La violence de l institution  - article ; n°1 ; vol.90, pg 53-63
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Description

Actes de la recherche en sciences sociales - Année 1991 - Volume 90 - Numéro 1 - Pages 53-63
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Madame Gabrielle Balazs
Abdelmalek Sayad
La violence de l'institution
In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 90, décembre 1991. pp. 53-63.
Citer ce document / Cite this document :
Balazs Gabrielle, Sayad Abdelmalek. La violence de l'institution . In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 90,
décembre 1991. pp. 53-63.
doi : 10.3406/arss.1991.2996
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1991_num_90_1_2996GABRIELLE BALAZS, ABDELMALEK SAYAD
LA VIOLENCE DE L'INSTITUTION
d'un Entretien collège de avec Vaulx-en- le principal Velin
Les difficultés que rencontrent et suscitent dans l'ense Le collège situé à Villeurbanne reçoit pour l'essent
ignement secondaire les enfants de milieux socialement iel des élèves de Vaulx-en-Velin. Le quartier où le collè
très éloignés de l'école, et qui se retraduisent dans les ge est situé est coupé de par le canal et le
tensions apparues dans l'établissement depuis octobre périphérique alors que seule une rue le sépare de la ville
1990, ont peu à peu transformé la fonction du principal de Vaulx. Du point de vue scolaire, contrairement aux
du collège de Vaulx-en-Velin, l'obligeant à gérer, au jour idées reçues, les résultats du collège ne sont pas plus
le jour, les manifestations, majeures ou mineures, de la mauvais qu'ailleurs ; ils correspondent à la moyenne du
violence. Contraint à une vigilance permanente pour département, notamment pour la réussite au brevet des
maintenir la propreté malgré le renouvellement rapide collèges (même si le nombre d'élèves en retard en sixi
des graffiti et pour prévenir ce type de dégradations, il ème est de 65 % contre 35 % dans le département). Du
point de vue des caractéristiques sociales des élèves - en doit aussi se tenir à la porte de l'établissement à chaque
entrée et sortie d'élèves afin d'éviter que professeurs et majorité d'origine populaire et, pour les trois quarts, issus
de parents étrangers - il est de loin le collège le plus élèves ne soient agressés, et afin d'interdire les bagarres
entre élèves dans l'enceinte du collège ; pour assurer défavorisé du département. On n'y trouve par exemple
l'efficacité de cette discipline permanente et tenter de aucun enfant d'enseignant. Une classe d'adaptation
créer des conditions propres à la rendre inutile, il lui faut accueille les enfants qui viennent d'arriver d'Afrique,
entretenir des relations suivies avec l'ensemble des autor d'Asie ou d'Europe, mais, dans leur grande majorité, les
ités de la ville, en mettant en place, par exemple, avec élèves appartiennent à des familles algériennes qui sont
le centre d'information et d'orientation et la mairie, un installées en France depuis longtemps. La part des bours
"observatoire local de la réussite scolaire" ; il lui faut sur iers s'élève à 75 % alors qu'elle n'est que de 30 % dans
tout s'adapter aux caractéristiques de son public et, grâce le département. Ni l'intérêt d'appartenir, dès 1982, à un
à la connaissance de ses élèves et de son personnel et à "collège expérimental pour la rénovation", ni le fait de
diverses astuces de discipline, assumer en quelque sorte compter 36 enseignants pour un effectif de 400 élèves
la violence sans la dramatiser. seulement - contre plus de 600 dans les années 80 -, ni
même la proximité de Lyon ne suffisent à retenir les proPar ces temps de crise, l'entretien avec deux fesseurs qui sont toujours en attente de mutation. Un sociologues, présentés par un responsable des études de tutorat intensif et, plus généralement, un encadrement la ville de Vaulx, semblait aller de soi pour lui. A presque important n'empêchent pas que les élèves des quartiers cinquante ans, cet ancien instituteur originaire de pavillonnaires et de certains HLM fuient le collège. Leurs
Vénissieux, devenu professeur pendant douze ans dans parents demandent des dérogations pour les autres étaun quartier réputé difficile, aurait espéré des conditions blissements publics.
moins difficiles. Pour la première fois dans une longue
Le bureau où s'est tenu l'entretien est situé au rez- carrière, il a eu recours à des somnifères et des antidé
de-chaussée du collège, de manière à permettre d'interpresseurs. Tenu d'habiter le collège pour des raisons de
sécurité, c'est seulement le week-end qu'il rejoint dans venir rapidement, et orienté de façon à offrir le plus
leur maison sa femme, professeur de physique dans un grand angle de vision sur la cour. A travers le ton dramat
ique et profondément désabusé de ses propos, l'ancien grand lycée de Lyon, et ses enfants.
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instituteur républicain d'origine populaire, qui dit avoir l'ordre en d'autres temps ? Comment accepter que l'école
toujours été préoccupé par le souci de savoir "comment soit assimilée à la police, qu'on se venge de l'école,
faire pour sauver le maximum d'élèves", trahit toute qu'on la traite comme on le ferait d'un commissariat ?
l'amertume, parfois proche d'une sorte de haine rentrée, Comment se résigner à se penser comme un simple
que lui inspire son expérience haine contre la violence agent du maintien de l'ordre, obligé de "faire le coup de
des élèves, haine contre l'institution scolaire, haine poing", et comment pardonner à l'institution d'exiger de
contre lui-même surtout, de se trouver réduit à user de la ses serviteurs les plus dévoués cette sorte de reniement
violence contre son gré et surtout contre la représenta de tout ce qu'elle leur a enseigné, des croyances et des
valeurs mêmes pour lesquelles, à vingt ans, ils avaient tion qu'il s'était faite de l'école et de son métier d'éducat
choisi d'épouser, comme on dit, la "vocation" d'enseieur. Comment pourrait-il supporter que l'école soit
gnant ? aujourd'hui traitée comme les institutions de maintien de
PR-Il y a des périodes de grandes ten quelque bord qu'elle soit. On avait des "ON EN A BEAUCOUP BAVE sions et puis des périodes où c'est un tas de coups de téléphone... CETTE ANNÉE" peu plus calme. Alors cette année, à GB-Des familles, des parents ? la rentrée, ça allait à peu près, il y a
eu les événements de Va ulx-en- Velin. PR-Des familles qui nous disaient
Et nos élèves, certains, tout au moins, "Mais enfin qu'est-ce qui se passe, on
ont participé activement ; d'autres ont entend des bruits, le collège Jean- Vilar
participé à travers leur famille, leurs va être attaqué, est-ce que c'est dange
grands frères, les grandes soeurs. Il y a reux ?",tout ça ; on a eu des gamins, il
eu deux réactions de parents très diffé y a une famille, le père est venu me
rentes, mais les gamins vivaient dans trouver en me disant "C'est pas poss
un climat d'hystérie pendant quinze ible, je fous le camp", il est parti ca
jours, trois semaines, un mois. Hystérie rrément une semaine dans la Drôme.
pro-manifestants ou hystérie anti-manif Mais enfin ça reste quand même marg
estants. Le collège a fonctionné régu inal. Il y a des parents qui sont venus
lièrement tous les jours, il n'y a pas eu me dire "Ecoutez, on enlève les
la moindre interruption. Certains pro enfants, on peut pas les laisser, on
fesseurs discutaient avec les élèves, peut pas courir le danger et tout ça",
parce que certains professeurs au j'ai dit "Ecoutez, le danger, regardez,
début de leurs cours trouvaient que la vous avez vu, vous êtes venus, c'est
tension était telle que ça servait strict pas une catastrophe", donc on a eu un
ement à rien, donc il fallait en parler, il ou deux retraits à cette occasion, liés à fallait... Mais il est arrivé que même cette occasion, mais pas plus.
dans la première semaine des
AS-Des retraits définitifs ? émeutes, il est arrivé que des profes
seurs disent à des élèves "Vous vou PR-Oui, oui, des élèves qui sont partis lez qu'on en parle ?", les élèves définitivement. "Non, faites cours". Donc si vous vou
lez c'était... c'était très variable d'une
classe à l'autre, peut-être aussi

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