Malthus et le sous-développement ou le problème de la cohérence d'une théorie - article ; n°4 ; vol.35, pg 635-666

Jean-Philippe Platteau

Description

Revue économique - Année 1984 - Volume 35 - Numéro 4 - Pages 635-666
Malthus and the problem of underdevelopment : one or two theories ?
Jean-Philippe Platteau
The present paper purports to deal with Malthus's ideas about underdeveloped countries. It will examine these ideas as they have been developed by Malthus in the context of his two most famous works : the Essay on the Principle of Population and the Principles of Political Economy. It will then try to show that the views presented in these two works, even thongh they focus on different aspects of the problem at stake, are mutually consistent with each other on a purely logical ground. Finally, the relevance of these views will be assessed in the light of modern achievements of developrnent economies.
ment possède une cohérence d'ensemble. Il nous restera alors à proposer quelques réflexions sur l'actualité des idées de Malthus en matière de sous-développement.
32 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: REVUE_ECONOMIQUE
• Publié le: 01 janvier 1984
• Nombre de lectures: 92
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Monsieur Jean-Philippe Platteau
Malthus et le sous-développement ou le problème de la
cohérence d'une théorie
In: Revue économique. Volume 35, n°4, 1984. pp. 635-666.
Abstract
Malthus and the problem of underdevelopment : one or two theories ?
Jean-Philippe Platteau
The present paper purports to deal with Malthus's ideas about underdeveloped countries. It will examine these ideas as they
have been developed by Malthus in the context of his two most famous works : the Essay on the Principle of Population and the
Principles of Political Economy. It will then try to show that the views presented in these two works, even thongh they focus on
different aspects of the problem at stake, are mutually consistent with each other on a purely logical ground. Finally, the
relevance of these views will be assessed in the light of modern achievements of developrnent economies.
Résumé
ment possède une cohérence d'ensemble. Il nous restera alors à proposer quelques réflexions sur l'actualité des idées de
Malthus en matière de sous-développement.
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Platteau Jean-Philippe. Malthus et le sous-développement ou le problème de la cohérence d'une théorie. In: Revue
économique. Volume 35, n°4, 1984. pp. 635-666.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reco_0035-2764_1984_num_35_4_408798MALTHUS ET LE SOUS-DÉVELOPPEMENT
OU LE PROBLÈME DE LA COHÉRENCE
D'UNE THÉORIE *
POSITION DU PROBLEME
Lorsqu'on évoque la contribution de Malthus à l'analyse des pro
blèmes spécifiques aux pays sous-développés ou en voie de développe
ment (les pays « attardés » comme on les appelait du temps de Malthus),
on pense immédiatement à son célèbre « principe de population ».
Et pour cause : les économistes du développement qui se sont intéressés
à l'œuvre de Malthus se sont généralement contentés de relever sa
théorie de la population et d'en apprécier la validité et la pertinence
à la lumière des évolutions survenues depuis l'époque de parution de
YEssai sur le principe de population. Ainsi, par exemple, E. Penrose,
qui nous offre une analyse très pertinente du « principe de populat
ion » sur laquelle nous reviendrons, n'a pas hésité à appeler sa contri
bution « Malthus et les régions sous-développées » alors qu'il n'y est
pas une seule fois fait référence aux Principes ctéconomie politique 1.
Or, précisément, il nous apparaît que, dans ce dernier ouvrage (chrono
logiquement postérieur à YEssai), Malthus s'est longuement attaché à
élucider la situation des économies attardées de son époque ; l'essentiel
de ses réflexions se trouve d'ailleurs convenablement circonscrit à la
section IV du Livre II, intitulé « De la fertilité du sol, considérée comme
stimulant à l'accroissement continu de la richesse ».
* Je tiens à remercier le professeur P. Lebrun ainsi qu'un referee de cette
Reçue pour les remarques et suggestions qu'ils ont faites à partir d'une version
antérieure de cet article. Je porte toutefois l'entière responsabilité des positions
avancées et des erreurs qui subsistent éventuellement.
1. Voir E. Penrose, « Malthus and the underdeveloped areas », The Economic
Journal, 67 (266), juin 1957, p. 219-239.
6S5
Revue économique — N* 4, juillet 1984. Revue économique
Une question qui vient directement à l'esprit est celle de savoir
dans quelle mesure la problématique malthusienne du sous-développe
ment telle qu'elle peut se déduire des Principes confirme, complète ou
s'oppose à la problématique issue de l'Essai. C'est cette question que
nous voulons envisager ici afin de déterminer si Malthus, à travers
toute son œuvre, nous offre un cadre conceptuel cohérent à l'aide duquel
il est possible d'aborder le phénomène du sous-développement, ou si,
au contraire, il nous laisse avec deux schémas d'analyse et d'interpré
tation qui ne sont pas (tout à fait) compatibles l'un avec l'autre. Il
est intéressant de remarquer que cette question de la continuité
analytique de la pensée de Malthus, particulièrement entre la théorie
économico-démographique de long terme de l'Essai et la théorie macro
économique de court terme des Principes est souvent débattue de nos
jours. Une chose semble en tout cas ressortir de ces discussions : s'il
existe dans l'œuvre de Malthus un paradigme unitaire constitutif ou
une remarquable continuité doctrinale (où le souci de justifier la posi
tion des propriétaires fonciers apparaît prédominant), la compatib
ilité des appareils théoriques utilisés dans les deux ouvrages ci-dessus
n'est pas évidente et l'auteur ne paraît d'ailleurs pas s'être beaucoup
préoccupé de l'établir 2. Dans les sections II et III qui suivent, nous
présenterons les idées de Malthus relatives aux pays attardés telles
qu'elles apparaissent successivement dans son Essai sur le principe de
population et dans ses Principes d'économie politique 3. Dans une
quatrième section, nous tenterons ensuite d'apporter une réponse à
la question de la compatibilité éventuelle entre les unes et les autres.
Dans une dernière section, enfin, nous proposerons quelques réflexions
2. Le lecteur pourra se faire une idée des discussions en question en se repor
tant à l'ouvrage édité à l'occasion du Colloque « Malthus hier et aujourd'hui »
(UNESCO, 27-29 mai 1980), Société de Démographie historique, Paris, 1980,
surtout p. 99-103, 111-113, 123 et 130-131. Pour une bibliographie complète et
récente des recherches consacrées à Malthus, voir : W. Peterse'n, Malthus. he
premier anti-malthusien,, Paris, Dunod, 1980.
3. L'Essai sur le principe de population a été édité pour la première fois en
1798. Nous nous référerons à la traduction française de la sixième édition (1826),
telle qu'elle est parue aux éditions Gonthier, Paris, 1963 (il y eut encore une
septième édition, posthume, de l'Essai parue en 1872). Désormais, nous parlerons
simplement de l'Essai. La première édition des Principes d'économie politique
considérés sous le rapport de leur application pratique date de 1820. Une seconde
édition, posthume, parut en 1836, deux ans après la mort de Malthus. Au cours
de cette étude, nous nous référerons toujours à la traduction française de la
seconde édition (datant de 1846) qui a été récemment réimprimée aux éditions
Calmann-Lévy (Paris, 1969) avec une préface de J.-F. Faure-Soulet. Désormais,
pour faire bref, nous ferons simplement référence aux Principes. Rappelons que
le Livre II des Principes comprend un chapitre unique et se subdivise directement
en sections.
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sur le problème de la pertinence (et non plus seulement de la cohé
rence) des idées de Malthus concernant le phénomène du sous-déve
loppement.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, il est utile de rappeler la ma
nière dont Malthus posait le problème du sous-développement. Bien que
Malthus ait explicitement reconnu que certains peuples habitent des
territoires misérables (Terre de feu, île Andaman, Tasmanie, ...) où
la quête de nourriture exige un temps et des efforts considérables et
qui ne semblent guère pouvoir supporter une population plus nom
breuse que celle qui s'y trouve 4, il ne fait guère de doute que, pour
lui, la plupart des pays pauvres disposent de nombreuses ressources
inexploitées (principalement des terres de bonne qualité) et que la
principale question à résoudre se ramène à l'énigme suivante : pourquoi
de nombreux pays, pourtant potentiellement riches, ne se développent-
ils pas, alors que d'autres, relativement mal dotés en ressources natur
elles, parviennent à un degré comparativement élevé de richesse ? 5
L'IDEE DU SOUS-DEVELOPPEMENT DANS
L'(( ESSAI SUR LE PRINCIPE DE POPULATION »
Comme on le sait, entre la première et la seconde édition de l'Essai
sur le principe de population, Malthus a effectué une substantielle révi
sion de sa théorie de la population. En admettant que la croissance
démographique peut être freinée non seulement par la misère o