Les villages désertés en France : vue d ensemble - article ; n°2 ; vol.20, pg 257-290
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1965 - Volume 20 - Numéro 2 - Pages 257-290
34 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1965
Nombre de lectures 70
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Emmanuel Le Roy Ladurie
Jean-Marie Pesez
Les villages désertés en France : vue d'ensemble
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 20e année, N. 2, 1965. pp. 257-290.
Citer ce document / Cite this document :
Le Roy Ladurie Emmanuel, Pesez Jean-Marie. Les villages désertés en France : vue d'ensemble. In: Annales. Économies,
Sociétés, Civilisations. 20e année, N. 2, 1965. pp. 257-290.
doi : 10.3406/ahess.1965.421786
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1965_num_20_2_421786villages désertés en France : Les
vue d'ensemble
Outre-Manche, les désertions de villages ont très tôt, suscité des
plaintes, des pamphlets dénonciateurs, voire des couplets vengeurs, et
corrélativement, des enquêtes royales et des procès. En Sardaigne, où le
nombre des villages abandonnés l'emporte sur celui des localités vivantes,
on a, dès le xvie siècle dressé des listes de paroisses disparues. En France,
rien de tel. Seuls, ou à peu près, les documents fiscaux dressent parfois
des constats de désertion, avec la sécheresse qu'on devine ; à notre
connaissance, les villages disparus n'ont ému ni le pouvoir souverain,
ni le prédicateur, ni le philosophe. Dès l'abord, c'est ce silence des textes
qu'il faut souligner.
Mais on a fait observer, avec finesse, que si les documents ne ment
ionnent guère les désertions de villages, c'est sans doute qu'elles consti
tuaient, aux yeux des contemporains un événement normal, parce que
fréquent. L'argument a silentio peut donc servir deux thèses. Mieux vaut
ne pas y insister.
Existe-t-il d'autres moyens de prendre rapidement la mesure du
phénomène des désertions en France ? Peut-on sans recourir aux ana
lyses de détail, aux enquêtes régionales, décider s'il s'agit ou non d'un
fait de masse ? Les désertions ne sont-elles que des accidents, d'une
portée historique limitée, ou constituent-elles un phénomène majeur de
l'histoire rurale française ? A cette question, il existe déjà une réponse
formulée depuis trente ans : le grand article de Ferdinand Lot * sur la
population de la France au seuil du xive siècle témoigne pour la stabil
ité de l'habitat rural français. Ses additions patientes donnent, sur un
total de 32 500 paroisses en 1328, un déchet qui sera seulement de 900,
cinq siècles plus tard, soit 2,77 %. Les données régionales confirment
cette tendance à la pérennité.
Typique est le cas d'un vaste ensemble de diocèses situés dans la
1. Ce tableau sera plus amplement développé dans le volume de la VIe Section
de l'École Pratique des Hautes Études consacré aux villages désertés.
2. Ferdinand Lot, « L'État des paroisses et des feux de 1328 », Bibliothèque de
VÉcole des Chartes, t. 90, 1929.
257
Annales (20« année, mars-avril 1965, n° 2) 4 ANNALES
région parisienne ou peu éloignés de celle-ci : diocèses de Reims, Soissons,
Châlons-sur-Marne, Noyon, Arras, Senlis, Beauvais, Amiens, Thérouanne,
Laon, Sens, Auxerre, Troyes, Meaux, Langres. Pour ces diocèses pris en
bloc, des documents permettent d'établir des comparaisons à longue
distance : d'une part les pouillés médiévaux, généralement du xive siècle,
parfois légèrement antérieurs ou postérieurs x, d'autre part, les chiffres
d'Expilly, valables pour le xvine siècle.
Les pouillés donnent, aux environs du xive siècle, et pour les quinze
diocèses en question, un nombre de paroisses compris entre 5 931 (chiffre
minimum) et 6 694 (chiffre maximum). Les mêmes diocèses, vers 1750,
comptent 6 790 paroisses. Le réseau des habitats a donc tenu bon : il est
même possible qu'il se soit légèrement renforcé d'une ou plusieurs cen
taines de villages nouveaux.
D'une façon générale, les comparaisons instituées par Ferdinand Lot
entre le nombre des paroisses emprunté, d'une part aux pouillés médié
vaux, d'autre part aux dénombrements de Saugrain et d'Expilly,
indiquent presque toujours une stabilité voire un accroissement : qu'il
s'agisse de la région parisienne, ou de la Picardie, du Val-de-Loire (dio
cèses de Tours, Orléans et Angers), de la région Rhône-Saône, du pays
manceau, de la Bretagne (où, il est vrai, les renseignements sont très
douteux). Seules feraient exception à cette règle quelques zones assez
étroitement délimitées, où il semble possible de déceler une certaine
« érosion ». D'une part à l'extrême sud du Bassin Parisien, ou aux marges
nord du Massif Central, le diocèse de Nevers perdrait 10 % de ses paroisses
entre 1370 et 1720, le diocèse de Bourges à peu près autant. D'autre part
en Normandie, les diocèses de Bay eux, de Rouen et d'Avranches per
draient respectivement 10 % environ (Bayeux et Rouen), et 22 %
(Avranches) du nombre de leurs paroisses entre 1350-1400 et 1720-1750.
Mais une étude plus précise des documents nous a rendus très pru
dents : pour le diocèse d'Avranches, un pointage nominatif des paroisses,
démontre qu'entre le xve siècle et le xixe siècle, elles ont toutes survécu
comme habitats réels — villages ou hameaux — si même certaines d'entre
elles ont effectivement disparu en tant qu'unités ecclésiastiques 2.
Des chiffres de Ferdinand Lot, en dehors de cette impression larg
ement majoritaire de stabilité, il faut donc retenir surtout, pour le moment,
que la paroisse disparue ne fait pas nécessairement le village disparu ;
et il faut en venir à des méthodes plus précises, nominatives. Les compar
aisons de Ferdinand Lot ont en effet l'inconvénient d'être globales. La
vraie recherche des villages disparus ne peut évidemment se faire que sur
1. Les chiffres médiévaux ne sont pas absolument unifiés, puisqu'on possède
souvent, pour le même diocèse, confectionnés à quelques décennies de distance, deux
pouillés, dont les totaux de paroisses ne concordent pas exactement.
2. Seul le village de Bois-Benâtre ne figure plus sur les cartes ; encore se peut-il
qu'il ait été absorbé par le village voisin (Manche, Cne de Coulouvray-Boisbenâtre).
268 VILLAGES DÉSERTÉS EN FRANCE
liste nominative d'habitats, et par pointages individuels : dans ce cas,
même si le chiffre total des villages ou paroisses tient bon ou même aug
mente, d'une période à l'autre, on verra néanmoins disparaître certains
noms, se produire certains vides, en nombre plus ou moins grand.
En Languedoc, les statistiques globales de paroisses peuvent être
confirmées grâce à un important sondage nominatif. Louis J. Thomas г
a publié en 1908 une liste de villages de la région de Lunel et Nîmes,
dressée pour des raisons fiscales ; en 1295, 104 villages sont signalés. Or
dix d'entre eux disparaîtront effectivement par la suite, rayés de la carte
des communes et, généralement, des habitats, à des dates diverses et parf
ois inconnues, au cours de la longue période qui va de 1295 à 1911 2. Il
s'agit toujours, sauf dans un cas, de villages parmi les plus petits, et sou
vent de quasi-hameaux, ayant moins d'une centaine d'habitants en 1295.
Pour la région parisienne, un autre sondage nous est fourni par une
étude portant sur les localités de l'actuel département de Seine-et-Oise,
qui faisaient partie de l'ancien diocèse de Paris 3. L'auteur a relevé les
noms des localités dans une liste fiscale exhaustive, constituée en 1370,
en vue de payer la rançon du roi Jean 4. Il a tenu compte des changements
de noms, des « disparitions fictives » ; si l'on totalise les données qu'il
présente, on s'aperçoit que sur 304 villages recensés en 1370, 25, soit 8 %
ont disparu en 1720, lors de la publication des listes de Saugrain, qui
seront reprises par Expilly. 8 % de disparitions en trois siècles et demi :
taux faible (qu'on retrouve un peu partout en France) et qui est fort
compatible avec une certaine stabilité de l'habitat ; taux pourtant qui
n'est nullement négligeable. D'autres statistiques indiquent quelle caté
gorie de villages — petits ou grands — est la plus frappée.
Dans un article paru en 1957 5, Guy Fourquin a étudié pour le
xive siècle les villages et hameaux du nord-ouest de Paris (région de
Po

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