Leuba Les tendances fondamentales des mystiques chrétiens - compte-rendu ; n°1 ; vol.9, pg 415-426
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Description

L'année psychologique - Année 1902 - Volume 9 - Numéro 1 - Pages 415-426
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1902
Nombre de lectures 20
Langue Français

Extrait

Alfred Binet
Leuba Les tendances fondamentales des mystiques chrétiens
In: L'année psychologique. 1902 vol. 9. pp. 415-426.
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Binet Alfred. Leuba Les tendances fondamentales des mystiques chrétiens. In: L'année psychologique. 1902 vol. 9. pp. 415-
426.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1902_num_9_1_3495SENTIMENTS MORAUX ET RELIGIEUX 415 ÉMOTIONS,
Moralement, que vaut le rire? Ici, désaccord complet. Pour les uns,
c'est un justicier, stigmatisant tout ce qui est contraire à l'idéal
absolu de la perfection humaine ; pour d'autres, moins rigoureux, le
rire est « une brimade sociale »; c'est la conclusion de la jolie étude
de Bergson, qui admet que le rire châtie seulement Pinsociabilité
légère, faite de vanité; brimade souvent injuste et aveugle. Pour
d'autres enfin, le rire n'a point une fonction morale .-tantôt il tombe
juste, tantôt il tombe faux ; il est amoral.
Esthétiquement, le rire a une valeur; il cause un plaisir délicat,
c'est le rire des gens de goût.
Le livre se termine sans conclusion précise.
L'éclectisme de l'auteur, ou du moins de sa méthode, l'empêche
d'arriver à une conclusion personnelle, qui serait toujours un peu
arbitraire et trop partielle. Il se borne à dire, dans ses dernières
pages, que le rire, à tous les points de vue, est un accident, un épi-
phénomène. «Expression de l'individualité, il revêt autant deformes
qu'il y a de caractères, d'esprits différents, d'états d'âme différents.
Il ne rentre donc point dans une théorie générale, il n'est point objet
de science. » C'est bien sceptique!
Il me semble d'abord que cette élude devrait être reprise d'après
nature; après avoir fouillé les livres, il faudrait maintenant regarder
la nature riant.
L'analyse attentive et sans parti pris de beaucoup de cas risibles
faite d'abord in abstracto, ensuite par interrogation des personnes
qu'on aurait fait rire, permettrait certainement d'avancer la question.
Je pense qu'on devrait surtout considérer le rire comme un état
affectif; c'est une émotion; peut-être même est-ce une succession de
deux émotions qui se contredisent, luttent l'une contre l'autre et
cherchent à s'exclure mutuellement. Il y aurait à chercher dans cette
voie.
A. BlNET.
J.-H. LEÜBA. — Les tendances fondamentales des mystiques
chrétiens. — Revue phil., juillet et août 1902.
Leuba a déjà montré, par de nombreuses et importantes publica
tions du Monist et de VAmerican Journal of Psychology, combien il
s'intéresse à la psychologie de la vie religieuse; ces études ont été
faites surtout avec la méthode des questionnaires, ou par l'interroga
tion attentive — je dirais presque la confession — de personnes bien
douées au point de vue des sentiments religieux. La méthode qu'il
emploie dans sa nouvelle étude est différente : elle est historique;
l'auteur cherche à reconstruire, d'après des documents anciens, des
autobiographies, la psychologie de Mme Guyon, saint François de
Sales, sainte Thérèse, Ruysbroeck, Tauler, Suso. C'est un groupe
d'individus qu'il appelle les mystiques enrôlions el auxquels il recon
naît deux traits : l'instabilité de la sensibilité organique, — elle ANALYSES BIBLIOGRAPHIQUES 416
alterne entre, l'anesthésie et l'hyperesthésie ; et l'énergie tenace et
héroïque avec laquelle ces personnes poursuivent un idéal moral bien
•déterminé.
Nous pensons intéresser nos lecteurs en faisant de larges emprunts
ä l'étude de Leuba. C'est un travail extrêmement important, et il
nous semble que jusqu'ici aucun psychologue n'a pénétré aussi avant
^ans l'intimité de la vie religieuse.
Étant d'avis qu'il est nécessaire de meltre sous les yeux du lecteur
les données elles-mêmes, il a reproduit les passages les plus caracté
ristiques de certains mystiques. Nous donnerons après lui une bi
ographie de Mmc Guyon.
« La famille de Mine de La Motte Guyon1 appartenait à la haute
■noblesse. En 1656, on trouve même la reine d'Angleterre chez son
père, le priant de lui laisser emmener la jeune fille, âgée alors de
huit ans. Sa beauté et sa pétillante intelligence l'avaient charmée à. tel-
point qu'elle -désirait en faire une dame de sa.cour.
. « Tout enfant, on la met au couvent.
« Elle était d'un naturel vif, d'une sensibilité excessive, volontaire,
et quelque peu emportée. Joignez à cela une fierté et une vanilé plus
-que moyennes...
« Dès ses premières année?, elle est profondément impressionnée
par los idées et images religieuses qui hanlent les couvents. Elle
n'avait pas sept ans qu'elle rêve déjà de l'enfer et qu'elle brûle du
<lésir de souffrir le martyre. Elle a, au bout du jardin paternel, .une
chapelle dédiée à l'Enfant Jésus où elle fait ses dévotions, et souvent
elle lui porte son déjeuner.
« A douze ans, elle s'enferme tout le jour pour lire les œuvres de
saint François de Sales et la vie de Mmc de Chantai. Elle apprend dans
-ces ouvrages ce que c'est que « faire oraison » et, dès lors, elle pra
tique cet exercice spirituel. Pour satisfaire son besoin de mortifica
tion, elle vide les bassins de son père malade pendant que les valets
^ont dehors.
« Ce beau zèle dure une année ou deux, puis, comme elle devenait
femme, elle échange saint François pour des romans qu'elle «aime à
ia folie ». Alors survint le hideux arrangement qui jeta une jeune fille
■d'à peine seize ans, sans son consentement naturel, dans le lit d'un
gentilhomme bourgeois déjà mûr. Le mari, goutteux, gardait de plus
*en plus la chambre et finit par n'en presque plus sortir. Voilà donc la
jeune Mme Guyon devenue garde-malade d'un mari jaloux et cela sous
les yeux d'une belle-mère revêche et envieuse. C'est alors, dans
l'écrasante misère de cette déplorable union, qu'elle commence à
sentir le besoin de Dieu. Le monde réel la repousse; elle ira donc
retrouver le monde idéal de son enfance. Mais la nalure ne s'accom
moda pas lout d'un coup des déviations qu'on voulait lui faire subir;
elle réclamait les satisfactions coutumières, elle voulait retourner
1. Les données qui suivent sont tirées de X Autobiographie de Mme Guyon,
-à moins qu'une autre source soit indiquée. Nous nous sommes souvent
.servi de ses propres expressions (L.). SENTIMENTS MORAUX ET RELIGIEUX 417 ÉMOTIONS,
dans son ornière. Ce fut une longue et pénible guerre intérieure.
« Une année ou deux après son mariage, encore ballottée entre les
tendances primitives et un idéal irréalisable, elle s'adressa à un rel
igieux. Il lui répondit tout court : « Accoutumez-vous à chercher Dieu
« dans votre cœur et vous l'y trouverez. » « Ce fut, nous dit-elle, un
coup de flèche qui perça mon cœur de part en part... Je sentis en ce
moment une plaie très profonde, autant délicieuse qu'amoureuse...,
une onction qui, comme un baume salutaire, guérit en un moment
toutes mes plaies et qui se répandait même si fort sur mes sens que
je ne pouvais presque ouvrir la bouche ni les yeux. »
« Dès ce moment son état affectif est transformé; sa conversion est
achevée. Elle possède Dieu « dans son fond, non par pensée ou par
« application d'esprit, mais comme une chose que l'on possède réel-
« lement d'une manière très suave. »
Leuba dislingue chez Mm* Guyon deux éléments de la vie mystique:
le premier est un besoin affectif, un amour de Dieu qui est extrême
ment intense, qui a toute la chaleur et la volupté de l'amour; le s
econd est un désir de perfection morale. Nous traiterons ces deux su
jets sous deux chefs différents, en commençant par la perfection
morale.
1° Toute jeune, dans ses années d'innocente dissipation, Mme Guyon
avait des remords, avait honte de son égoïsme et de sa coquetterie, et
demandait à la Sainte Vierge sa conversion. Pour subjuguer ses dé
sirs, elle bénit les souffrances naturelles qui lui viennent de maladies,
et elle invente des tourmenls.
« Tous les jours, cet

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