Les machines musicales de Jules Verne : esquisse pour une esthétique vernienne - article ; n°41 ; vol.13, pg 101-114
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Description

Romantisme - Année 1983 - Volume 13 - Numéro 41 - Pages 101-114
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 77
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

François Raymond
Les machines musicales de Jules Verne : esquisse pour une
esthétique vernienne
In: Romantisme, 1983, n°41. pp. 101-114.
Citer ce document / Cite this document :
Raymond François. Les machines musicales de Jules Verne : esquisse pour une esthétique vernienne. In: Romantisme, 1983,
n°41. pp. 101-114.
doi : 10.3406/roman.1983.4658
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1983_num_13_41_4658François RAYMOND
Les machines musicales de Jules Verne : esquisse pour une esthétique
vernienne
Réduire le rôle de la machine vernienne à celui d'une maîtrise,
plus ou moins "saint-simonienne", de l'homme sur la nature, c'est
se condamner à en méconnaître totalement la complexité. Cette maît
rise reste en effet, sauf rares exceptions, uniquement individuelle,
non productrice de "plus value", voire "archaïque" ; fait non moins
significatif : ces machines se trouvent très généralement vouées à
s'anrayer ou exploser, au dénouement, entre les mains de leur cons
tructeur. Il en va tout autrement lorsque la finalité de la machine
réside dans "le voyage, les communications, le confort" (1): jouis
sance de connaître, et d'entrer dans l'intimité d'une nature qui, si elle
refuse de se laisser violer, paraît au contraire accepter les séductions
du mimétisme, de la métamorphose : le Nautilus commence par se faire
"narval", ou "nautile" ; la maison à vapeur est un éléphant (2). Encore
Verne leur préfère-t-il ces "véhicules à énergie naturelle" (3) qui rem
placent avantageusement les engins nés de la volonté de puissance, et de
l'artifice.
Qu'en est-il d'une autre sorte de machines, aussi nombreuses
que méconnues : les machines musicales ? Apparemment déplacées
dans les "Voyages extraordinaires", récits d'action et d'aventures
avant tout, elles confirment peut-être ce rapport vernien de l'homme
avec la nature, qui est fait de continuité, d'interprétation — de pénét
ration. Car le cosmos, lui aussi, a ses instruments, et il détient l'éner
gie qui les anime : telle grotte est une "harpe éolienne", telle mont
agne un "gigantesque violon de pierre" ; réciproquement la voix de
Mi-Bémol" Stilla est un "admirable diapason vivant. instrument", Musicienne, le héros la nature de "M. construit Ré-Dièze ses et Mlle pro
pres artefacts ; interprète ou dilettante, l'homme est un "instrument"
de la nature. Comme les véhicules à énergie naturelle, les machines
(1) Jean Chesneaux, Jules Verne. Une lecture politique, Maspero, 1971, réédit.
1 982, p. 39-40. La question des machines verniennes a fait entre temps l'objet
d'un travail collectif, Jules Verne 3 : Machines et imaginaire, Revue des Lettres
modernes, Minard, 1980, 208 p., études dont le précédent essai est un prolon
gement.
(2) Voir Marie-Hélène Huet, "L'Ecrivain tératologue", Jules Verne 3, ouvr. cit.
(3)François Raymond, "L'Odyssée du naufragé vernien, dans Jules Verne
et les sciences humaines, U.G.E., coll. "10/18", 1979; et surtout Jean-Pierre Picot,
"Véhicules, nature, artifices", Jules Verne 3, ouvr. cit. 102 François Raymond
musicales seraient le lieu moins d'un affrontement de l'homme avec
la nature que celui d'un désir, et d'un désir réciproque. Encore convient-il
d'en inventorier la gamme, incroyablement étendue, et toute la subtil
ité de ses harmoniques.
Fusions
Nulle part l'accord, Г "harmonie" entre le personnage vernien et
le cosmos n'apparaît mieux que dans une œuvre prétendue mineure,
alors qu'elle est très évidemment écrite en "majeur" : Le Rayon Vert;
harmonica" et jamais elle ne se fait plus clairement entendre que dans cet "énorme
(4) qu'est la grotte de Fingall. Là, les noces de l'héroïne
coïncideront avec celles, cosmiques, de l'Océan et de la Terre, et
celles esthétiques, de la musique, de la lumière et de l'architecture.
"A droite et à gauche, des piliers de basalte, pressés les uns contre
les autres, cachaient, comme dans certaines cathédrales de la période
gothique, la masse des murs de soutènement [...] Au fond de la nef
apparaît une sorte de buffet d'orgue". Cathédrale où se joue la lumi
ère : "Tout resplendissait [...] et s'égayait des sept couleurs du prisme,
quand une bouffée de soleil, réverbérée par le cristal du fond, s'enle
vait en longues plaques lumineuses jusqu'au chevet de la nef; où
règne d'abord "une sorte de silence sonore"; mais où /on4: retentir
"aux souffles des vents", les "sons de cette grande harpe coiienne".
Captivée, fascinée, la jeune femme s'y aventure, seule, A ;S heures
entières.
L'océan toutefois, va bientôt assaillir la caverne et la proie qui
s'y cache : il s'y précipite "avec la violence d'un torrent dont le barrage
se serait subitement rompu. C'était [...] au fond même de la grotte
que la mer venait se heurter". Comment dès lors ne pas faire chevau
cher cet océan en fureur par le seul personnage viril du récit ? "lancé
obliquement, comme s'il eût descendu les pentes d'une cataracte [...]
il venait d'atteindre la paroi opposée". Là, "les bras de Miss Campbell
noués à sa taille [...] il la couvrait [...] il luttait en s'arc-boutant aux
saillies des basaltes" ; "épuisée, ses forces l'abandonnant, elle fut prise
de défaillance [...]". On ne saurait être, ne serait-ce que par le choix
de certains mots, à la fois plus poétique et plus explicite.
Des problèmes autrement délicats se posent, néanmoins à la lec
ture de ces textes. De quelle esthétique relève une œuvre telle que
Le Rayon-Vert ? Les nombreuses références à Ossian, Walter Scott,
Michelet, Wordsworth, Burns, arborent manifestement la bannière
romantique ; le réquisitoire rencontre la mythologie grecque, et la symét
rique apologie de la mythologie Scandinave (chap. IV), que précède
un hymne à l'Océan digne du capitaine Nemo ou de l'auteur des Tra
vailleurs de la mer, corroborent cette impression. Constamment évo
quée, enfin, Vharmonie entre l'individu et le cosmos — "cette existence,
sur un ilôt désert, fouetté par la tempête, allait à sa nature ardente",
(4) "Instrument à touches de verre" (Littré). machines musicales de Jules Verne 1 03 Les
pour ne citer qu'un exemple entre cent — paraît clore définitivement
la question.
Qu'est-ce qui attire, toutefois, Miss Campbeïl dans la grotte de
Fingal ? Sa "poétique étrangeté", son caractère 'bizarre". De telles
notations abondent chez Jules Verne, juxtaposées aux références
ou connotations romantiques : dans le seul cycle calédonien, le chant
de la "dame noire" ďUne ville flottante est fait de "stances étrange
ment coupées, telles que les réciterait une personne endormie d'un
sommeil "bag-piper" magnétique". des Indes noires Plus singulière : à l'idée, encore, romantique la mélodie s'il en de fût, certains "que
ces mélodies nationales n'ont été composées par personne, qu'elles
sont un mélange naturel du souffle de la brise, du murmure des eaux,
du bruissement des feuilles", succède aussitôt la remarque suivante :
" La forme du refrain [...] était bizarre. Sa phrase se composait de trois
mesures à deux temps, et d'une mesure à trois temps, finissant sur le temps
faible. Contrairement aux chants de la vieille époque, il était en majeur,
et l'on eût pu l'écrire comme suit, dans ce langage chiffré qui donne, non
les notes, mais les intervalles des tons :
5 /1,2, /3525 /1.765 /22.22
/1.2./3525/ 1.765/ 11.11".
Dans les deux cas, l'art est considéré comme expression soit,
douloureuse, d'une âme égarée, soit, sereine, de la nature elle-même ;
mais la forme est chaque fois précisée, et retenue pour sa bizarrerie
même (5).
Mais est-ce toujours de nature, ou même de terroir, qu'il convient
de parler ? Tel torrent écossais, dans le chapitre des Indes noires,
"paraissait avoir été planté là comme un dé

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