiez ces
pierres... que ne diraient-elles ? »
L'image des « humbles maisons des ouvriers » (1839-41) reviendra souvent ;
il les décrit dans les différentes villes de Flandre par exemple, fier de révéler ce que
les chroniqueurs et même les historiens modernes ont gardé sous silence. Jusqu'ici,
dit-il, on n'a vu le passé que « d'en haut » . L'essentiel, pourtant, c'est « l'histoire
d'en bas ». Toujours, dans l'histoire, « la sève est venue d'en bas » (1844-3).
Michelet plaide la cause du peuple dès les premiers cours consacrés au Moyen
Age, mais à mesure qu'il s'approche des temps modernes et que le désespoir le sai
sit, l'idée du peuple prend encore plus d'importance. Il y tenait d'autant plus que
son poste de professeur au Collège de France l'éloignait de ses « humbles origines ».
D pense à sa propre jeunesse en décrivant les ouvriers, le tisserand de soie à Lyon,
ou le tisserand de laine en Flandre (1839-14).
Michelet explique que, même si la vie était pénible dans les villes du quin
zième siècle, l'artisan était l'architecte de la liberté (1841-12) : « Ypres, Pise,
c'étaient des peuples, pas simplement des villes », l'évangile d'action, l'évangile
vivant du travail incessant de la nature » (1841-II-5). Ici, comme maintes fois plus
tard, Michelet suggère que l'homme n'est heureux que par le travail. Il le conseille
à ses étudiants :
« La nature n'est pas un prodige, c'est un bon et diligent ouvrier, moralisé par
le travail. Il vous faut une discipline, un bon maître sévère et doux. Prenez le
travail, regardez à côté de vous le travail moralisant de la nature : son travail
dans le cours de l'an est admirablement combiné pour calmer le drame de la
i(1841I5)
Le travail produit la libération progressive du peuple. Voilà « l'histoire d'en
bas » dont parle Michelet :
« Nous voulons faire l'histoire de cette pauvre créature muette, dont person
ne ne s'est soucié, de ceux qui n'ont pas d'histoire, de ceux qui ont
souffert, travaillé, langui, fini sans pouvoir dire leur souffrance. C'est l'histoire
des castes laborieuses et méprisées, utiles et foulées : grand peuple innombrab
le. C'est presque l'histoire du genre humain » (1841, dernière leçon).
Il propose à ses étudiants d'adopter la foi de 89, non celle du Moyen Age. De
plus en plus fervent à l'approche de 1848, il veut les associer à ses efforts. En 1847
il lance l'appel, leur demandant d'être ses missionnaires et apôtres : « Enlevez vos
gants jaunes », leur conseille-t-il, rentrez chez vous et propagez la foi ; parlez au
peuple, aux simples ; « faites-leur confiance et ils auront confiance en vous !»
(1847:f61,76,81).
1 848 est à l'horizon et son discours devient inspiré, jusqu'à susciter, parmi
ses auditeurs, mais jamais en présence du maître, les manifestations qui firent peur:
Après avoir envoyé des observateurs en espions, le gouvernement ferma son cours
en janvier 1848. La réouverture triomphale aura lieu au mois de mars, en présence
d'Edgar Quinet, une chaise vide étant réservée pour Adam Mickiewicz.
L'actualité s'introduit dans son enseignement presque malgré lui. Une leçon
sur l'inquisition (1840-13) lui attire l'attaque viralante du journal catholique,
L'Univers, l'accusant de vouloir « désapprendre » l'histoire à ses étudiants. L'élé- Révolution comme Religion : Jules Michelet 77 La
ment bien pensant de son auditoire se sentait tenu à défendre jusqu'à l'inquisition
espagnole ! On sent l'atmosphère de combat. Déjà au début du cours nous trou
vons la note suivante :
« Je ne puis reprendre mon cours sans protester solennellement de cette chai
re, chaque jour plus menacée [...] Toute l'explication est celle-ci : la liberté
étant devenue la loi, la vie, le tout du monde, on s'est servi contre la
d'un des moyens de la liberté. De la presse ? médiocrement [...] De la prédi
cation ? peu... Il s'agit de la direction, chose moderne qui, depuis le seizième
siècle jusqu'à nous, a fait tout le

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