Le programme global - article ; n°1 ; vol.1, pg 831-842

Gisèle Bertrand, Pierre-Alain Mercier, Chantal Chantaldegournay

Description

Sociologie de la communication - Année 1997 - Volume 1 - Numéro 1 - Pages 831-842
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: SOCIOLOGIE_DE_LA_COMMUNICATION
• Publié le: 01 janvier 1997
• Nombre de lectures: 11
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Gisèle Bertrand
Pierre-Alain Mercier
Chantal de Gournay
Le programme global
In: Sociologie de la communication, 1997, volume 1 n°1. pp. 831-842.
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Bertrand Gisèle, Mercier Pierre-Alain, de Gournay Chantal. Le programme global. In: Sociologie de la communication, 1997,
volume 1 n°1. pp. 831-842.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_004357302_1997_mon_1_1_3872LE PROGRAMME GLOBAL
Chantai Pierre-Alain Gisèle de BERTRAND GOURNAY MERCIER
Réseaux Reader 1 997
831 - taire du terrain, les données recueillies ont
pu nourrir des analyses suffisamment
riches qu'il ne peut être question de déve
lopper ici. Elles ont fait l'objet d'un rap
port disponible au CNET (*). Nous tente
rons simplement de repérer les principaux
questionnements auxquels ce travail
apporte des commencements de réponse.
Si l'on appréhende le zapping dans sa
« réalité » statiques, on aboutit très vite à en
épuiser l'intérêt. En considérant le zapping
comme l'ensemble des « décrochages » de
programmes de l'ensemble des téléspectat
eurs, on obtient une mesure du phénomène
peu significative en raison de sa dilution : le
poids des pratiques peu intenses de la
grande majorité et des zappeurs occasion
nels vient masquer l'expression des pra
tiques des zappeurs véritables.
LE propos de cet article sera d'analys Les chiffres de Médiamétrie indiquent
er, à partir des pratiques de zapping une moyenne de 15 à 20 changements de
(changements fréquents d'une chaîne par jour en France, ce qui n'a
chaîne à l'autre en cours de programme), aucune commune mesure avec le « score »
la logique concrète de la réception des pr d'un de nos zappeurs enquêtes, lequel se
ogrammes télévisés. Le statut exploratoire situe autour de 240 changements en deux
de la recherche était lié au souci de tester heures d'écoute. L'instabilité de l'écoute,
une démarche méthodologique qui n'avait telle qu'elle peut être repérée par les in
pas encore été expérimentée. Après une struments de mesure dont on dispose
phase préliminaire d'interviews « clas actuellement, se concentre sur des plages
siques », nous avons enregistré, avec des horaires qui correspondent à des « carre
magnétoscopes asservis à la télécom fours » et que chacun de nous peut intuit
mande, des programmes tels qu'ils ont été ivement repérer à partir de l'observation de
effectivement reçus et « modulés » par des sa propre pratique : les journaux télévisés,
zappeurs. Puis nous avons interrogé ces balayages éventuels en fin d'émission,
zappeurs en les confrontant à ces bandes recherche à l'aide de la télécommande
vidéo enregistrées, les mettant ainsi en d'un programme précis dont on a oublié
positon de découvrir, d'expliquer et de sur quelle chaîne il est diffusé, et bien sûr,
commenter le résultat de leur propre pra ce qui inquiète mais ne surprend personne,
tique. Les données recueillies se compos décrochages au cours des écrans publicit
ent de 11 interviews (dont 5 autonomes, aires. Il n'y a pas là matière à réflexion.
non associées au commentaire des bandes Aussi faut-il déplacer le point de vue et
vidéo) et de 6 enregistrements vidéo. Ces ne plus considérer la globalité artificielle
d'une pratique associée à un public lui- trois types de données, relevant de deux
corpus bien distincts (des discours et des même perçu comme global.
programmes), peuvent être appréhendés C'est le zapping du zappeur qui sera ici
séparément, comparativement ou bien analysé, en tant que pratique singulière,
conjointement. Malgré la limitation irréductible aux diagnostics statistiques
(*) « Fragments d'un récit cathodique. Une approche empirique du zapping », collection CNET/Réseaux, novembre
1988.
833 — par des instruments de mesure dont s'estimant déçu ou safisfait, manipulé ou fournis
la fiabilité est contestée, puisqu'ils ne ren manipulateur, selon une hiérarchisation
qu'il aura lui-même établie ; dent pas compte d'un comportement ind
— une autre variante de la démarche norividuel mais d'un agrégat de réactions
imputables aux divers membres du mative consiste à se demander lequel,
ménage qui constitue à l'heure actuelle la parmi les modes d'usage spécifiques qu'on
seule unité de réception « mesurable ». a repérés, a le plus de probabilité de se
Sans doute les caractéristiques de récep constituer en usage dominant dans le futur
(à défaut de cette interrogation prospecttion du zappeur sont-elles actuellement
minoritaires dans l'ensemble des téléspec ive, les observations du chercheur passe
raient pour être « platement empiriques »). tateurs ; et peut-être ne sont-elles pas éga
lement distribuées dans les diverses strates Il semble donc illusoire de prétendre
que le chercheur se trouve à l'abri d'une socio-démographiques. Mais elles semb
lent à ce point liées aux formes actuelles vision normative de la pratique dès lors
d'une certaine culture médiatique (culture qu'il adopte le point de vue du récepteur.
Une manière de tenir à distance cette tendes média, et non culture par les médias)
que l'analyse des comportements qui leur tation normative, c'est de ne pas coller à la
sont liés en demeure légitime : ces com description exhaustive des modalités de
portements seraient sinon prédictifs (de ce l'acte de zapper, dont l'interprétation reste
de toute façon tributaire du discours plus que sera, d'ici à quelques années, le mode
« normal » de consommation de pro ou moins construit (et donc plus ou moins
grammes télévisés), du moins symptoma- normatif) de l'usager.
tiques (de l'instauration de nouveaux Dans cette optique, la description des
modèles de production, de gestion et de occurrences du zapping n'est qu'un moyen
pour arriver à définir le type de relation consommation de l'information, d'autres
symptômes pouvant être repérés tant dans que le récepteur entretient avec le média.
le domaine de la production de marchand Autrement dit, le « comment » du zapping
ises culturelles - disques, livres... - que se transforme au terme de l'analyse en un
dans celui des pratiques de communication « pourquoi regarde-t-on la télévision ? »,
téléphonique, par exemple). par le jeu d'un passage incessant entre la
En partant du point de vue du récepteur pratique du zappeur (telle qu'elle est
(le téléspectateur zappeur), on peut rendre objectivée par la méthode de prélèvement
compte des occurrences spécifiques de opérée par le chercheur) et son discours
l'usage de la télécommande. Mais c'est en sur sa pratique.
définitive la partie la moins intéressante du
travail du chercheur car elle se heurte à des
considérations « normatives » : De la relation au média et
- Un usage est presque toujours « instr de l'identité de la télévision
umental », c'est-à-dire assujetti à des cri
L'observation des actes de réception tères d'efficacité, même lorsqu'il est en
apparence associé à des conduites subjec nous a permis de caractériser un nouveau
type de relation à la télévision. Mais cette tives, parce que se pose inévitablement le
problème de son adéquation avec les relation n'est que le cadre à l'intérieur
attentes - conscientes ou pas, explicites ou duquel les actes de réception s'organisent
pas - du téléspecteur. Même lorsque le selon un ordre de circonstance (aléatoire)
qui échappe à toute tentative de théorisa- chercheur essaie d'éviter la question nor
mative du « bon » ou du « mauvais » tion, au stade actuel de la recherche.
usage de la télécommande, elle sera de Autrement dit, le « cadre » (la relation)
toute façon réintroduite par le récepteur constitue la seule structure à peu près
lui-même, qui se jugera bon ou mauvais stable, à l'intérieur de laquelle les actes de
zappeur au terme d'une soirée en fonction réception sont constamment retraités, voire
ren&