Les trois héritages de Michel de Certeau. Un projet éclaté d analyse de la modernité - article ; n°3 ; vol.55, pg 511-549
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Annales. Histoire, Sciences Sociales - Année 2000 - Volume 55 - Numéro 3 - Pages 511-549
Les trois héritages de Michel de Certeau. Un projet éclaté d'analyse de la modernité (É. Maigret). L'héritage de Michel de Certeau est à ce point dispersé dans des champs de recherche, des disciplines et des pays différents qu'il semble impossible de conférer une unité à son œuvre. L'histoire de la mystique, l'epistemologie de l'histoire, la socio-anthropologie des religions, la sociologie de la culture, les Cultural Studies, la recherche sur les nouvelles technologies, sont imprégnées de ses concepts et de ses résultats mais ne les relient pas entre eux. Cet article passe en revue les multiples écrits de Michel de Certeau et certaines de leurs réceptions afin de montrer qu'un projet d'analyse de la modernité se dégageait d'eux. Ce projet débute avec l'étude de la mystique comme manifestation de la sécularisation et avec l'étude de la sécularisation comme invention d'un espace autonome de pratiques culturelles. Il souligne que la dimension épistémologique ne peut être séparée de l'étude empirique, surtout dans le cas du « populaire » (qui décrète ce qu'est le « populaire » ?). Une nouvelle théorie des croyances et des pratiques, et des liens qui les unissent, complète un projet qui tente de cerner les changements apportés par la modernité.
The three heritages of Michel de Certeau. The divided project of a theory of modernity The heritage of Michel de Certeau has been so much scattered in different fields of research, in social sciences and in various countries that it is nearly impossible to think of an unity of his work. The history of mystics, the epistemology of history, the socio-anthropology of religion, the sociology of culture, the Cultural Studies, the research on media technologies, are now all impregnated with this concepts and results but usually do not connect them together. This paper tries to reevaluate the multiple writings of Michel de Certeau and some of their receptions in order to establish that there was no general theory of modernity in them but the methodological project of producing such a theory. This project began with the study of mystics as a part of secularisation and with the study of secularisation as the invention of an indépendant sphere of cultural practices. It postulated that epistemology could not at all be segmented from empirical study, especially when the focus is on the popular (who talks when you talk about the popular?). It then introduced a new theory of beliefs and practices, and of the links between then, which could explain the different changes brought in modernity.
39 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Monsieur Éric Maigret
Les trois héritages de Michel de Certeau. Un projet éclaté
d'analyse de la modernité
In: Annales. Histoire, Sciences Sociales. 55e année, N. 3, 2000. pp. 511-549.
Citer ce document / Cite this document :
Maigret Éric. Les trois héritages de Michel de Certeau. Un projet éclaté d'analyse de la modernité. In: Annales. Histoire,
Sciences Sociales. 55e année, N. 3, 2000. pp. 511-549.
doi : 10.3406/ahess.2000.279861
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_2000_num_55_3_279861Abstract
The three heritages of Michel de Certeau. The divided project of a theory of modernity.
The heritage of Michel de Certeau has been so much scattered in different fields of research, in social
sciences and in various countries that it is nearly impossible to think of an unity of his work. The history
of mystics, the epistemology of history, the socio-anthropology of religion, the sociology of culture, the
Cultural Studies, the research on media technologies, are now all impregnated with this concepts and
results but usually do not connect them together. This paper tries to reevaluate the multiple writings of
Michel de Certeau and some of their receptions in order to establish that there was no general theory of
modernity in them but the methodological project of producing such a theory. This project began with
the study of mystics as a part of secularisation and with the study of secularisation as the invention of an
independant sphere of cultural practices. It postulated that epistemology could not at all be segmented
from empirical study, especially when the focus is on the popular (who talks when you talk about the
"popular"?). It then introduced a new theory of beliefs and practices, and of the links between then,
which could explain the different changes brought in modernity.
Résumé
Les trois héritages de Michel de Certeau. Un projet éclaté d'analyse de la modernité (É. Maigret).
L'héritage de Michel de Certeau est à ce point dispersé dans des champs de recherche, des disciplines
et des pays différents qu'il semble impossible de conférer une unité à son œuvre. L'histoire de la
mystique, l'épistémologie de l'histoire, la socio-anthropologie des religions, la sociologie de la culture,
les Cultural Studies, la recherche sur les nouvelles technologies, sont imprégnées de ses concepts et
de ses résultats mais ne les relient pas entre eux. Cet article passe en revue les multiples écrits de
Michel de Certeau et certaines de leurs réceptions afin de montrer qu'un projet d'analyse de la
modernité se dégageait d'eux. Ce projet débute avec l'étude de la mystique comme manifestation de la
sécularisation et avec l'étude de la sécularisation comme invention d'un espace autonome de pratiques
culturelles. Il souligne que la dimension épistémologique ne peut être séparée de l'étude empirique,
surtout dans le cas du « populaire » (qui décrète ce qu'est le « populaire » ?). Une nouvelle théorie des
croyances et des pratiques, et des liens qui les unissent, complète un projet qui tente de cerner les
changements apportés par la modernité.LECTURES ET RECEPTIONS
D'UNE ŒUVRE
LES TROIS HERITAGES DE MICHEL DE CERTEAU
Un projet éclaté d'analyse de la modernité
Eric Maigret
L'œuvre de Michel de Certeau ne s'est pas imposée sans difficulté ni
incompréhensions dans les sciences humaines*. Sa complexité méthodolog
ique et sa très forte diversité apparente, en termes d'époques et de terrains
étudiés, ont d'abord pu rebuter autant que les partis pris épistémologiques
d'un auteur qui nourrissait constamment son travail d'une interrogation sur
les limites de la modélisation au moment où, dans les années 1970, les
pensées structurales dominaient l'espace scientifique. Son rayonnement
s'est pourtant considérablement accru au cours des années 1980 et après
la disparition de son auteur en 1986, avec la mise en place de dispositifs
éditoriaux de plus en plus complets dans de nombreux pays et le développe
ment d'une critique abondante couvrant ses divers objets. Cette critique se
distingue elle-même par sa richesse et sa diversité, par sa dispersion aussi
puisqu'elle aborde, entre autres domaines, Г epistemologie des sciences
sociales, l'histoire des croyances, la mystique, le livre, les pratiques cultu
relles contemporaines, les médias populaires, les nouvelles technologies de
l'information, la cognition. Elle dessine le portrait d'un auteur désormais
reconnu mais éclaté — voire écartelé — entre de nombreux champs et
orientations scientifiques. C'est le destin de toute œuvre importante que de
produire sa propre dissémination, son propre épuisement dans les régions
du savoir, les mêmes thèmes et concepts clés pouvant au final circuler de
façons proches dans des milieux différents. Si l'influence des textes certa-
liens s'est ainsi exercée différemment dans les multiples champs de
recherche, provoquant des distorsions de lectures, elle a pu aussi aboutir à
ce que soient posées encore et toujours les mêmes questions centrales, ce
qu'un examen de ces lectures peut démontrer.
* Je remercie Luce Giard, Françoise Champion, Patrick Michel, Dominique Pasquier,
Jacques Revel et tous les membres du laboratoire Communication et Politique pour leurs
lectures critiques des différentes versions de cet article.
511
Annales HSS, mai-juin 2000, n° 3, pp. 511-549. LECTURES ET RECEPTIONS D'UNE ŒUVRE
Pourtant le processus de dissémination peut s'avérer particulièrement
préjudiciable à une œuvre tant que son ambition d'ensemble n'a pas été
jaugée et jugée en tant que telle. Or, cette longtemps écartée pour
cet auteur, parfois présumé volage et inconstant, existe bien. Pour un
chercheur appartenant à une génération qui n'a pas connu Michel de Certeau
et qui a choisi d'interroger son œuvre à partir des seules sciences sociales,
elle se lit dans les derniers articles et ouvrages publiés, notamment dans
les pages de L'invention du quotidien (publiée en 1980) qui constitue de
ce point de vue (de ce point de vue seulement) l'œuvre la plus aboutie.
Elle ne se réduit pas à l'affirmation d'une ou de plusieurs thèses mais à
une volonté clairement affichée et ordonnée de se donner les moyens
d'étudier la modernité dans sa pluralité comme nouvelle articulation histo
rique de croires et de faires, uniquement saisissable dans une méthodologie
respectueuse des pratiques quotidiennes. Les voyages d'espaces de recherche
en espaces de recherche ne se sont pas faits aléatoirement sans qu'une
unité de pensée ne soit progressivement visée. L'éclatement actuel de son
héritage en trois grandes directions — Г epistemologie historique, la socio-
anthropologie des religions, les théories de l'action et de la réception —
éclaire une démarche qui tentait de les réunir de façon rigoureuse. Suivre
ces trois directions, c'est tenter de renouer les fils qui se sont dénoués.
Revenir ainsi sur une multiplicité de commentaires ne signifie pas chercher
à présenter de façon exhaustive l'œuvre de Michel de Certeau et sa réception
dans les sciences sociales (encore moins dans le champ de la théologie),
mais analyser un projet inscrit dans cette œuvre et certaines des lectures
les plus marquantes du point de vue de ce projet.
L'activité scientifique comme rapport à Valtérité
Comment est-il possible de s'intéresser en même temps à Ignace de
Loyola, aux fondements théoriques de l'historiographie et aux lectrices
de Nous Deux ? L'extraordinaire diversité des engagements théoriques et
empiriques de Michel de Certeau déconcerte encore. Elle ne peut certain
ement se comprendre sans que soient évoqués la curiosité et le besoin de
totalisation qui caractérisent les auteurs des grandes entreprises intellec
tuelles (dans ce cas totalisation n'est pas synonyme de systématisation mais
d'universalité). Mais elle ne peut vraiment s'expliquer sans cet engagement
premier dans une foi qui le conduit à entrer dans la Compagnie de Jésus,
à fréquenter les textes de mystiques classiques (Jean- Joseph Surin, Pierre
Favre) avant de leur consacrer plusieurs décennies de son existence dans
un travail d'édition, de traduction et de commentaire. Cette expérience
religieuse forgée au contact des mystiques peut mener au recueillement,
à la contemplation, à la fid

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