Le monde des pauvres à Paris au XVIIIe siècle - article ; n°4 ; vol.37, pg 729-763
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1982 - Volume 37 - Numéro 4 - Pages 729-763
The World of the Poor in Paris during the Eighteenth Century
Facing the world of the haves the asocial way of life of the have-nots poses threat Thus the judicial archives only reflect the criminal life of the sub-proletariat which has definitively fallen below the threshold of poverty. Although destitution is generally equated with a libertine existence, one of debauchery, fornication and abandoned children, in fact, misfortune tends to force into the streets those who were unable to prepare for hard times during their active years. Abandoned wives, widows, the invalid, the unemployed, victims of work-related accidents, bankrupts and deserters from the four corners of the kingdom enter the gates of the capital as outlaws, and find themselves reduced to the largesse of the Parisians. While the history of the Parisian sub -proletariat during the Enlightenment evades the strict accounting of statistical demography, nevertheless, the judicial archives expose the behavior of the poor to analysis. There one learns that Paris acquits itself badly of its debt to the needy, refuses to aid certain categories of the ill or invalid who seek hospitalization at the Hôtel-Dieu, the Quinze -Vingts, or the Hôpital Général, and grants a humiliating charity — in any case one which is hardly humane — , to the pauper, for whom the absence of funds, a fixed domicile, or employment already aggravate the situation. Ultimately, if this physically diminished world commands the attention of the forces of order, it is because these beggars are obliged to assure their survival at the expense of organized society.
35 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 89
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Christian Romon
Le monde des pauvres à Paris au XVIIIe siècle
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 37e année, N. 4, 1982. pp. 729-763.
Abstract
The World of the Poor in Paris during the Eighteenth Century
Facing the world of the haves the asocial way of life of the have-nots poses threat Thus the judicial archives only reflect the
criminal life of the sub-proletariat which has definitively fallen below the threshold of poverty. Although destitution is generally
equated with a libertine existence, one of debauchery, fornication and abandoned children, in fact, misfortune tends to force into
the streets those who were unable to prepare for hard times during their active years. Abandoned wives, widows, the invalid, the
unemployed, victims of work-related accidents, bankrupts and deserters from the four corners of the kingdom enter the gates of
the capital as outlaws, and find themselves reduced to the largesse of the Parisians. While the history of the Parisian sub -
proletariat during the Enlightenment evades the strict accounting of statistical demography, nevertheless, the judicial archives
expose the behavior of the poor to analysis. There one learns that Paris acquits itself badly of its debt to the needy, refuses to aid
certain categories of the ill or invalid who seek hospitalization at the "Hôtel-Dieu", the "Quinze -Vingts", or the "Hôpital Général",
and grants a humiliating charity — in any case one which is hardly humane — , to the pauper, for whom the absence of funds, a
fixed domicile, or employment already aggravate the situation. Ultimately, if this physically diminished world commands the
attention of the forces of order, it is because these beggars are obliged to assure their survival at the expense of organized
society.
Citer ce document / Cite this document :
Romon Christian. Le monde des pauvres à Paris au XVIIIe siècle. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 37e année,
N. 4, 1982. pp. 729-763.
doi : 10.3406/ahess.1982.282884
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1982_num_37_4_282884LE MONDE DES PAUVRES À PARIS AU XVIIIe SIÈCLE
Si l'histoire du « grand renfermement » a passionné historiens, démographes et
philosophes, on ne peut pas dire que la question de la mendicité soit aujourd'hui
épuisée. A vrai dire, l'histoire du sous-prolétariat parisien au siècle des Lumières
échappe encore au contrôle strict de la statistique démographique. Nous connais
sons bien l'idéologie de l'enfermement, en revanche nous ne saisissons qu'imparfai
tement les angoisses existentielles d'une fraction de la population urbaine qui a
basculé définitivement au-dessous du seuil de pauvreté. En théorie, tout se passe
comme si marginaux, criminels et vagabonds ne formaient qu'une seule famille,
alors que dans les faits le chômeur, l'éclopé, la veuve tombent dans la misère par
degrés. Les uns choisissent délibérément ou par dépit l'arme de la violence, les
autres ne tirent leur salut que dans le pain de la charité publique. Deux mondes qui
cohabitent dans la cité, qui donnent du fil à retordre aux forces de l'ordre et qui
finissent leurs jours dans les cachots humides des prisons parisiennes ou dans les
cabanons de Bicêtre. Nous avons consacré une étude sur un style de délinquant bien
précis : le mendiant, ce « déchet social » l dont l'histoire colle à celle de l'Hôpital
général de Paris. Nous livrerons ici quelques-unes de nos réflexions méthodolog
iques.
Cadre géographique parisien, sources parisiennes : pour sonder la misère nous
avons privilégié un type de sources qu'il n'est plus besoin de présenter ici puisqu'il
s'agit de la série Y des Archives nationales. Cette série judiciaire a déjà fait couler
beaucoup d'encre2. Au total, notre dépouillement a porté sur 338 liasses de la
série Y et nous a mis en contact avec 99 commissaires parisiens entre 1 700 et 1 784.
Toute méthode comportant des risques, nous avons eu de mauvaises surprises
puisqu'en gros le tiers seulement de notre enquête a répondu à nos vœux, de sorte
que l'on a été amené à conclure que la répression contre le vagabondage et la
mendicité est loin de faire l'unanimité au sein de la compagnie des commissaires au
Châtelet. Si 121 liasses nous permettent d'arrêter notre population indigente au
chiffre de 3 370 délinquants, on constate également que 64 96 de ces 99
commissaires ne se passionnent pas outre mesure pour cette mission policière de
bas étage et que 23 % seulement jettent toutes leurs forces dans la bataille. Pâle
reflet d'une législation pourtant abondante au xvnie siècle. En même temps, les
729 DOMAINES DE L'HISTOIRE LES
archives judiciaires sont loin de faire toute la lumière sur la mendicité à Paris au
xviiie siècle. Les pauvres ne se racontent pas, c'est là une donnée capitale, l'enquête
est donc faussée dès son point de départ. Devant le commissaire de police, le
vagabond n'a pas voix au chapitre : il avoue, il travestit la vérité ou bien il ment
effrontément. Mises bout à bout, les réponses de ces 3 370 délinquants nous
donnent une connaissance collective du monde des gueux, rarement une connais
sance individuelle de chacun de ces miséreux. En ce domaine, l'invention littéraire
aurait tendance à l'emporter sur la crédibilité scientifique. Nous avons devant nous
des orphelins, des femmes abandonnées, des veuves, des infirmes, des culs-de-jatte,
des chômeurs, des victimes des accidents du travail, des banqueroutiers et des
déserteurs. Ce défilé des petites gens séduit malgré le pessimisme amer qui s'en
dégage ; pour peu que l'on accompagne le pauvre jusqu'à sa dernière demeure,
c'est-à-dire le charnier des Saints-Innocents, l'enquête prend alors des allures de
tragédie. Le pauvre n'a pas d'histoire, mais de toute évidence, il collectionne les
mésaventures. La misère est là qui lui emboîte le pas. Traduite en données brutes,
voilà ce que donne une manipulation statistique des rapports de police lorsque la
documentation permet de recenser les pauvres et d'analyser leurs comportements.
Pour se convaincre de la difficulté de la tâche, il suffit de dire que le pourcentage des
réponses d'un mendiant à un autre est si peu uniforme que les graphiques, tableaux
et commentaires portent sur des écarts allant jusqu'à 30 96 .
I. — L'état civil du pauvre
L 'âge, le sexe et la taille des mendiants
96 % des procès- verbaux de capture de mendiants inscrivent l'âge du
délinquant et ce, quelle que soit la forme ou la teneur du document. C'est un succès
d'un point de vue statistique, mais ce pourcentage ne doit pas être pris à la lettre.
Régulièrement, le commissaire ou son clerc recrée artificiellement l'âge du
mendiant quand celui-ci l'ignore ou feint de l'ignorer. Graphiquement, cela donne
aux structures masculines et féminines de la pyramide des âges les envolées
fantaisistes des âges ronds comme 20, 30, 40, 50 ou 60 ans. Que peut-on dire de
cette pyramide des âges ? En premier lieu, dans la proportion de près des trois
quarts, le mendiant est un homme (2 435/3 370 = 72,25 96), les femmes ne
constituent que 27 96 de notre population de pauvres (935/3 370 = 27,74 96).
Chez les hommes, 68 96 ont entre 7 et 50 ans (7 à 25 ans : 33,54 % ; 26-50 ans :
34,69 96), 31 % ont, en théorie du moins, entre 51 et 100 ans (51-75 ans:
28,66 96 ; 76-100 ans : 3,09 %). Chez les femmes, 60 % ont de 7 à 50 ans (7-
25 ans: 16,24 % ; 26-50 ans : 43,71 96), 40 96 ont entre 51 et 100 ans (5 1-75 ans :
33,8 1 96 ; 76-1 00 ans : 6,22 96). Le benjamin des deux groupes a 7 ans, le doyen et
la doyenne auraient, aux dires de la police, respectivement 99 et 100 ans 3. En
second lieu, les femmes vivent plus longtemps que les hommes : 6 96 d'entre elles
ont dépassé le cap des 75 ans contre 3 % chez les hommes. Ces mendiantes du
« troisième âge » gardent le contact avec la réalité économique jusqu'au bout. Elles
sont plus actives que les hommes, elles recherchent les expédients et les petits
travaux d'appoint pour survivre quand la charité publique n'est pas à la générosité.
L'âge n'intimide pas le commissaire, il est très rare de trouver en effet dans un
rapport de police la mention « elle sera relaxée attendu son grand âge », exception
730 С. ROMON LES PAUVRES À PARIS
ce faite sont pour les l'année lendemains 17

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