Mariage tardif et vie sexuelle : discussions et hypothèses de recherche - article ; n°6 ; vol.27, pg 1351-1378
29 pages
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1972 - Volume 27 - Numéro 6 - Pages 1351-1378
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1972
Nombre de lectures 44
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Jean-Louis Flandrin
Mariage tardif et vie sexuelle : discussions et hypothèses de
recherche
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 27e année, N. 6, 1972. pp. 1351-1378.
Citer ce document / Cite this document :
Flandrin Jean-Louis. Mariage tardif et vie sexuelle : discussions et hypothèses de recherche. In: Annales. Économies, Sociétés,
Civilisations. 27e année, N. 6, 1972. pp. 1351-1378.
doi : 10.3406/ahess.1972.422550
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1972_num_27_6_422550Manage tardif et vie sexuelle:
Discussions et hypothèses de recherche
Mon article de 1969, intitulé « Contraception, mariage et relations
amoureuses dans l'Occident chrétien » г, paraît n'avoir pas convaincu tout le
monde, si j'en juge par les allusions qu'y font, dans le précédent numéro
des Annales, André Burguière et Jacques Depauw 2. Mais à quelles parties
de l'article se réfèrent-ils ? Aux affirmations fondamentales, qui me paraissent,
à moi, solidement établies, ou aux suggestions et idées de recherche que j'avais
émises en conclusion ?
Je crois avoir suffisamment établi trois choses. D'abord qu'il existait, dans
l'idéologie dominante, en Europe occidentale, deux archétypes de conduites
sexuelles : d'une part le comportement conjugal qui devait avoir pour fin
la procréation, et qui, avec quelques réserves 3, était accepté par l'Église ;
d'autre part un comportement se caractérisant par la passion amoureuse et
la recherche du plaisir. Ce deuxième comportement, qu'une grande partie
de la littérature profane prenait pour thème et magnifiait, était coupable aux
yeux de l'Église, même et surtout lorsqu'il existait au sein du mariage. L'infé
condité était dans la logique de ce second comportement, selon tous les auteurs
qui s'y sont référés du VIe au xvine siècle, ou presque.
Je crois avoir démontré ensuite que la confusion de ces deux modèles de
1. Cf. Annales, 1969, n° 6 (Numéro spécial « Histoire biologique et Société »), pp. 1370-
1390.
2. A. Burguière, « De Malthus à Max Weber : le mariage tardif et l'esprit d'entre
prise » ; J. Depauw, « Amour illégitime et Société, à Nantes au xvnie siècle », Annales,
1972, n° 4/5.
3. La chasteté matrimoniale implique que les conjoints ont des rapports sexuels pour
la procréation. Mais la chasteté virginale ou « chasteté parfaite » reste supérieure à la
chasteté matrimoniale. Voilà les réserves que l'on peut trouver dans la doctrine de l'Église.
Dans la pratique des chrétiens, il semble qu'un certain discrédit pèse sur l'ensemble
de la sexualité. Tout à fait évidentes pendant le haut Moyen Age, ces tendances « cathares »
ressurgissent-elles au xvne siècle après s'être assoupies ? C'est ce que paraît soutenir
Pierre Chaunu (cf. Annales, 1972, n° 1, p. 18).
1351 FAMILLE ET SOCIÉTÉ
conduite scandalisait non seulement les auteurs ecclésiastiques mais aussi les
auteurs profanes apparemment les moins dévots, alors que du xvuie au
xxe siècle cette confusion s'est pourtant établie chez les laïcs puis chez les
clercs. Je n'ai que suggéré la chronologie de cette transformation.
J'ai soutenu enfin que le concept théologique de « péché contre nature »
rend très mal compte du statut moral réel des différentes pratiques sexuelles
qu'il amalgame. Alors qu'au niveau doctrinal les péchés contre nature sont tous
considérés comme les pires des péchés sexuels, on tolère en réalité des pratiques
comme la masturbation ou le coït interrompu beaucoup mieux que l'inceste
ou l'adultère, voire même la simple fornication. Cette thèse peut être discutée,
mais je suis prêt à l'étayer quand on voudra de nouveaux témoignages.
A partir de ces trois thèses, j'ai voulu montrer que l'on s'était trop pressé
de croire à la chasteté des célibataires occidentaux des xvne et xvine siècles.
Car, explicitement ou non, une telle opinion était fondée sur l'idée que toute
pratique extra-conjugale à cette époque devait être féconde ; sur l'idée que
toutes les pratiques infécondes étaient aussi sévèrement réprouvées par la
société qu'elles l'étaient dans les discours théologiques ; aussi peu fréquentes
à l'extérieur du mariage que dans le mariage. C'était ne pas tenir compte
de la logique des deux comportements.
Mais critiquer une thèse n'est pas soutenir la thèse contraire. Il serait
ridicule de ma part d'affirmer que les clercs et les nobles du XVIe siècle, parce
qu'ils acceptaient l'idée des deux modèles de conduite au point d'être scandal
isés lorsqu'on les confondait, ne procréaient jamais de bâtards. Car nous savons
bien que les uns et les autres en engendraient, et qu'ils étaient parfois heureux
de le faire. Cependant nous savons aussi que certains nobles — certaines dames
surtout ■ — pratiquaient le coït interrompu en dehors du mariage quand bien
même il leur aurait paru anormal de le pratiquer dans le ; et que
certains clercs fournissaient à leurs maîtresses des drogues abortives ou
stérilisantes. Nous n'avons pour l'instant jamais pu évaluer sérieusement la
proportion des pratiques extra-conjugales infécondes par rapport aux fécondes,
dans ces milieux.
Quant aux milieux populaires, dans lesquels je ne savais même pas si l'idée
des deux modèles de conduite avait cours, je me suis bien gardé d'affirmer
qu'ils pratiquaient le coït interrompu en dehors du mariage et non dans le
mariage. Je me suis contenté d'appeler à la recherche sur leur idéologie et leurs
coutumes, affirmant dès le début de l'article qu'on ne pouvait préjuger de
ce qu'ils acceptaient et comprenaient de l'idéologie dominante.
Il est vrai qu'après avoir établi des faits et critiqué des théories, j'ai suggéré
avec trop de conviction ce qui ne pouvait être que des hypothèses de recherche.
Sans en avoir fourni de preuves sérieuses, j'ai dit que je ne pouvais croire
— et je ne le peux toujours pas — que la masse des jeunes gens des xvne et
xvine siècles soient restés célibataires dix ou quinze ans après la puberté sans
avoir aucune activité sexuelle. J'ai suggéré qu'ils s'adonnaient à la mastur
bation ou à d'autres pratiques infécondes. Que ces convictions et hypothèses
de recherche n'aient pas emporté l'adhésion n'a donc rien d'étonnant ; et, si
1352 FLANDRIN MARIAGE TARDIF ET VIE SEXUELLE d.-L
elles ne s'étaient trouvées en butte qu'à des critiques limitées et solidement
étayées comme celle de Jacques Depauw, j'aurais attendu pour y répondre
la fin des recherches que j'ai lancées, de mon côté, sur les déclarations de
grossesse. Cependant André Burguière est allé beaucoup plus loin, non seulement
en paraissant rejeter l'ensemble des idées que j'avais énoncées en 1969, mais
en y opposant une théorie d'ensemble qui me paraît irrecevable. Comme il
m'a amicalement proposé de répondre à ses critiques, j'ai voulu d'abord
distinguer l'acquis de ce qu'il y avait d'hypothétique dans mon article de 1969 ;
et je vais maintenant prendre le risque d'exposer prématurément ce que
je pense du comportement des jeunes célibataires aux XVIIe et xvine siècles.
Je ne sais si Burguière a raison de situer vers le xvie siècle le début de la
tendance à élever l'âge au mariage, mais cela n'a rien d'invraisemblable.
Quoi qu'H en soit il me paraît, comme à lui, nécessaire de souligner l'importance
et l'originalité de ce phénomène, caractéristique de l'Europe occidentale
à l'époque moderne. Il a certainement eu des conséquences démographiques
et économiques considérables — celles que suggèrent J. Hajnal 4 et André
Burguière restent néanmoins très hypothétiques — et il n'a pas pu ne pas en
avoir aussi sur la vie sexuelle. C'est sur ces conséquences-là que nous divergeons.
André Burguière — comme un certain nombre d'autres chercheurs — croit

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