Les primitifs du rousseauisme : une analyse sociologique et quantitative de la correspondance de J.-J. Rousseau - article ; n°1 ; vol.26, pg 151-172
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Les primitifs du rousseauisme : une analyse sociologique et quantitative de la correspondance de J.-J. Rousseau - article ; n°1 ; vol.26, pg 151-172

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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1971 - Volume 26 - Numéro 1 - Pages 151-172
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1971
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Daniel Roche
Les primitifs du rousseauisme : une analyse sociologique et
quantitative de la correspondance de J.-J. Rousseau
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 26e année, N. 1, 1971. pp. 151-172.
Citer ce document / Cite this document :
Roche Daniel. Les primitifs du rousseauisme : une analyse sociologique et quantitative de la correspondance de J.-J.
Rousseau. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 26e année, N. 1, 1971. pp. 151-172.
doi : 10.3406/ahess.1971.422466
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1971_num_26_1_422466Les primitifs du Rousseauisme
Une analyse sociologique et quantitative
de la correspondance de J.-J. Rousseau
L'article qu'on va lire se présente comme le premier bilan de l'analyse, socio
logique et quantitative, portant sur la correspondance de Jean- Jacques Rousseau,
commencée en 1968 en collaboration avec Michel Launay, et qui a pu être pours
uivie grâce à l'appui du Centre de Recherches Historiques de la VIe Section de
l'École Pratique des Hautes Études. Les résultats présentés ici correspondent à une
seconde étape de l'entreprise et permettent d'en souligner l'intérêt et les difficultés.
En voulant aborder avec des méthodes nouvelles l'étude d'un texte fondament
al bien connu et souvent utilisé par les historiens de la littérature, on ne prétendait
pas faire œuvre d'iconoclastes ni utiliser les moyens quantitatifs et sociologiques
pour eux-mêmes. Au contraire, jeter un regard neuf sur les documents bruts qui
sont les lettres d'un grand écrivain paraît être la meilleure façon de la mieux com
prendre et, surtout, de le replacer dans son vécu historique.
Cette étude neuve de la correspondance de Rousseau s'efforce donc de répondre
simplement à deux questions dont l'importance n'échappera pas à ceux que pré
occupent le renouvellement de l'histoire des idées et le développement d'une his
toire anthropologique de la culture. Dans la société des Lumières la lettre tient
encore une place de premier plan, niveau moyen entre le texte imprimé et l'expres
sion orale. L'échange épistolaire s'inscrit dans une dimension psycho-sociale essent
ielle que prouve le succès des romans par lettres, la tradition des lectures publiques
communément faites dans les vieilles familles, les rencontres des salons et les assem
blées des sociétés savantes, la multiplication des éditions de correspondance. Les
grands peintres ne s'y trompent pas et utilisent largement le thème. La lettre
témoigne toujours d'une profonde résonance collective. En premier lieu, il faut
chercher quelle fut la diffusion immédiate des idées de l'écrivain, et, pour cela,
mesurer la répartition sociale de ceux que, pour abréger, on peut appeler les « Rous-
seauistes » (qu'ils soient amis ou ennemis de Jean- Jacques), avec leurs caractères
socio-professionnels, démographiques et culturels. En second lieu, il s'agit de mettre
en relation cet ensemble social, saisi dans son mouvement, avec l'évolution des
thèmes et des idées exprimées dans les lettres. Phis qu'aucun autre document, la
151 HISTOIRE QUANTITATIVE
lettre est libre, elle contient un message plus spontané que les œuvres élaborées.
Cette liberté semble devoir justifier notre propos.
JJ ne s'agit plus de dresser un nouveau portrait en pied de Jean- Jacques, ou
d'étudier pour eux-mêmes les rapports de Rousseau et des différents thèmes de son
œuvre. Au contraire, il faut voir comment, dans la liberté de l'écriture épistolaire,
s'organisent des relations sociales de communication, et par suite, établir, dans la
mesure du possible, le lien entre la création et la diffusion, eatre l'auteur et son
public.
Le premier volet de ce travail se présente comme une analyse quantitative de la
société rousseauiste. Le choix de cette méthode paraît s'imposer sans que l'on
puisse reprocher à l'enquête de céder à la religion du chiffre. De fait, il est surtout
question d'arriver à établir des ordres de grandeurs globaux et précis, de fixer des
proportions relatives pour échapper à l'impressionnisme habituel des analyses
anciennes. En ce sens, cette démarche permet une meilleure connaissance de la
diffusion sociale des thèmes, à condition de fonder clairement la signification sociale
du type de communication engagée entre Rousseau et ses correspondants et de
refuser les raffinements excessifs dont l'acception se pe*d du fait même de la fai
blesse de la base statistique du corpus.
Compte tenu de cette nuance, il importe de saisir la correspondance comme
un organisme vivant dans ses rapports avec les structures profondes de la société
des Lumières et dans une optique immédiatement internationale. Si chaque lettre
s'adresse à une personne, on ne doit jamais oublier qu'au delà se profilent les
réseaux des relations familiales individuelles et sociales.
Mais laissons parler Jean-Jacques : « II savait que les grands, les vizirs, les
robins, les financiers, les médecins, les prêtres, les philosophes et tous les gens de
parti qui font de la société un vrai brigandage, ne lui pardonneraient jamais de les
avoir vus et montrés tels qu'ils sont... »1. Par cette déclaration de rupture, Rous
seau se montre comme le juge arbitre de la société de son temps, et, ainsi, il comp
lique singulièrement la tâche de ses commentateurs. Us ont pu voir en lui un obser
vateur quasi impartial de tous les milieux 2, et voilà qu'ils ont beaucoup de peine
à renouer les liens qui unissaient l'écrivain et son époque. Aux difficultés posées
par le refus de l'assimilation personnelle au monde des élites traditionnelles int
imement lié à la remise en cause socio-politique de la notion même d'élite 3,
s'ajoutent les problèmes nombreux que posent les sources et plus particulièrement
l'usage de la correspondance4.
S'efforcer de saisir, à travers le rassemblement de leurs lettres, les premiers
rousseauistes est peut-être une tentative vouée à la désespérante interrogation de
l'explorateur devant un iceberg. Que subsiste-t-il réellement de l'édifice construit
par les hasards partiellement ordonnés de la communication sociale d'un écrivain
et de son public, de ses amis, de ses ennemis entre 1728 et 1778 ? Dans l'attente
de l'achèvement de la gigantesque entreprise solitaire de M. Leigh 5, les rousseauistes
1. Cf. J.-J. Rousseau, Œuvres complètes, Pléiade, t. 1, « Troisième Dialogue », p. 926.
2. Cf. Correspondance générale, éd. Dufour-Plan, t. XI, lettre au prince de Wurtemberg
(15 avril 1764), pp. 13-14 ; cf. aussi dans Œuvres complètes, Pléiade, t. П, « Nouvelle Hélolse »,
lettre XVI, p. 241, lettre XXVII, pp. 297-298.
3. Cf. sur ce point Denis Richet, « Autour de la Révolution française : élites et despotisme »,
dans Annales E.S.C., 1969, pp. 1-23.
4. Cf. Daniel Roche et Michel Launay, « Vers une analyse historique de la correspondance
de Jean- Jacques Rousseau », dans Revue Historique, 1968, pp. 339-360.
5. Cf. Correspondance complète de Jean-Jacques Rousseau, publiée par R. A. Leigh, 1. 1 à VUJ,
1730 à mai 1751, Genève, 1965-1969.
152 LES CORRESPONDANTS DE J.-J. ROUSSEAU D. ROCHE
du xxe siècle ne peuvent que tenter une entreprise partielle. En regardant de près
les six cents personnages qui sont pendant ces cinquante ans entrés en rapport
avec Jean- Jacques Rousseau, ils ne peuvent songer à donner encore un panorama
complet et exhaustif de la société rousseauiste. Mais si leur sondage manque,
comme tous les instantanés, d'un peu de profondeur de champ, même si leur vision
se heurte à trop de zones obscures, ils peuvent esquisser les traits fondamentaux
d'un paysage social que l'on pourra nuancer pleinement dans quelque temps. Cette
image première ne se confond nullement avec celle que l'on a essayé de donner
récemment du public de l'écrivain1. La vérité sociale des correspondants n'est
pas à rechercher dans le complexe des relations sociologiques et psychologiques
qui unissent l'auteur et ses lecteurs; elle est à la fois plus étroite et plus profonde.
Dans le groupe des correspondants de l'écrivain, on retrouve sans conteste une
partie de ceux qui composent ses publics, et qui sont comme un reflet d'un ensemble
plus large 2. Mais le monde de ceux qui ont écrit à Jean- Jacques a une autre signi
fic

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