Le mal chinois - article ; n°1 ; vol.39, pg 29-31
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Description

Perspectives chinoises - Année 1997 - Volume 39 - Numéro 1 - Pages 29-31
3 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 22
Langue Français

Extrait

Shen Congwen
Isabelle Rabut
Le mal chinois
In: Perspectives chinoises. N°39, 1997. pp. 29-31.
Citer ce document / Cite this document :
Congwen Shen, Rabut Isabelle. Le mal chinois. In: Perspectives chinoises. N°39, 1997. pp. 29-31.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/perch_1021-9013_1997_num_39_1_2090CHINE /IDÉES
Le mal chinois
démontre quelques jusqu'ici lecture Tchiang dans Le de jusqu'au L'auteur laisse chez des à l'esprit démons un texte ses comportements sujet eux un ici des de droits Kai-shek contexte du empêchée dont est jour parler autres une qu'il dépendance éminemment Classiques Bourg la où et on seconde serait condition l'intellectuel de rédigés la lira à précis limitrophe, crise ses des de humains ci-après vain se confucéens. devoirs, de nature. fins polémique. : par de celui construire ses toute l'État dont de Shen prétendre la et lui concitoyens, de L'effort redressement traduction le permet il réforme. le citoyen la Congwen entendait tant rend S'il Réfutant : politique faute de rasseoir critique de à chacun date chinois (I.R.) son légendes prendre d'avoir suscité assumer (1902-1988) les d'ordre national irresponsabilité de le la thèses pour se pouvoir, nation 1935 été par une ou conduit moral le et éduqué conjurer ce d'idylles nationalistes, (1). certaine rôle. qui sur à il dernier la lancée Il stigmatise prônait en des Sa s'inscrit, même dans foncière. ses sujet de curiosité hauteur valeurs mais par vieux la notamment époque, soumis l'écrivain Chine connaissance avec tout devenu qui par à autant l'égard rurale, l'ont rapport la
SHEN CONGWEN
qui sont au pouvoir. La sagesse confucéenne qui gou
L'homme égoïste, trop attentif à verne la Chine depuis deux mille
"L ses droits, en oublie facilement ses ans a, à première vue, bâti sa théorie internationale notre endroit. Tel flatteur e Tous Chinois se est plaît les le que jugement à citoyens est formuler l'opinion égoïste." chipeu à
sur le principe du "non-égoïsme" : devoirs : à l'affût du moindre profit,
il néglige complètement l'humilité elle ne tarit pas de belles paroles sur
et l'esprit de sacrifice qui devraient nois ont eu à souffrir de ce verdict le sujet. Pourtant, dans la pratique,
humiliant. Il leur a coûté bien des présider aux rapports humains, il elle met l'accent surtout sur le "res
pect du souverain" et la "foi dans le peines et bien des déconvenues dans ignore la recherche du bonheur
la diplomatie et le commerce. Il faut collectif et le souci de la justice. mandat du ciel", ce qui fait d'elle
du courage pour réfuter une telle Il y a peu de chance que l'homme depuis toujours une arme magique
sentence. Car, fussiez-vous un par égoïste soit un patriote. Si le pays va entre les mains des gouvernants. Les
fait gentilhomme confucéen, il vous mal, l'égoïsme des individus y est maîtres d'aujourd'hui l'utilisent
suffit de jeter un regard sur les gens pour beaucoup. comme l'ont fait tous leurs prédé
qui, dans ce pays, administrent, Parmi les causes qui ont contribué cesseurs.
gèrent, ont la plume en main, tien à répandre cette mentalité chez nos Mais cette philosophie n'entre que
nent boutique ou font du commerce, concitoyens, il en est une particuli trop facilement en conflit avec la
pour prendre conscience de l'omni èrement notable à mes yeux, c'est le "nature humaine". Sublime en appa
rence, elle pèche en réalité par son présence du phénomène. La situa manque d'équilibre de la morale et
tion est même particulièrement de la philosophie anciennes. Les manque d'équité : si elle stipule
grave aux divers échelons de la temps ont changé, il faut une pensée quantité de "devoirs", elle ne ment
bureaucratie. Le fait est là : il s'agit nouvelle pour soutenir la nouvelle ionne guère de "droits". Tous les
d'un vice commun à la majorité des société ; ou bien, si l'on persiste à devoirs sont, semble-t-il, obligat
Chinois. Cependant, la responsabilit utiliser les idées anciennes, il faut oires, tandis que les droits dépen
dent entièrement de la grâce du sou- é en incombe principalement à ceux les corriger, les réformer.
PERSPECTIV ES CHINOISES N'39 JANVIER / FÉY RIER I997 29 CHINE /IDÉES
verain ou des dieux. Le savoir pas quels sont les droits d'un respect du passé aussi superstitieux
"homme" au cours de sa vie, ils ne consiste à reconnaître cette règle, à que vain, magnifié sous le nom de
accepter cette idée. Sur la masse des lui montrent pas que le patriotisme "patriotisme", et qui exaltent les
intellectuels chinois, pas un n'ose est un de ces droits. Penseurs et dir superstitions sous couvert de "retour
penser en ces termes : "Combien igeants ne font que s'en prendre à la à l'ancien". Bien que l'impasse dans
dois-je toucher pour mes services ?" jeunesse, et la brimer, comme s'ils laquelle le pays a été acculé soit ma
Celui qui se risquerait à penser de la espéraient encore que celui qui a le nifestement le résultat naturel des
sorte passserait pour un rebelle, ou ventre creux se gardera de voler par changements sociaux survenus au
du moins pour une espèce de fou, à peur de la foudre ou s'ils croyaient cours des quarante dernières années,
moins qu'on ne le traite de "mercan- que le "Classique de la piété filia ces gens-là en rejettent la responsab
le (2)" peut assurer la bonne marche ti". Sous un régime social qui oppos ilité sur le baihua, s'imaginant
e les "souverains et divinités" aux du monde : si l'on débite de qu'il suffit d'imposer la lecture des
"sujets et fidèles", le peuple est très pareilles sornettes en haut lieu, com classiques à l'école pour rétablir la
facile à dominer, mais il perd du ment espérer que les choses s'amél paix à l'intérieur et repousser
même coup sa créativité et son indé iorent dans le pays ? l'agression étrangère ; à moins
pendance. En vérité le mal national vient de qu'ils n'en accusent la coupe de
En temps ordinaire ces inconvé ce qu'on utilise de vieilles idées qui cheveux des jeunes gens. Comme
nients n'éclatent pas au grand jour, ne correspondent plus aux besoins s'il suffisait d'intervenir dans ces
mais que surviennent des troubles à du monde nouveau, et le résultat est menus détails pour instaurer la paix
l'intérieur ou à l'extérieur, que des désastreux. La nécessité qui s'impos universelle ! Ces gens ont conservé
failles apparaissent dans l'organisa e aujourd'hui, c'est de s'associer une sensibilité et une façon de pen
tion politique, que le verbiage édi dans un effort commun, et sur tous ser très proches des idéaux des
fiant cesse d'être coercitif, que la les plans — politique, économique, vieux lettrés féodaux ; et par mal
éducatif, littéraire — , pour créer par morale civique se dégrade, et alors heur ils parviennent aisément à per
suader les dirigeants locaux — letous s'empressent, par des chemins des moyens nouveaux les idées nou
différents, de mener le pays à sa velles dont a besoin un peuple nou squels pensent faire preuve de patrio
perte, avant de redevenir docilement veau. Il faut faire en sorte que tisme en se ralliant à cette philo
les loyaux sujets de la nouvelle chaque homme trouve plaisir à s'ac sophie — d'utiliser leurs strat
dynastie. Tout au long de l'histoire, quitter de ses devoirs envers le pays agèmes de vieillards pour brimer la
et que tous aient accès à l'ensemble le peuple n'a connu que des jeunesse. La confusion mentale dont
des droits qu'un "homme" peut devoirs : c'est en les accomplissant semblent souffrir ces intellectuels
qu'il se signalait à l'attention du revendiquer. Il n'y a rien de mal à les rend plus dangereux que tous les
souverain et des dieux, gagnant par exiger les "droits de l'homme", car égoïstes réunis, et leur maladie, si
là bonheur et dignités. Or, à présent c'est en eux que réside la semence elle ne touche qu'une minorité,
que les idoles capables de dispenser de toutes les civilisations modernes. réclame plus d'attention que celle de
honneur et opprobre sont renversées Un pays où la majorité des citoyens la majorité.
et que la croyance aux dieux s'éteint peut penser, s'adonner à des Le vrai patriotisme, le salut véri
peu à peu, la conscience de soi a, recherches et créer librement, est table pour le pays, ne résident pas
naturellement mieux loti qu'un pays pour la première fois, l'occasion de dans un "retour aveugle à l'ancien",
relever la tête : "Je ne

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