La victoire de Chen Shui-bian ou l'impossible détente dans le détroit de Formose - article ; n°1 ; vol.58, pg 38-53

Jean-Pierre Cabestan

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Perspectives chinoises - Année 2000 - Volume 58 - Numéro 1 - Pages 38-53
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

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• Publié par: PERSPECTIVES_CHINOISES
• Publié le: 01 janvier 2000
• Nombre de lectures: 36
• Langue: Français
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Jean-Pierre Cabestan
La victoire de Chen Shui-bian ou l'impossible détente dans le
détroit de Formose
In: Perspectives chinoises. N°58, 2000. pp. 38-53.
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Cabestan Jean-Pierre. La victoire de Chen Shui-bian ou l'impossible détente dans le détroit de Formose. In: Perspectives
chinoises. N°58, 2000. pp. 38-53.
doi : 10.3406/perch.2000.2486
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/perch_1021-9013_2000_num_58_1_2486Politique
ELECTIONS PRESIDENTIELLES 2000
La victoire de Chen Shui-bian
ou l'impossible détente dans
le détroit de Formose
Parallèlement, Chen proposa à de multiples reprises
de mettre en place, à condition que la sécurité de Ta
Aux yeux Jean-Pierre de Pékin, le Cabestan 18 mars 2000, le cauche iwan reste garantie, des liaisons maritimes puis aé
mar devenait réalité : à l'issue de quatorze an riennes directes entre les deux rives du détroit de For
mose. Et surtout, lorsqu'il devint officiellement le 10e nées de démocratisation, en dépit des nom
président de la République de Chine (ROC) — le nom ofbreuses menaces et mises en gardes lancées
par la machine de propagande du Parti communiste ficiel et désormais quasi inaltérable de Taiwan — , Chen
déclara : « nous pensons que les dirigeants de deux (PC) chinois, Taiwan élisait un président de la Répub
lique au passé et de sensibilité indépendantistes. cotés du détroit possèdent suffisamment de sagesse et
Certes, avant comme après sa victoire, afin de tenter de de créativité pour régler ensemble la question d'une
rassurer l'ensemble des parties en présence — l'électo- "Chine unique" future » (gongtong lai ckuli iceilai
« yige Zhongguo » de wentï). rat taivvanais, la République populaire de Chine (RPC) et
les Etats-Unis — , Chen Shui-bian a multiplié les assu Mais par delà ces engagements et ces vagues pro
rances et les gestes de bonne volonté. Pouvant désor messes, les faits sont « têtus », diraient les oracles idéo
mais se résumer en « cinq non », ceux-ci ont été réitérés logiques de Jiang Zemin et de ses camarades : pour la
le 20 mai lors de son discours d'investiture dans les première fois, Taiwan se dotait d'un chef de l'Etat en
termes suivants : principe et par principe opposé à tout projet d'unifica
tion de la nation chinoise, une conviction politique que
Si les communistes chinois ne manifestent pas l'intention la vice-présidente Annette Lu Hsiu-lien s'est empressée
d'utiliser la force militaire contre Taiwan, au cours de de rappeler.
mon mandat, je m'engage à ne pas déclarer l'indépen Face à cette évolution, qu'elle n'avait pas prévue, la
dance, à ne pas changer le nom du pays, à ne pas inclure Chine populaire n'a d'abord pu masquer sa stupéfaction
dans la Constitution la qualification des relations entre et sa rage. Avant l'entrée en fonction de Chen Shui-bian,
les deux rives du détroit comme étant des « relations elle a ainsi repris son offensive politique en faisant à
d'Etat à Etat », à ne pas organiser de référendum modif nouveau de l'acceptation par Taiwan de sa propre inter
iant le statu quo par rapport à la question de l'indépen prétation du concept d'une seule Chine, c'est-à-dire que
dance ou de l'unification ; en outre, l'abolition des lignes le gouvernement de la République populaire de Chine
directrices de nationale [le programme de (RPC) est le seul représentant du pays, une condition
sine qua non de la reprise des pourparlers officieux rapprochement progressif avec la RPC élaboré par le
KMT et adopté par le pays en 1991] et du Conseil à l'uni entre Pékin et Taipei. De ce fait, les responsables du PC
fication nationale sera exclue.'" chinois se réfugièrent — dans un premier temps et pour
ainsi dire par réflexe — dans une attitude attentiste dure
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qui interdit aux fils du dialogue d'être renoués. jourd'hui devenu une des principales inconnues de
Puis, après le 20 mai, la RPC a commencé d'assouplir cette équation — ne devrait-il pas voir son importance
son attitude marquant sa volonté d'en revenir au s'accroître dans les années qui viennent ?
consensus (gongshï) de 1992, aux termes duquel les re
Pékin et la campagne électorale taiwanaise : présentants des deux gouvernements manifestèrent leur
une intervention tardive...et catastrophique soutien au principe d'une seule Chine « tout en accep
tant de se garder d'en donner une définition politique La question primordiale n'est pas tant de savoir pour
(zhengzhi hanyi) au cours de leurs entretiens courants quoi la Chine populaire a cherché à influencer l'issue
(shiwuxing shangtan zhong) »(i). Mais après huit an de l'élection présidentielle taiwanaise du 18 mars 2000.
nées d'affirmation de sa démocratie et de son identité, Depuis que le président de la République de Chine est
Taiwan peut-elle aujourd'hui accepter de restaurer un élu au suffrage universel direct, c'est-à-dire depuis
cadre du dialogue qu'elle estime largement dépassé? 1996, l'on s'est rapidement « habitué » à ce type d'ingé
Vues ses origines et les forces politiques qui le soutien rence : alors fâché du succès de la visite privée de Lee
nent, Chen peut-il aller plus loin que d'évoquer une Teng-hui aux Etats-Unis, Pékin avait lancé à trois re
Chine unique virtuelle et future ? prises force missiles (à blanc) dans les eaux environ
De leur côté, tout au long de cette période, les Etats- nantes de Formose, tant et si bien qu'à la suite d'une
Unis se sont efforcés de calmer le jeu sans véritabl dernière salve particulièrement provocatrice exécutée
ement savoir si leur politique du « juste milieu » entre deux semaines avant le scrutin, la 7e flotte américaine
deux Etats à tous points de vue aussi différents et i fut dépêchée à proximité de l'île afin d'y garantir le bon
déroulement de « la première élection présidentielle négaux favorisera une certaine détente entre les deux
rives du détroit de Formose et sera en mesure de proté démocratique en cinq mille (ou quatre mille ?) ans
ger leur difficile relation avec la RPC contre toute nouv d'histoire chinoise ». La suite est connue : Lee Teng-hui
elle crise bilatérale. fut triomphalement réélu réunissant 54 % des bulletin
Ainsi, quoique depuis le 20 mai, le discours belliciste exprimés, grâce en partie aux intimidations et gestes
de Pékin se soit progressivement calmé et une modeste guerriers de la RPC.
Tant pour expliquer le passé immédiat qu'afin de reprise des pourparlers puisse à terme être envisagée,
sur le fond, la situation politique entre les deux rives mieux entrevoir le futur prévisible, la véritable question
reste largement bloquée. Il est vrai que, comme au leest de savoir pourquoi, quatre ans plus tard, la direction
ndemain de la crise des missiles, certains à Pékin ont du PC chinois, tirant les leçons de l'échec de 1996, n'a
probablement commencé à réfléchir à la nécessité pas agi plus tôt et de manière moins contre-productive.
d'élaborer une autre politique de réunification à l'égard Il est clair qu'il était difficile à Pékin de s'aventurer
de Taiwan. Mais la direction du PC chinois est-elle plus avant sur le fil du rasoir qui sépare la situation (de
assez forte et unie pour tirer les conclusions qui s'imfait) de paix dans le détroit de l'état de guerre. Echaudée
posent d'un tel échec ? en 1996 par l'humiliant déploiement de VUS Navy, l'A
Mettant crûment au jour le caractère décalé, voire rmée populaire de libération (APL) a clairement choisi
anachronique du régime politique de la RPC ainsi que de se cantonner à poursuivre son œuvre de renverse
la vacuité du concept « d'une seule Chine » que celui-ci ment progressif de l'équilibre local des forces militaires
professe urbi et orbi, cette élection ne risque-t-elle pas et en particulier l'ostensible mise en place d'un nombre
aussi d'accroître la crispation du pouvoir à Pékin? toujours plus important de missiles de courte et de
N'est-elle pas grosse également, sinon de conflit armé, moyenne portées en face de Taiwan (environ 200 au
du moins d'un renouveau de