Le pays Khmer avant Angkor - article ; n°1 ; vol.1, pg 59-95
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Description

Journal des savants - Année 1986 - Volume 1 - Numéro 1 - Pages 59-95
37 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Monsieur Claude Jacques
Le pays Khmer avant Angkor
In: Journal des savants. 1986, N°1-3. pp. 59-95.
Citer ce document / Cite this document :
Jacques Claude. Le pays Khmer avant Angkor. In: Journal des savants. 1986, N°1-3. pp. 59-95.
doi : 10.3406/jds.1986.1494
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jds_0021-8103_1986_num_1_1_1494LE PAYS KHMER AVANT ANGKOR
L'historien du pays khmer pré-angkorien dispose de deux sortes de
documents écrits : il s'agit d'abord de textes chinois, où l'on trouve, en
particulier dans les annales dynastiques, d'assez nombreux passages conte
nant des allusions ou même entièrement consacrés au Fou-nan l ou au
Tchen-la, noms par lesquels ils désignent des royaumes qui semblent avoir
occupé successivement tout ou partie de l'ancien territoire khmer. Ces textes
ont été étudiés par Paul Pelliot en 1903 2 ; il en a fait magistralement ressortir
l'intérêt et les limites, mais les sinologues ne s'y sont guère intéressés depuis
lors. Il y a d'autre part l'épigraphie locale, évidemment fondamentale ;
toutefois "les plus anciens documents connus, qui sont d'ailleurs rares,
n'apparaissent pas avant les environs du milieu du Ve siècle, en retard de près
de deux siècles sur les premiers textes chinois qui se rapportent à ce pays.
C'est ce qui explique que ce soit à partir des données chinoises que l'on
a défini les trois grandes périodes de l'histoire pré-angkorienne et que l'on a
donné à ces périodes le nom du royaume dominateur selon ces mêmes
sources : on distingue ainsi d'abord la période du Fou-nan, qui s'étend
depuis les débuts, d'ailleurs fort imprécis avant le milieu du IIIe siècle,
jusqu'au VIe siècle environ, d'après le nom de cet empire qui apparaît tourné
vers la mer et qui aurait, dit-on, pratiqué un commerce actif avec la Chine et
aussi avec l'Inde; puis, à partir de la fin du VIe siècle, vient la période du
Tchen-la, Etat plus continental, considéré comme un ancien vassal du
précédent, qui se serait divisé en deux au VIIIe siècle pour former le Tchen-
la de terre et le Tchen-la d'eau, caractérisant ainsi la troisième et dernière
période. On a pu considérer que l'épigraphie corroborait tant bien que mal
ces vues étrangères et il est vrai que l'on peut reconnaître parfois à travers les
transcriptions chinoises certains des noms sanscrits livrés par les inscrip-
1. J'ai conservé ici la transcription traditionnelle, dite de l'Ecole française d'Extrême-
Orient. En transcription pin-vin, il faudrait écrire Funan et Zhenla.
2. Le Fou-nan, dans Bulletin de l'École française a" Extrême-Orient [BEFEO], t. III, p. 348-
303- 6o CLAUDE JACQUES
tions, dont les dates exprimées ou supputées ne contredisent pas celles que
l'on peut tirer des documents chinois.
La réalité, encore mal discernée, apparaît cependant comme sensibl
ement plus complexe. Déjà, dans le début de la période founanaise, l'historien
se heurte à une situation tout à fait paradoxale : tandis que les sources écrites
sont exclusivement chinoises, les fouilles archéologiques, notamment celles
de l'ancien port d'Oc-èo, dans le Sud du Viêt-nam, ont livré une abondance
d'objets indiens, une quantité non négligeable d'objets romains ou tout au
moins méditerranéens, et seulement quelques objets chinois. L. Malleret a
pu écrire : « En fait, la proportion d'objets de provenance chinoise est bien
plus faible, à Oc-èo, que celle des documents méditerranéens»3. Ainsi,
même pour les débuts de l'histoire khmère, il convient de relativiser l'intérêt
de ces sources chinoises, qui ne sauraient livrer en tout état de cause qu'une
partie de la réalité, car on sait bien que tous les témoignages matériels de
rapports avec l'Inde sont amplement expliqués par la forte indianisation que
l'on constate dès les premiers monuments épigraphiques, même si aucun
texte antérieur de l'Inde propre ne vient donner le pourquoi et le comment
de cette indianisation.
On éprouve aussi des difficultés sérieuses à reconnaître en particulier
deux noms constamment utilisés par les annalistes chinois, et non des
moindres puisqu'il s'agit précisément de Fou-nan et de Tchen-la. Ce dernier
nom n'a pu recevoir jusqu'à présent d'explication locale, tandis que George
Cœdès a proposé de retrouver dans Fou-nan le mot khmer vnam « monta
gne », équivalence qui ne laisse pas de poser certains problèmes, ne serait-ce
que par les spéculations hautement discutables auxquelles elle a pu servir de
fondement.
On voit bien ainsi que la correspondance établie entre les deux sources
historiques principales n'a pu être réalisée que grâce à une immense
confiance dans les textes chinois et à une certaine ingéniosité déployée par les
savants. Cette démarche était rendue nécessaire par la disproportion des
deux sources, mais il est clair qu'elle eût dû normalement suivre un chemin
inverse : en bonne méthode, ce n'est en effet qu'après avoir étudié la
situation présentée par l'épigraphie qu'il aurait fallu chercher des confirmat
ions éventuelles dans les écrits étrangers. Si pour les origines cette
démarche normale ne peut encore être suivie, faute de documents indigènes,
3. Archéologie du Delta du Mékong, t. III, p. 395. LE PAYS KHMER AVANT ANGKOR 6i
il convient pour la suite d'essayer aujourd'hui de retirer d'abord nos
renseignements d'une épigraphie devenue plus riche; en particulier, il faut
tenir compte de deux nouvelles inscriptions sanscrites récemment découvert
es en Thaïlande, qui fournissent l'occasion de remettre en cause un certain
nombre de données sur lesquelles chacun se fondait jusque là faute de mieux,
aussi mal assurées fussent-elles.
Le premier problème qui se pose au chercheur est celui de l'étendue et
donc de la définition même de ce que les Chinois ont appelé le « Fou-nan ».
Quelques textes, qui peut-être empruntent à un auteur commun, avancent
que le Fou-nan « s'étend en largeur sur plus de trois mille li ». Mais on ne
sait pas à quelle période de l'histoire ce renseignement s'applique. De plus,
on ne sait guère mieux comment entendre cette « largeur », au demeurant
fort imprécise. On peut certes penser qu'elle représente une profondeur à
l'intérieur des terres, et c'est apparemment l'interprétation habituelle. Il est
pourtant peu vraisemblable que cette distance ait été comptée à vol d'oiseau
et à partir d'un point quelconque de la côte supposée du Fou-nan ; les
voyageurs chinois étant venus par bateau, on pourrait encore considérer
qu'ils ont remonté le Mékong sur environ i 200 kilomètres (en comptant 400
mètres pour un //, ce qui est un maximum à cette époque, semble-t-il) :
abstraction faite de l'obstacle que représentent les chutes de Khong pour un
navigateur, on arriverait ainsi à peu près à la hauteur de Vientiane, ou encore
à celle de Phimai si on obliquait dans la Se Moun. Cette solution serait à la
rigueur acceptable : YHistoire des Souei dit que le « Tchen-la » était
« originairement un royaume vassal du Fou-nan »4 ; or on s'accorde à voir le
centre de ce royaume dans la région de Champassak, dans le Sud du Laos
actuel, et des inscriptions nous enseignent que, dans la seconde moitié du VIe
siècle en tout cas, il occupait la vallée de la Se Moun et une partie difficile à
apprécier du Cambodge septentrional, ou y avait au moins poussé des
incursions. Il faudrait donc alors considérer que l'indication des trois mille /*
remonte à une époque ou « Tchen-la » et « Fou-nan » étaient territorialement
unis.
Cependant le Fou-nan est représenté au IIIe siècle, à la suite des
conquêtes attribuées au roi Fan Che-man, comme un empire maritime qui
regroupait un certain nombre de ce qu'on pourrait appeler des « cités-
Etats », formées de ports qui s'égrenaient tout autour de la mer intérieure —
4. Citée dans Le Fou-nan, art. cit., p. 272. 62 CLAUDE JACQUES
« très large », « qu'on ne peut traverser directe

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