Le pape face à l Islam au VIII siècle - article ; n°1 ; vol.32, pg 205-216
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Le pape face à l'Islam au VIII siècle - article ; n°1 ; vol.32, pg 205-216

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Description

Mélanges de la Casa de Velázquez - Année 1996 - Volume 32 - Numéro 1 - Pages 205-216
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 51
Langue Français
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Extrait

M. Michel Rouche
Le pape face à l'Islam au VIII siècle
In: Mélanges de la Casa de Velázquez. Tome 32-1, 1996. pp. 205-216.
Citer ce document / Cite this document :
Rouche Michel. Le pape face à l'Islam au VIII siècle. In: Mélanges de la Casa de Velázquez. Tome 32-1, 1996. pp. 205-216.
doi : 10.3406/casa.1996.2764
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/casa_0076-230X_1996_num_32_1_2764pape face à l'Islam au vme siècle Le
Michel Rouche
Université Paris IV - Sorbonne
Le comportement et l'attitude des papes face à l'Islam* lors de l'arrivée des Arabes en
Orient puis en Occident ont été jusqu'ici fort peu étudiés. La raison en est due pour une
grande partie à la rareté des documents concernant cette question, au fait que la corre
spondance officielle des papes n'a été sauvée qu'en partie et, surtout à la pratique des ins
tructions orales confiées aux porteurs de ces lettres. Nous ne saurons donc jamais ce qui
leur a été ordonné. De plus les relations de l'Église de Rome avec celle d'Espagne étaient
réduites au strict minimum. En effet les textes d'origine espagnole chrétienne ne parlent
presque jamais des liens avec le successeur de Pierre1. Si nous nous tournons vers l'Italie,
en revanche, le Liber Pontificalis et les lettres pontificales vont nous permettre d'aboutir à
quelques définitions de l'attitude politique et religieuse des évêques de Rome devant les
nouveaux venus. Nous apercevons deux moments d'interventions particulièrement actifs,
l'un avant l'affaire de Toulouse en 721, l'autre avant celle de Roncevaux en 778. Vu l'im
portance des deux acteurs, Grégoire II et Hadrien, cela nous incitera à nous demander quel
était le degré précis de connaissance de l'Islam que l'on pouvait avoir alors à Rome.
Avant 72 1 , les papes ne semblent point se considérer comme directement concernés par
les conquêtes musulmanes. Les notices du Liber Pontificalis qui, comme on le sait, sont
rédigées immédiatement après la mort de chaque pontife sont en général d'une grande pré
cision et d'une grande qualité. Tous les historiens qui ont étudié cette source sont d'accord
pour dire que les auteurs inconnus de ces notices expriment en fait l'option officielle des
* Cet article, comme celui de Bertrand Fauvarque, constitue la version écrite d'une communication au col
loque « El siglo vin. Islam y Occidente, un primer encuentro », coorganisé à Madrid par la Casa de Velazquez,
l'Université d'Alcalâ et FInstituto de Cooperation con el Mundo Arabe, qui s'est déroulé du 31 mars au 3 avril
1993 et dont les actes n'ont pas fait l'objet d'une publication en volume.
1 Avant l'invasion de Tarik il n'y a que deux mentions. Cf. Chronica Muzarabica, dans Corpus Scriptorum
Muzarabicum, éd. J. Gil, Madrid, Institute Antonio de Nebrija, 1974, pp. 22-23 et 28-29 '. le concile de Cordoue
qui est postérieur à notre époque se contente d'une allusion de pure forme à l'ordination d'hérétiques comme si
elle avait eu lieu au siège de Rome. Quant à Élipand, lorsqu'il vient à parler du siège de Rome, c'est pour en
contester la primauté : Elipandi epistula adMigetium {ibid., 12, p. 77, 13, p. 78). On comprend dans ces condi
tions que Rome soit absente d'Espagne. 206 MICHEL ROUCHE
milieux romains. Or il n'y est point fait mention de la chute de Jérusalem ni de celle de l'E
gypte, ni en 655 de la défaite navale de l'empereur Constant II au large des côtes de Lycie
devant les Sarrasins. Le danger n'est vraiment perçu qu'après l'assassinat de Constant II
à Syracuse en 668, lequel enclenche ensuite une tentative arabe réussie de pillage sur la
Sicile. Encore faut-il souligner qu'il s'agit là d'une prise de conscience à retardement,
puisque cet événement au lieu d'être porté au compte du pontificat de Vitalien se trouve
relaté dans celui d'Adéodat alors qu'il lui est antérieur2. En somme Rome ne porte d'at
tention aux Arabes qu'à partir du moment où l'Italie est visée, après coup et sans émotion.
Ce n'est plus le cas sous Jean V où les Sarrasins sont qualifiés de « peuple innommable »,
lorsque Justinien II fait la paix avec eux3. Par la suite, de 686 à 715, jusqu'au pontificat de
Grégoire II, le silence est complet. Or leurs victoires continuent. Puis brusquement la
notice décrivant la vie de ce pape est beaucoup plus longue que celle de ses prédécesseurs
et comporte, fait exceptionnel, deux recensions fort différentes l'une de l'autre, comme si
le deuxième rédacteur cherchait à rattraper les erreurs et les bévues du premier. Celui-ci,
qui rédige déjà du vivant de Grégoire II (715-731), ne veut pas dire quelle est la date de
l'invasion de l'Espagne (711) par les Sarrasins, probablement pour éviter d'accabler son
prédécesseur qui n'a point réagi. Du coup, il fait croire — à tort — qu'elle a eu lieu sous
ce pontificat. En revanche il insiste énormément sur l'initiative de ce pape en faveur
d'Eudes, roi d'Aquitaine, avant la bataille de Toulouse en 72 1 . Ensuite il ignore la bataille
de Poitiers en 732. Le deuxième rédacteur, en voulant corriger, se trompe à son tour en
confondant l'invasion de 721 avec celle de 737 qui traversa le Rhône. Le moins que l'on
puisse dire est que ces deux auteurs contemporains des faits étaient bien mal renseignés.
Il devait en être de même pour les papes en question. Mais, à coup sûr, l'urgence de la situa
tion a été perçue brusquement par Grégoire II4.
C'est alors qu'intervint la première initiative romaine contre l'Islam. En 720 il envoya
au prince Eudes d'Aquitaine trois éponges liturgiques qui servaient à recueillir le vin
consacré tombant sur l'autel pontifical « en signe de bénédiction, pour le temps pendant
lequel la guerre était engagée5 ». Cet envoi, qui devait être accompagné d'une lettre à
2 Liber Pontificalis, éd. Mgr Duchesne, Paris 1955, 1. 1, pp. 343-344 (cité Liber Pontificalis) pour la notice de
Vitalien qui s'étend sur les mauvais traitements, notamment fiscaux, infligés par l'empereur aux citoyens de
l'Italie, de la Sicile et de l'Afrique. En revanche la phrase suivante constitue la première mention des Sarrasins :
« Postmodum venientes Sarraceni Siciliam, obtinuerunt predictam civitatem et multa occisione in populo qui in
castris seu montanis confugerantfecerunt, etpraedia nimia vel aère qui ibidem a civitate romana navigatumfue-
rat secum abstollentes Alexandriam reversi sunt » (ibid., p. 346). Or ceci s'est passé en 668, et non après 678
comme le ferait supposer cette mention dans le pontificat d'Adéodat.
3 « Qui clementissimus princeps domino auxiliante pacem constituit cum nee dicenda gente Sarracenorum
decennio terra manque » (Liber Pontificalis, p. 366).
4 Je renvoie évidemment à la démonstration de Mgr Duchesne, Liber Pontificalis, pp. CCXX-CCXXIII, et à
mon commentaire des événements dans ma thèse, L'Aquitaine des Wisigoths aux Arabes (418-7 11), Paris, 1979,
pp. 1 1 i-l 17 (cité M. Rouche, L'Aquitaine).
5 « Eodem tempore nec dicenda Agarenorum gens a loco qui Septem dicitur transfretantes Spaniam ingressi,
maximan occiserunt partem cum eorum rege; reliquos omnes subdiderunt cum suis bonis et ita eandem provin-
ciam annis possiderunt decem. Undecimo vero anno generalis facta Francorum motio contra Sarracenos cir-
cumdantes interemerunt. Trecinta enim septuaginta quinque milia uno sunt die interfecti, ut Francorum missa
pontificis epistola continebat; mille tantum quingentos ex Francis fuisse mortuos in eodem belle dixerunt, quod
anno praemisso in benedictione a praedicto viro eis directis tribus spongiis quibus ad usum mense pontificis PAPE FACE À L'iSLAM AU VIIIe SIÈCLE 2O7 LE
Eudes, malheureusement disparue, signifiait que cette guerre était bénie par le pape et
qu'elle avait été prévue puisque l'expédition en avait été faite un an avant la bataille de
Toulouse du 9 juin 72 1 . Grégoire II a donc voulu donner à cette guerre un aspect religieux
et même sacré par l'usage quasi « eucharistique » qu'en firent Eudes et ses soldats lors
qu'ils mangèrent ces éponges découpées en petits morceaux. Il devait songer probable
ment à faire de ce prince le champion de la lutte anti-islamique, puisque l'empereur se
révélait décevant dans ce domaine, et ensuite l

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