Les plaisirs du collectionneur : capitalisme fiscal et chefs indigènes en Algérie (1840-1860) - article ; n°3 ; vol.35, pg 679-699
22 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Les plaisirs du collectionneur : capitalisme fiscal et chefs indigènes en Algérie (1840-1860) - article ; n°3 ; vol.35, pg 679-699

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
22 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Annales. Histoire, Sciences Sociales - Année 1980 - Volume 35 - Numéro 3 - Pages 679-699
The pleasures of collection : fiscal capitalism in Algerian leadership, 1840- 1860 P. von Sivers Algerians who were associated with the Turkish ruling class prior to the French conquest possessed a primary interest in fiscal and rental incomes derived from agriculture and only secondarily devoted their attention to agricultural production. After the French conquest the number of Algerians in administrative positions rose from about two dozen to over six hundred and the capacity of these administrators to generate fiscal-rental incomes rose accordingly. The leading social stratum of Algerian administrators thus felt little incentive to invest in greater agricultural productivity which played such a central part in the agricultural ventures of French colonialists. In this article the fortunes of about one- third of this stratum are discussed for the year 1860, the first for which income statistics of the upper strata of the Algerian population were collected. There are strong indications in these statistics that the distribution of incomes was so unequal that it acted as a strong impediment to greater investments in agricultural production on the part of the Algerian population.
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1980
Nombre de lectures 88
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Peter Sivers
Les plaisirs du collectionneur : capitalisme fiscal et chefs
indigènes en Algérie (1840-1860)
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 35e année, N. 3-4, 1980. pp. 679-699.
Abstract
The pleasures of collection : fiscal capitalism in Algerian leadership, 1840- 1860P. von Sivers Algerians who were associated with
the Turkish ruling class prior to the French conquest possessed a primary interest in fiscal and rental incomes derived from
agriculture and only secondarily devoted their attention to agricultural production. After the French conquest the number of
Algerians in administrative positions rose from about two dozen to over six hundred and the capacity of these administrators to
generate fiscal-rental incomes rose accordingly. The leading social stratum of Algerian administrators thus felt little incentive to
invest in greater agricultural productivity which played such a central part in the agricultural ventures of French colonialists. In this
article the fortunes of about one- third of this stratum are discussed for the year 1860, the first for which income statistics of the
upper strata of the Algerian population were collected. There are strong indications in these statistics that the distribution of
incomes was so unequal that it acted as a strong impediment to greater investments in agricultural production on the part of the
Algerian population.
Citer ce document / Cite this document :
Sivers Peter. Les plaisirs du collectionneur : capitalisme fiscal et chefs indigènes en Algérie (1840-1860). In: Annales.
Économies, Sociétés, Civilisations. 35e année, N. 3-4, 1980. pp. 679-699.
doi : 10.3406/ahess.1980.282663
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1980_num_35_3_282663PLAISIRS DU COLLECTIONNEUR : LES
CAPITALISME FISCAL ET CHEFS INDIGÈNES
EN ALGÉRIE (1840- 1860)
Le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord représentent des cas classiques de
régions où, avant l'époque contemporaine, les classes dirigeantes préféraient bâtir
leur fortune sur les impôts, la rente foncière ou le commerce plutôt que sur la
production agricole. L'Algérie ne fait pas exception. Tirer profit du dry-farming
était trop risqué dans un climat à pluviométrie irrégulière et l'agriculture irriguée
avait des rendements si élevés qu'il n'était pas évident que la mise en valeur
directe par la classe dirigeante fut plus avantageuse que la taxation des
producteurs indépendants '. Avec la colonisation française au xixe siècle, l'Algérie
devient un pays où des entrepreneurs ruraux font leur apparition. Mais, comme
on sait, ils constituent un groupe sous l'égide de l'élément capitaliste de la classe
dirigeante française plutôt qu'une couche supérieure indigène 2. La grande
majorité de ses membres continue de tirer ses revenus des impôts ou d'activités
annexes, et s'abstient de tout engagement direct dans les investissements ruraux
ou dans l'organisation du travail au-delà des limites de leur famille immédiate. Les
fermes céréalières, les vergers et les vignobles gérés par des propriétaires algériens
ayant recours, notamment, au travail salarié et à l'équipement mécanique, restent
l'exception.
Une des raisons majeures de l'échec de la couche supérieure algérienne à
s'engager dans le capitalisme agraire tient à un fait bien connu : l'appropriation
des meilleures terres par les Français, là où l'introduction ou la diffusion de
l'irrigation et l'emploi d'une main-d'œuvre salariée étaient possibles, et où
l'agriculture fondée sur des investissements lourds affrontait des risques
climatiques relativement limités 3. Le refoulement de la population indigène sur
les terres marginales, convenant mieux au dry-farming, fait qu'il est presque
impossible, même pour des familles rurales riches et étroitement associées au
gouvernement colonial, de s'engager dans l'amélioration de la productivité
agricole. Ces deux facteurs — l'appropriation des terres par les Français et le
refoulement des Algériens sur les terres infertiles — ont déjà été étudiés en détail.
Continuer une investigation sur ce terrain ne paraît pas nécessaire pour le
moment 4. C'est pourquoi, après en avoir signalé l'existence, nous laisserons ces
deux éléments comme toile de fond des connaissances courantes.
En revanche, nous allons rechercher dans cet article quelle autre série de
679 LES FORMES DU SOCIAL
raisons décourageait l'investissement dans les activités agraires par les familles
dirigeantes de Г Algérie du xixe siècle. Ces raisons tiennent à des développements
internes à la structure sociale de l'Algérie indigène, et, à ma connaissance, ils
n'ont pas encore été étudiés. En peu de mots, ils tournent autour de la
stratification sociale. Pendant la période 1840-1860, une couche supérieure de
familles algériennes émerge, dans laquelle le gouvernement français choisit la
plupart des individus nécessaires pour remplir les charges administratives
intéressant la population indigène, principalement celles qui concernent la collecte
des impôts et l'exercice de la justice punitive. Avant 1 830, les Turcs s'étaient
contentés d'une douzaine de charges de ce genre, et d'une autre douzaine de chefs
plus ou moins étroitement alliés, laissant le reste du pays à sa propre
administration. Pendant la période française, après 1 840, le nombre des charges
grossit à plus de six cents, et environ mille familles rivalisent pour obtenir des
positions. Au-delà du cercle étroit des familles privilégiées, une couche entière de
familles administratives se développe, dont la base économique consiste dans ce
que j'appellerai « les ressources fiscales », c'est-à-dire les commissions reçues sur
la collecte des impôts et des amendes en même temps que les rentes versées par les
fermiers et les métayers. Richesse, pouvoir, prestige ne se mesurent ni en termes
de superficie des terres, ni en termes de produit agricole, mais en avoirs gagnés
sur les commissions sur les impôts et les ventes. De ce point de vue,
l'administration coloniale française continue la tradition du système moyen-
oriental et nord-africain qui encourage la constitution de fortunes par des moyens
fiscaux. Ou, pour être plus exact, elle intensifie ce système en multipliant par mille
les chances d'acquérir de telles fortunes fiscales, et confine l'Algérie indigène à
une forme d'organisation économique essentiellement fiscale et improductive.
Les données économiques nécessaires à l'analyse statistique d'environ un tiers
des membres de cette couche supérieure sont disponibles dans les archives
françaises, les plus anciennes se situant autour de 1 860 5. Nous centrerons cet
article sur les profits et les recettes et sur le rapport profits /recettes et ventes/
recettes de ce tiers d'administrateurs algériens, en comparant les deux groupes
principaux : à savoir, le petit cercle des familles traditionnelles datant de la
période turque et le corps important de nouvelles familles administratives créé par
les Français. La richesse, sous la forme de profits et de recettes, est nettement
concentrée entre les mains des membres du cercle traditionnel, mais pas
démesurément. Il y a assez d'administrateurs nouvellement enrichis pour
équilibrer le poids économique des vieilles familles. C'est seulement en mettant
ensemble l'ancienne richesse et la nouvelle, définies par des profits supérieurs à
6 000 F et des recettes supérieures à 1 0 000 F que nous découvrons qu'une petite
minorité contrôle plus de la moitié des fortunes de la couche supérieure. Il y a de
fortes raisons pour croire que cette distribution inégale de la richesse dans la
couche supérieure est responsable, en dernière analyse, de l'échec de cette couche
à s'engager plus directement dans la production agraire. Un pouvoir économique
extraordinaire rendait inutile la recherche de revenus plus élevés au prix d'efforts
pour augmenter la productivité agricole.
/. Formation d'une couche rurale supérieure
II est bien connu que l'appareil gouvernemental turc en Algérie entre le xvie et
le xixe siècle était un mécanisme compliqué avec au moins cinq degrés différents P. VON SIVERS FISCALITE ET DOMINATION EN ALGERIE
d'administration, allant de la population pleinement soumise

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents