Les assignats sous la Révolution française : un exemple d'hyperinflation - article ; n°4 ; vol.42, pg 745-762

Christian Aubin

Description

Revue économique - Année 1991 - Volume 42 - Numéro 4 - Pages 745-762
Les assignats sous la Révolution française : un exemple d'hyperinflation
La dépréciation rapide de l'assignat sous la Convention thermidorienne est expliquée en retenant le schéma de base de l'analyse monétaire de l'hyperinflation. Les résultats obtenus se révèlent comparables à ceux d'études empiriques consacrées à d'autres expériences hyperinflationnistes et montrent que la compréhension de ce type de phénomène requiert la prise en considération des interactions entre comportements d'offre et de demande de monnaie.
The assignats during the french revolution : an example of hyperinflation
The basic monetary analysis of hyperinflation is used to explain the rapid depreciation of the assignats during the Convention thermidorienne. The empirical results turn out to be very similar to those of studies dealing with other hyperinflations. They imply that to understand such a phenomenon one needs to take account of the interactions between the supply of and the demand for money.
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: REVUE_ECONOMIQUE
• Publié le: 01 janvier 1991
• Nombre de lectures: 38
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Monsieur Christian Aubin
Les assignats sous la Révolution française : un exemple
d'hyperinflation
In: Revue économique. Volume 42, n°4, 1991. pp. 745-762.
Résumé
Les assignats sous la Révolution française : un exemple d'hyperinflation
La dépréciation rapide de l'assignat sous la Convention thermidorienne est expliquée en retenant le schéma de base de l'analyse
monétaire de l'hyperinflation. Les résultats obtenus se révèlent comparables à ceux d'études empiriques consacrées à d'autres
expériences hyperinflationnistes et montrent que la compréhension de ce type de phénomène requiert la prise en considération
des interactions entre comportements d'offre et de demande de monnaie.
Abstract
The assignats during the french revolution : an example of hyperinflation
The basic monetary analysis of hyperinflation is used to explain the rapid depreciation of the assignats during the Convention
thermidorienne. The empirical results turn out to be very similar to those of studies dealing with other hyperinflations. They imply
that to understand such a phenomenon one needs to take account of the interactions between the supply of and the demand for
money.
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Aubin Christian. Les assignats sous la Révolution française : un exemple d'hyperinflation. In: Revue économique. Volume 42,
n°4, 1991. pp. 745-762.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reco_0035-2764_1991_num_42_4_409303Les assignats
sous la Révolution française :
un exemple d'hyperinflation
Christian Aubin
La dépréciation rapide de l'assignat sous la Convention thermidorienne est
expliquée en retenant le schéma de base de l'analyse monétaire de l'hyperinflation.
Les résultats obtenus se révèlent comparables à ceux d'études empiriques
consacrées à d'autres expériences hyperinflationnistes et montrent que la
compréhension de ce type de phénomène requiert la prise en considération des
interactions entre comportements d'offre et de demande de monnaie.
La Révolution française s'est ouverte sur le désordre financier de l'Ancien
Régime. N'ayant pas su réaliser le relèvement fiscal nécessaire, elle aggrava
encore le désordre. Le recours à la planche à assignats, le financement
monétaire des déficits devaient conduire à une fantastique dévaluation du papier-
monnaie, comparable aux expériences d'hyperinflation que connurent certains
pays aux lendemains des deux guerres mondiales.
Les assignats ont déjà retenu l'attention des historiens. Divers auteurs se
sont attachés à montrer dans quelles conditions on eut recours à l'émission du
papier-monnaie, quels débats suscita l'adoption de cette mesure, comment on en
vint à abuser d'un procédé financier trop facile et quelles conséquences
financières, économiques, mais aussi sociales et politiques découlèrent de ces
abus1. Toutefois, même si certains historiens économistes se sont livrés à une
étude minutieuse du phénomène, on n'a guère cherché à appliquer à cette
expérience le modèle d'analyse élaboré par les pour expliquer les
mécanismes qui président à l'hyperinflation.
Cette étude a pour objectif de montrer qu'il est possible de retrouver dans
l'histoire des assignats certaines caractéristiques mises en avant dans les
théories de l'hyperinflation : d'une part, du côté de la demande de monnaie,
l'influence déterminante des anticipations ; d'autre part, du côté de l'offre de
monnaie, l'existence d'une relation qui fait dépendre l'émission de la dépré
ciation de la monnaie.
1. Les travaux les plus détaillés, s'appuyant sur les sources originales, restent sans
doute ceux de C. Gomel [1896-1897 et 1902-1905], de Marion [1919-1921] et de
S. E. Harris [1930].
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Revue économique — N°4, juillet 1991, p. 745-762 Revue économique
La seconde section testera ces propositions aujourd'hui traditionnelles de
l'analyse économique de l'hyperinflation. Auparavant, la première section devra
résoudre le problème du choix des données et de la construction des séries
statistiques nécessaires à l'analyse économétrique.
CHOIX DES DONNEES
ET CONSTRUCTION DES SÉRIES STATISTIQUES
Le test des relations caractéristiques de l'hyperinflation requiert deux
catégories de données : d'une part, une série retraçant l'évolution de la quantité
de monnaie en circulation ; d'autre part, une série retraçant l'évolution du
pouvoir d'achat de la monnaie. En outre, parce que la période d'hyperinflation
est généralement brève, il est souhaitable, pour garder aux estimations un
nombre suffisant de degrés de liberté, de disposer de ces données sur une base
mensuelle. De telles séries ne sont pas directement observables durant la
période et doivent donc être reconstruites à partir des informations existantes.
Évaluation du montant des assignats en circulation
Diverses recherches relatives à l'histoire financière de la Révolution
française fournissent une base d'informations statistiques suffisamment large
pour que l'on puisse reconstruire une série évaluant, mois par mois, le montant
total de la circulation des assignats (cf. annexe, tableau Al).
Comme toute reconstruction statistique, les chiffres retenus ici conservent
un caractère approché avec des données de base sporadiques et pas toujours
homogènes. « Les documents les plus dignes de foi contiennent sur cette
question dés fabrications, créations et émissions d'assignats, des contradictions
qu'il n'est pas facile de concilier et qui donnent beaucoup à penser. » (Marion
[1921], p. 73, n. 1.)
L'évaluation de la circulation des assignats doit se faire à partir du montant
des émissions1. De ce montant, il convient de retrancher les sommes
conservées dans les caisses publiques2 et celles retirées, notamment à la suite
d'adjudications de biens nationaux. On doit, par ailleurs, noter que l'exactitude
des chiffres concernant les retraits d'assignats n'est pas toujours bien établie.
Malgré ces difficultés, il a semblé possible, en s'appuyant sur les recher
ches historiques antérieures, de reconstituer une série de données mensuelles qui
1. Ce montant des émissions ne doit pas être confondu, notamment sur le début de la
période, avec celui des créations ou fabrications (cf. Harris [1930], p. 53 et suiv.).
2. Ces sommes ne sont pas isolées dans les tableaux dressés par Ramel [1801] qui
constituent une source d'informations importante pour la fin de la période.
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puisse être considérée comme suffisamment fiable pour soutenir une analyse
économétrique. Dans cette optique, plus qu'à la précision de chaque évaluation
ponctuelle, la priorité a été accordée à la cohérence générale de la série avec
l'ensemble des informations relatives à l'émission des assignats et, lorsque
celles-ci étaient insuffisantes, avec celles relatives à l'évolution des besoins du
Trésor.
Une remarque supplémentaire peut être faite. Les évaluations ne peuvent
prendre en compte l'existence de faux assignats. On a parfois attribué à la
circulation de cette fausse monnaie une grande part de responsabilité dans la
dépréciation de l'assignat. Il semblerait toutefois qu'il n'existait que relativ
ement peu de faux assignats sur la fin de la période (cf. Marion [1921], p. 421,
n. 1), mais rien ne prouve qu'il en avait toujours été ainsi. Il a donc été jugé
préférable de ne pas tenir compte des faux assignats plutôt que de faire subir des
distorsions plus ou moins arbitraires à la série.
Mesure de la valeur des assignats
L'analyse statistique des phénomènes d'hyperinflation s'appuie généralement
sur l'étude du mouvement d'un indice du niveau général des prix. Mais cette
variable n'est là que pour représenter le pouvoir d'achat, la valeur de la
monnaie. En l'absence d'informations suffisamment détaillées concernant l'évo
lution des prix pendant la période révolutionnaire, il a été jugé préférable
d'utiliser une mesure de la valeur de l'assig