Le Discours de la psychanalyse et la parenté - article ; n°97 ; vol.26, pg 93-106
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Description

L'Homme - Année 1986 - Volume 26 - Numéro 97 - Pages 93-106
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Charles-Henry Pradelles De
Latour
Le Discours de la psychanalyse et la parenté
In: L'Homme, 1986, tome 26 n°97-98. pp. 93-106.
Citer ce document / Cite this document :
Pradelles De Latour Charles-Henry. Le Discours de la psychanalyse et la parenté. In: L'Homme, 1986, tome 26 n°97-98. pp. 93-
106.
doi : 10.3406/hom.1986.368676
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1986_num_26_97_368676Pradelles de Latour Charles-Henry
Le Discours de la psychanalyse et la parenté
parenté notion qui Charles-Henry à la la parenté. joue lumière d'alliance occidental un — rôle du On Pradelles discours central, reprendra avancée s'articule de le système ici la par de sur psychanalyse l'analyse Latour, Lévi-Strauss. une trobriandais représentation du Le système réinterprété Discours Tandis est de métaphorique axé de parenté que sur par la psychanalyse deux le Lacan trobriandais système représendu et de père, de la et
tations paternelles dont l'une est davantage symbolique et l'autre imaginaire
au sens spéculaire du terme. Les Occidentaux ont un seul père, les Trobriand
ais deux. Ce dédoublement de la fonction paternelle inhérente à leur
conception de l'alliance rend compte des oppositions binaires qui sous-
tend ent les croyances et les mythes de cette société, et éclaire d'un jour
nouveau le problème aigu de la double filiation.
Le titre de cet article rappelle un vieux débat entre B. Malinowski et
E. Jones, débat qui vient d'être rouvert aux États-Unis par M. E. Spiro.
Aussi précisons tout de suite que nous désirons non pas renouer avec la
problématique freudienne, mais montrer que le déplacement du discours
de la psychanalyse opéré par Lacan permet d'aborder les systèmes de
parenté sous un autre angle que celui qui a prévalu jusqu'à présent.
Toutefois, pour rester fidèle à la tradition inaugurée par nos prédécesseurs,
nous nous en tiendrons au seul cas des Trobriandais, insulaires matrili
néaires de Mélanésie.
On se souvient de l'argument de Malinowski. Les jeunes Trobriandais,
qui appartiennent au sous-clan de leur mère, ont pour père légal leur oncle
maternel et disent n'avoir aucun lien de sang avec leur géniteur. Aussi, à
l'adolescence, le garçon entre-t-il en conflit non pas avec son père qui
est surtout pour lui une « nurse », mais avec le frère de sa mère. Autrement
dit, la structure familiale n'est pas la même dans toutes les sociétés, et
le complexe d'Œdipe induit en Occident par la filiation patrilinéaire n'est
pas universel (Malinowski 1969). E. Jones rétorque qu'en refusant au
père le statut de géniteur, les Trobriandais dénient et détournent la haine
L'Homme çy-ç8, janv.-juin iç86, XXVI (1-2), pp. Q3-106. CHARLES-HENRY PRADELLES DE LATOUR 94
qu'ils nourrissent à son endroit, mais qu'ils ne réussissent pas pour autant
à supprimer le père. Ils ne font que déplacer la rivalité sur l'oncle maternel
et reporter la convoitise dont la mère est l'objet sur une sœur (Jones 1925).
M. E. Spiro, pour sa part, affirme non sans arguments que les jeunes
Trobriandais sont en fait plus attirés par leur mère qui les a nourris au
sein que par leur sœur, et qu'ils sécrètent une hostilité inconsciente envers
leur père, principal partenaire sexuel de leur mère (Spiro 1982). Jones et
Spiro sauvent l'Œdipe, mais n'appliquent-ils pas trop rapidement un
modèle occidental à un système de parenté dont Lévi-Strauss a souligné
qu'il était fondé sur l'alliance ? (Lévi-Strauss 1958 : 51.) Telle est la thèse
que nous allons soutenir. Nous exposerons tout d'abord la théorie œdi
pienne de Lacan puis, fort de ses hypothèses, nous analyserons le système
de parenté des Trobriandais.
La psychanalyse ne privilégie pas, à la façon de l'anthropologie, un jeu
de classes (différences de sexe, d'âge et de groupe de filiation) qui
ordonnent et déterminent les relations d'Ego à ses aînés, ses collatéraux
et ses alliés ; il prend pour point de départ la relation mère-enfant. Si un
nourrisson n'est pas désiré par une mère réelle ou adoptive, il ne peut vivre.
L'enfant est d'abord l'objet d'un désir maternel, mais il ne saurait être
l'objet unique et total de ce désir à moins d'être entièrement aliéné dans
une relation duelle exclusive, source de folie. Avant de désirer l'enfant,
une mère a désiré un homme qui n'est pas obligatoirement le père légal.
La fonction paternelle se trouve ainsi scindée entre un père géniteur, objet
du désir de la mère, et un père social essentiellement représenté par le
nom de lignée ou de clan. Père réel et père social sont séparés non seul
ement dans la réalité, mais aussi symboliquement pour la simple raison
que le nom n'est pas la chose. Bien que dans le langage courant le nom soit
uni à l'objet qu'il représente, ces deux aspects du mot ne relèvent pas du
même ordre : l'un est un signifiant, support de sens, l'autre un signifié
renvoyant à une chose ou une idée. L'un, détaché de la réalité survit à la
disparition de l'objet, l'autre non. On ne sait plus très bien qui était
Socrate, mais on en parle encore. La relation primordiale mère-enfant est
donc traversée (croisée) d'emblée par le désir de quelque chose d'autre
représenté et pérennisé par un signifiant majeur qualifié Nom-Du-Père. Ce
nom, qui fait obstacle entre la mère et l'enfant, instaure tout d'abord une
loi. En intervenant en tiers il promulgue, dans le langage, l'interdit de
l'inceste que l'on pourrait résumer en ces termes : « Toi, enfant, tu n'es
pas tout pour ta mère car elle désire autre chose que toi. » Le Nom-Du-
Père n'est pas seulement privateur, mais est aussi créateur de sens, ayant
ainsi valeur de métaphore. Pour reprendre l'exemple des dictionnaires,
l'expression hugolienne : « Sa gerbe n'était ni avare ni haineuse » est méta
phorique car, en se substituant à Booz endormi, elle laisse transparaître Psychanalyse et parenté 95
un nouveau sens : malgré son âge avancé Booz peut encore être père. La
métaphore, qui implique la substitution d'un signifiant S' à un signifiant S
et la libération d'un nouveau signifié s, peut s'écrire :
S' S sa gerbe n'était ni avare ni haineuse Booz endormi
S s Booz endormi fonction paternelle
(vie possible)
La substitution du Nom-Du-Père à la relation désirante mère-enfant
engendre aussi un signifié paternel auquel l'enfant peut adhérer pour
tenter d'atteindre, à son tour, l'autre chose que sa mère désire.
S' S Nom-Du-Père désir de la mère
S s désir de la mère signifié paternel
(autre chose désirée)
De même que le signifiant est coupé de la chose signifiée, il a aussi pour
fonction de se substituer à d'autres signifiants et de fonder un jeu de
significations qui sont à la base des identifications personnelles (Pontalis
1958). Le Nom-Du-Père, privateur et donateur, rend compte des ambi
guïtés de la fonction paternelle, symbolisées dans l'imaginaire enfantin par
les figures contrastées du père fouettard et du père Noël, et dans l'imagi
naire religieux par le dieu séparateur, celui qui juge, et le dieu créateur ou
sauveur, celui qui donne. L'ambivalence de la fonction paternelle et celle
du sacré sont intimement liées.
La structure œdipienne revue par Lacan ne relève pas des faits ou du
comportement, mais d'un ordre de langage qui tient l'inceste pour imposs
ible — puisque l'au-delà désiré par la mère est inatteignable — et le père
pour symboliquement mort — puisque le nom qui le représente n'est pas la
chose. Cette structure témoigne ainsi d'une autre manière que l'anthro
pologie sociale de l'asymétrie des sexes. La métaphore paternelle pré
domine non parce que l'homme serait supérieur à la femme, mais parce
qu'il intervient à son insu en tant que symbole tiers, fondateur de la loi et
des idéaux. Aussi, peu importe théoriquement que le père réel soit présent
ou absent ; l'Œdipe

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