Le culte des morts au XXe siècle - article ; n°1 ; vol.3, pg 97-111
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Description

Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris - Année 1902 - Volume 3 - Numéro 1 - Pages 97-111
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1902
Nombre de lectures 26
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Charles Lejeune
Le culte des morts au XXe siècle
In: Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris, V° Série, tome 3, 1902. pp. 97-111.
Citer ce document / Cite this document :
Lejeune Charles. Le culte des morts au XXe siècle. In: Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris, V° Série, tome 3, 1902.
pp. 97-111.
doi : 10.3406/bmsap.1902.6032
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bmsap_0301-8644_1902_num_3_1_6032XXe SIECLE 97 ■CH. LEJEUNE. — > LE CULTE DES MOUTS AU
LE CULTE DES MORTS AU XX° SIECLE.
Par M. Ch. Lejeune.
Les cultes sont soumis, comme toutes choses, à cette trilogie naturelle
de la naissance, de la vie et de la mort. Mais la mort n'est qu'une trans
formation et je me propose d'étudier comment le culte des morts, est né,
comment il existe a notre époque, au moins chez les nations dites civilisées
et il est désirable, à mon point de vue, de le voir se trans
former.
Comme le fait très bien remarquer M. André Lefévre, « les religions
ne sont pas anciennes, aucun fait d'ordre religieux n'a laissé de traces en
Europe avant les temps robenhausiens, avant l'âge des sépultures et des
grandes migrations orientales. Qu'ont duré les mythes? dix, quinze mille
ans peut-être. Qu'est-ce auprès des 240.000 années que la géologie permet
d'assigner à l'espèce humaine! »
Les fourmis enterraient leurs morts bien longtemps avant que ceux
qui devaient être des hommes y eussent jamais pensé.
Le culte des morts est né du fétichisme ou anthropisme, « qui est la
tendance de l'homme à douer tous les êtres, objets et phénomènes
ambiants d'intentions et de facultés analogues aux siennes » et de l'an
imisme, que je ne puis mieux définir qu'en continuant à citer M. A. Lefévre :
« L'animisme a débuté par l'interprétation forcément erronée de deux
ou trois faits d'expérience : l'ombre portée par tous les corps éclairés,
l'image réfléchie par toutes les surfaces polies, les réponses de l'écho, les
rumeurs de la forêt, le souffle du vent, enfin, et pardessus tout, les figures
évoquées par le rêve ou l'hallucination, simulacres de vivants et de morls.
fantômes d'animaux, reflets de la nature enlière. Ces visions paraissent
indépendantes de la réalité qu'elles représentent. L'homme voit en songe
un autre lui-même accomplir des actes impossibles, éprouver des peines
ou des plaisirs inconnus, il voit ses compagnons ou ses ancêtres partici
per à, des scènes changeantes et nouvelles, vivre ou revivre d'une vie
spontanée qui diffère et se rapproche cependant de l'existence ordinaire.
Si de pareilles sensations ont exercé sur la conduite privée et publique,
sur les événements, sur la marche de l'histoire une influence considé
rable, à grand'peine atténuée par la raison et par la science, combien
n'ont-elles pas frappé des sauvages ignorants et inquiets! D'expériences
quotidiennes et concordantes, l'homme a dû conclure au dédoublement
de la personne durant le sommeil, à l'existence d'un double attaché au
corps à certaines heures, mais capable de liberté, peu ou point gêné par
la destruction de l'enveloppe charnelle. »
De cette croyance à un double, à une àme qu'on a divisée en deux,
trois, quatre et jusqu'à sept parties plus ou moins distinctes, mais qui
se rapportent en somme à un principe vital et à un principe intelligent,
soc. d'anthrgp. 1902. 1 20 février 1902 98
est venue l'idée de conserver autant que possible le corps des personnes
mortes avec lequel demeurait une partie au moins de cette âme. Après
l'abandon du cadavre, qui a été pratiqué partout, on voit se succéder
parmi les rites funéraires : l'abandon de la maison, le corps livré aux
chiens, aux corbeaux et aux vautours ou jeté aux fleuves, a la mer et aux
volcans. On mange l'ennemi tué à la guerre et les parents malades ou
devenus vieux, ce qui n'empêche pas, le plus souvent d'en conserver
tout ou partie des os, qui sont parfois sculptés, vernis ou recouverts de
peinture et voilà l'origine du culte des reliques. Les Egyptiens et les
Américains préféraient conserver les corps à l'état de momies, que l'on
retrouve accroupies, debout, assises ou couchées selon les peuples.
L'inhumation dans la terre ou dans un sépulcre n'est qu'un abandon avec
certaines précautions contre la dispersion des os et pour que le poids de la
terre ne pèse pas trop sur le corps, linl'in la crémation, qui fut réservée
surtout aux puissants du monde et qui est recommandable au point de
vue delà salubrité, n'implique aucune atteinte aux conceptions animistes
puisque l'on conserve les cendres, ce qui n'aurait aucune raison d'être
si l'on ne croyait pas un peu à la résurrection du corps.
Toutes ces pratiques ont pour but de se débarrasser d'un corps gênant
et de satisfaire son double alin qu'il ne revienne pas tourmenter les
vivants et comme l'âme est si peu immatérielle qu'elle a besoin de nourri
ture, tous les peuples se sont ingéniés pour la garantir du froid, de la
faim et de la soif et lui assurer dans l'autre vie une existence à peu près
semblable à celle de la terre en allant jusqu'à sacrifier sur la tombe les
femmes et les serviteurs.
Ne nous hâtons pas d'en rire, car M. Girard de Rialle le dit avec raison :
« certaines superstitions bien portées, bien vues dans le monde qui se
dit bien pensant et bien élevé, ne le cèdent en rien comme grossièreté et
sottise aux croyances les plus étranges de pauvres sauvages pour lesquels
nous n'avons que dédain et mépris. » M. A. Lefèvre fait remarquer que
les tombes chrétiennes des premiers siècles abondent en bijoux, en monn
aies, en urnes, lampes et figurines. Le cheval de guerre, qui suit aujour
d'hui le cercueil de l'officier, était autrefois égorgé sur sa tombe, son
épée a remplacé la hache des anciens temps, les pleureuses à gages
représentent les femmes que l'on sacrifiait autrefois, le pain distribué
aux pauvres et le viatique, l'offrande du pain, du vin et de la pièce de
monnaie, ce sont les provisions de voyage qu'on déposait jadis dans le
cercueil et le sacrifice de la messe est l'équivalent des exécutions sanglant
es des temps anciens et modernes.
L'habitude d'ouvrir la fenêtre dans la pièce où vient de se produire un
décès, qui est encore si répandue chez les civilisés, correspond au trou
que les Chinois et les Esquimaux font dans le toit de la maison pour le
passage de Pâme; la lumière que l'on allume au chevet du mort est
l'équivalent des tisons que les Hottentots jettent par la fenêtre ou que
d'autres promènent autour de la maison pour éloigner le mauvais esprit;
Peau bénite dont on asperge le corps avec un rameau vert a continué les •
CrE. LEJEuNE. — LE CULTE DES MORTS Au XX" SiÈCLe 99
eaux lustrales, qui abondent dans toutes les religions et les fleurs et les
feuillages étaient également prodigués par les Papouas dans les maisons
et les bateaux, aussitôt qu'un décès s'était produit, pour que l'âme du
défunt ne vint pas les hanter. Tout cela est du pur animisme.
Dans le salut des hommes ou le signe de croix des femmes devant un
cercueil, je voudrais croire qu'il n'y a qu'une manifestation de sympathie
à la douleur présumée de la famille et des amis, ou une prière pour que
la divinité soit clémente à celui qui n'est plus, chose d'ailleurs assez
indifférente puisque son sort dans la vie future a été réglé, d'après les
croyants à l'instant même du décès. Mais je suis persuadé que ces démonst
rations sont plutôt un procédé plus ou moins instinctif et héréditaire,
plus ou moins conscient et superstitieux pour éloigner de soi-même un
mauvais présage, un revenant, l'esprit d'un damné peut-être, qui pourr
ait vouloir du mal aux vivants et dont on combat les maléfices en lui
manifestant ainsi le regret de le voir mort ou en priant la divinité de vous
protéger contre cette mauvaise rencontre. N'est-ce pas avec un signe de
croix que l'on exorcise et fait fuir le diable?
Gommen

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