Le sujet contre le réel ? - article ; n°1 ; vol.71, pg 68-79
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Description

Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique - Année 2001 - Volume 71 - Numéro 1 - Pages 68-79
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2001
Nombre de lectures 32
Langue Français

Extrait

Maria Lafitte
Le sujet contre le réel ?
In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique. N°71, 2001. pp. 68-79.
Citer ce document / Cite this document :
Lafitte Maria. Le sujet contre le réel ?. In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique. N°71, 2001. pp. 68-79.
doi : 10.3406/chris.2001.2302
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_2001_num_71_1_2302Le sujet contre le réel ?
Maria Lafitte
Dans ses entretiens avec F. Khosrokhavar, A. Touraine ' dresse
indissociablement le bilan de sa pensée et de sa vie, cette
confusion se poursuivant à travers sa figuration de la réalité,
entre ce qu 'il la dit être et ce qu 'il voudrait qu 'elle soit. Cette
ambivalence est au fondement de ce qu'il appelle « le sujet » : à
la fois un principe universel et une affirmation particulière, un
idéal et une volonté incarnée, une vertu (très chrétienne : la
résistance à la souffrance) et un réflexe de survie, un engage
ment et une ascèse (plutôt du côté d' Epicure que des Stoïciens,
quoi que...).
Dès sa première question, F. Khosrokhavar dévoile l'ambivalence
d'une « sociologie du sujet » : s'agit-il de fournir un outil d'analyse des
actions individuelles et collectives ou de « nous aider à nous assumer
dans notre vie »? S'il pense que la sociologie doit s'appliquer à transfo
rmer la réalité, A. Touraine nous entraîne pourtant bien plus vers la part
intérieure de l'individu, celle où se joue sa capacité à avoir prise sur lui-
même dans la réflexion et l'action, celle qui échappe aux institutions ;
loin, en tout cas, de la « logique » du « système » et de l'idée de
« société » qui, depuis plus d'une décennie, ne le préoccupent plus guère.
C'est que, dit-il, elles ont perdu toute pertinence dans la réalité comme
dans son observation (31) avec l'autonomisation du « social » par rapport
à l'économique et au politique ; et c'est précisément parce qu'il essaie de
s'extraire de leur pression qu'un « sujet » se révèle.
Le Sujet ou le sujet Touraine ?
Pour un sociologue de l'action collective, théoricien des « mouvements
sociaux » après avoir scruté la « conscience ouvrière », ce recentrage sur
l'expérience personnelle représente plus que ce qu'il décrit comme un
* Maria Lafitte est étudiante en sociologie et membre du Comité de rédaction d'Autres
Temps.
68 Le sujet contre le réel ?
« déplacement » de sa réflexion : un revirement, plus, une révolution
épistémologique, au nom de laquelle il appelle à redéfinir le champ
même de la sociologie - qui lui permette de s'en réclamer encore. Son
regard ne s'arrête plus à la part visible du réel, il cherche en elle de quoi
étayer la perception qu'il en a, celle d'une virtualité au cœur de la réalité :
le sujet ne peut s'appréhender de façon tangible, il ne « se voit » pas
comme un être concret ; au plus se devine-t-il, à travers un regard, « mouvement de pénétration du sujet dans un être ou (...) rejet du
sujet par cet être » (81), et se connaît-il lorsqu'il s'éprouve « en flagrant
délit d'exister », comme le dit joliment F. Khosrokhavar, ou au contraire
dans « l'intensité de la désubjectivation » (106). Il est un rapport à soi et
aux autres, plus encore qu'à l'environnement, une relation entre un être
conscient de soi et de sa « nudité », et les logiques destructrices qui le
menacent (245).
C'est dire s'il lui a fallu faire le deuil de sa réflexion originelle sur la
conscience historique de l'« acteur » de la société industrielle pour appri
voiser la « dangereuse » idée de sujet (41), penser l'irréductible singular
ité du sujet qui, dans le présent et l'humilité, construit le sens de sa
propre histoire plutôt qu'il ne cherche à faire l'Histoire. S'il en conjure
« les visions grandioses » (14), les multiples ambivalences de sa
réflexion, comme l'oscillation du sujet lui-même - synthèse de colère et
d'acceptation, de contestation et d'espoir, d'altruisme et de dégage
ment -, témoigneraient-elles de ce que cette transition épistémologique
est encore inachevée ? Le sujet ne vient-il au secours d'une nouvelle
téléologie, non pas une eschatologie historique et collective mais une uto
pie du présent construite par chacun ?
Corollaire de la « désocialisation », de la fin de la transcendance du
politique et de la « crise de l'espace publique », « l'idée de sujet » se jus
tifierait à la fois comme effet de ces mutations et comme réponse à
l'embarras des sociologues (13) face aux évolutions de la vie sociale.
Mais lui sont-elles si peu évidentes qu'il doive s'adresser l'injonction
d'accéder à une « volonté plus consciente (d'en) prendre acte » (30) ?
Autrement dit : le sujet est-il un produit historique, déduit d'un constat,
ou seulement un point de vue sur le monde, invoqué comme nouveau
prisme pour l'analyse d'évolutions en cours ? S'il appartient à l'univers
des idées, le sujet peut-il refléter le « réel » ou ressort-il du seul monde de
l'imaginaire - celui de Touraine ?
C'est dans la brèche ouverte par l'incertitude de la réponse que les cri
tiques se sont forgées contre ce qu'elles entrevoient comme une auto
projection subjective, une construction qui ne serait qu'un regard réflexif
69 Maria Lafitte
du chercheur2. Le soupçon est d'autant plus légitime ici qu'il ne s'agit
pas de la synthèse des réflexions d'une vie mais de leur aboutissement,
de la découverte de ce qui fonde leur unité, et finalement de ce qui, à tra
vers les étapes de sa pensée, émerge comme un principe explicatif de
l'action humaine en lequel il identifie le moteur de sa propre histoire.
Touraine ne s'en cache pas, ce livre « est la recherche de (lui-même)
comme auteur, créateur d'une pensée », veut « unir une histoire de vie
particulière avec l'observation de la vie publique, en prenant parti aussi
souvent et aussi nettement que possible» (11). Aussi la marque de la
« recomposition » du monde qui est l'œuvre du sujet, et à laquelle il
appelle pour lui-même et pour les autres, s'imprime-t-elle logiquement
dans la « recomposition de (sa) pensée » (133).
Parti pris et nécessité épistémologiques, ou les miracles de la
dialectique
Prenons les choses par le début, à partir de « l'idée à laquelle (l'auteur)
tient le plus, dont (sa) vie intellectuelle entière a été la découverte pro
gressive », ou plus exactement celle qui s'est peu à peu formulée et où il
voit le noyau presque originaire de sa pensée : l'idée, énoncée depuis une
quinzaine d'années, que le sujet constitue la principale force de limitation
du social sur l'acteur (110-111), ou encore un « principe » non social qui
s'affirme contre le social, selon une logique qui ne se réduit ni à l'arg
ument utilitariste ou identitaire, ni à une explication fonctionnaliste. Loin
de la conception classique, en tout cas, qui affirmait que l'individu était
structuré par sa socialisation. Car le sujet, d'abord « vide », seulement
vivant et sexué (37), « se remplit » avant tout par son regard sur lui-
même comme un « je » distinct du « moi », comme affirmation contre
toute assignation et injonction extérieures : dire « Je », c'est d'abord dire
« non » (53) aux pouvoirs insidieux de la consommation et du spectacle ;
et c'est dans le refus des pressions du « marché » et dans la distance aux
normes que le sujet se forme et se saisit.
Mais dans ce champ d'observation, aussi illimité que celui de l'exploi
tation et de la manipulation, « est »-il par contingence ou par nécessité ?
Dès lors qu'elle « ne se constitue et ne s'impose comme nécessaire » que
dans un univers qui appelle sa résistance (150), « l'idée de sujet » est à la
fois justifiée, sous des cond

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